samedi 3 avril 2010

Le travail des enfants dans les mines de charbon : l'exemple du Royaume-Uni au début des années 1840 (1ère partie)


« Conformément au vœu exprimé par la Chambre des Communes, le gouvernement anglais institua, le 20 octobre 1840, une commission dans le but de constater la condition des enfants et des jeunes gens employés dans les mines, usines cl manufactures autres que les fabriques désignées dans l'acte de 1833. Celle commission, composée de 4 membres, MM. T. Tooke, T. Southwood Smith, L. Borner et R. J. Saunders, et d'un secrétaire, M. J. Fletcher, s'adjoignit 20 sous-commissaires qui reçurent la mission de visiter les usines et les mines désignées ci-dessus. Ces visites eurent lieu à la fin de 1840 et dans le cours de 1841. Pour s'éclairer dans leurs recherches, les sous-commissaires, non contents de tout voir par eux-mêmes, interrogèrent successivement un grand nombre de témoins, les propriétaires des mines, usines et manufactures, les surveillants, les ouvriers, les enfants, les parents de ceux-ci, les instituteurs, les médecins, les membres du clergé, les gardiens des pauvres, tous ceux en un mot qui, plus ou moins en rapport avec la classe ouvrière, paraissaient le plus à même d'apprécier sa situation et ses besoins. Les principaux faits recueillis dans celte enquête sont résumés et classés dans un rapport rédigé par les commissaires, et qui fut soumis au parlement, par ordre de la Reine, le 21 avril 1842. […]

1. Âge d'admission aux travaux. — Les commissaires ont constaté des cas où les enfants avaient été mis au travail dans les houillères dès l'âge de 4 ans; d'autres, dès l'âge de 5 et entre 5 et 6 ans ; il n'est pas rare d'y rencontrer de jeunes ouvriers âgés de 6 à 7 ans ; souvent ils sont âgés de 7 à 8 ans ; mais c'est d'ordinaire entre 8 et 9 ans que commence, pour les enfants, le travail dans les mines de cette espèce. On a aussi remarqué que le nombre des jeunes ouvriers dans les houillères a sensiblement augmenté depuis qu'on a interdit ou abrégé pour eux le travail dans les fabriques de coton, de laine et de lin.

2. Nombre proportionnel des enfants employés dans les houillères. — Il résulte des tables dressées par les commissaires qu'en Angleterre, dans les districts houillers du Yorkshire, du Lancashire et de la partie nord du comté de Durham, la proportion des jeunes ouvriers âgés de moins de 18 ans aux ouvriers adultes est d'un tiers environ, et qu'elle est de deux septièmes dans les trois autres districts du Leicestershire, du Derbyshire et de la partie méridionale du comté de Durham. En Ecosse, dans le district d'Est-Lothian, cette proportion est de près de moitié; dans les autres districts elle varie d'un tiers à deux cinquièmes; elle n'est cependant que d'un quart environ dans la partie occidentale du pays. Dans le pays de Galles, le district du Pembrokeshire compte deux jeunes ouvriers pour trois adultes; dans le Glamorganshire et le Monmouthshire, le rapport est à peu près comme 1 est à 3.

3. Sexe. — Dans plusieurs districts du Yorkshire, du Lancashire et du pays de Galles, les jeunes filles sont employées dans les houillères au même âge que les jeunes garçons, sans qu'on fasse entre eux de différence pour ce qui concerne le genre et la durée des travaux. Dans l'est de l'Ecosse la confusion des sexes est une coutume générale. La commission signale, avec de vives couleurs, les inconvénients auxquels donne lieu ce mélange des hommes, des femmes, des jeunes garçons et des jeunes filles dans les travaux souterrains où la surveillance est presque toujours nulle ou insuffisante. Les ouvriers, sans distinction de sexe, la jeune fille comme la femme mariée, travaillent souvent dans un état de complète nudité.

4. Mode d'engagement. — La plupart des enfants et des jeunes gens employés au travail des mines appartiennent aux familles des ouvriers adultes, ou font partie de la population la plus pauvre dans le voisinage ; ils sont engagés et payés dans quelques districts par les ouvriers eux-mêmes, dans d'autres par les propriétaires ou les entrepreneurs d'exploitation. Dans certaines localités on trouve des apprentis placés par les paroisses, avec l'obligation de servir leurs maîtres jusqu'à l'âge de 21 ans révolus, dans des travaux où il est impossible d'acquérir quelque aptitude. Ces apprentis, fréquemment exposés aux mauvais traitements de toute espèce, ne reçoivent d'autre rétribution que la nourriture et l'habillement.


5. État des lieux où s'exécutent les travaux. — Dans un grand nombre d'exploitations on a souvent réussi à assainir les travaux, en mettant en œuvre toutes les ressources que pouvait offrir la science pour garantir la santé et la sûreté des travailleurs ; mais sous ce rapport on n'est pas encore parvenu jusqu'ici à écarter toute chance de danger. Dans d'autres exploitations, au contraire, et ce ne sont pas les moins nombreuses, les moyens de ventilation et de dessèchement sont essentiellement défectueux. On trouve à cet égard, dans les rapports des sous-commissaires, des détails vraiment affligeants : "J'ai vu des mines, dit l'un d'eux, où l'humidité était telle, qu'elle mouillait en quelques minutes les enfants jusqu'à la peau; l'air y était en même temps si chaud, qu'ils pouvaient à peine garder leurs habits ; ils étaient forcés de travailler ainsi pendant 14 heures sans relâche, et le soir, après les travaux, ils avaient souvent un ou deux milles à faire avant de pouvoir changer ou sécher leurs vêtements." (J. M. FILLOWS, Report, § 24.) »

à suivre...

Edouard DUCPETIAUX, De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l'améliorer, Bruxelles, Méline, 1843, Vol. 2.

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