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mardi 16 février 2010

Les dangers de l'emprisonnement cellulaire analysés sous le Second Empire

« Lorsqu'un détenu entre en cellule, il est pris d'un sentiment de haine, de colère contre les chefs de l'établissement, contre les gardiens et contre tous ceux qu'il accuse de cette peine disciplinaire et de la peine primitive, contre ceux qui l'ont conduit au crime ou l'ont dénoncé. En un mot, il repasse toute sa vie avec un sentiment de rage. Cette colère est souvent concentrée : chez des caractères plus ardents, elle se manifeste par des injures, des menaces, des voies de fait envers les surveillants; ils brisent leur mobilier, leurs vêtements. De là aggravité de peine ; fers aux mains et aux pieds, des coups.


Dans l'un et l'autre cas, la nature succombe enfin, par l'influence du défaut d'espace dans la cellule; par la nature de l'air qu'on y respire; par le régime atténué. Alors le détenu tombe dans une sorte de stupeur, il ne sent pas, il ne pense plus. On le croit corrigé, amélioré; il n'est qu'affaibli, qu'abruti.

Le défaut de mouvement produit l'atrophie des membres, l'impuissance à exécuter leurs fonctions ; dans la cellule tout s'atrophie : muscles et centre cérébro-spinal ; corps et âme.

Voilà ce que nous ont dit des centaines de détenus qui avaient passé par les cellules de punition, et ils ajoutaient : « Ceux qui disent le contraire sont des hypocrites. » Nous le croyons.

La commission trouve la nourriture suffisante, et les détenus ne s'en plaignent pas. (Ann. d'hyg., t. XLIX, pag. 53.) Elle n'est suffisante que parce que les forces digestives perdent leur activité, que le corps est inactif, que l'organisme dans la stupeur ne sollicite pas des moyens réparateurs. Ce régime concourt à amener l’asthénie générale dont l'encellulement est le résultat; mais on voit bientôt le détenu maigrir, pâlir. C'est ce que nous avons toujours observé.

Nous avons voulu rectifier une erreur qui s'était glissée dans le travail de la commission ; erreur portant sur la base d'appréciation du chiffre des suicides. Nous avons noté, à cette occasion, quelques réflexions, et le résultat de notre expérience de vingt-six ans de service médico-chirurgical d'une immense prison, dans laquelle les cellules sont en usage comme moyen de répression disciplinaire.

Nous ne rejetons pas l'isolement solitaire, mais nous ne pouvons y voir une panacée universelle applicable à toutes les maladies morales, à tous les temps de ces maladies, à tous les tempéraments moraux, etc. L'isolement cellulaire est un puissant moyen de thérapeutique des maladies morales, comme il l'est dans quelques cas des maladies mentales. Dans celles-là, comme dans celles-ci, il doit être employé pour remplir une indication, et dosé en conséquence du cas particulier qui exige son emploi. [...]

La prison doit être un hôpital du moral, une école où l'on refera l'éducation morale, intellectuelle et professionnelle du condamné. En l'habituant à gagner sa vie par son travail, à vivre en société de ses semblables sans leur nuire. Les travaux de voierie, de canalisation, d'assainissement des sols insalubres, appellent leurs bras, et offrent un moyen de former des ateliers-écoles. Ces ateliers ouvriraient des voies à l'agriculture, étendraient son domaine ; ils rendraient les moyens de communication plus faciles et plus prompts.

Ainsi, les condamnés seraient employés à percer des tunnels à travers les montagnes que gravissent les routes. Un tunnel est une prison naturelle, où seraient enfermés les condamnés et gardés facilement. Les campagnes souffrent par le mauvais état des chemins vicinaux et des chemins d'exploitation rurale. Le mauvais état de ces chemins est en raison de la misère des villages, et ceux-ci ne peuvent y remédier sans les fonds municipaux. Rien de plus simple que de faire exécuter, par les ateliers-écoles des condamnés, les travaux nécessaires à ces chemins communaux.

Si l'on prétend organiser un système général dans le sens que nous indiquons, on n'arrivera jamais à un résultat. Mais qu'il soit ordonné, à chaque préfet du département où est sise une maison centrale, d organiser un ou plusieurs ateliers des cent meilleurs sujets, pris parmi ceux qui seraient les moins dangereux à la société en cas d'évasion : les insubordonnés militaires, les condamnés pour voie de faits simples, et qui auraient fait une partie notable de leur peine.

Il serait encore mieux d'organiser les ateliers des nouveaux condamnés, sans les laisser passer par l'enseignement mutuel du vice des maisons centrales, et en constituant les ateliers d'individus pris hors de la classe des voleurs.

Nous conserverions l'isolement cellulaire aussi pour les prévenus, à la condition que la justice hâterait davantage l'instruction des petits criminels, et que le prévenu aurait à sa disposition un petit préau à ciel ouvert, où il pût prendre l'air aussi souvent qu'il le jugerait utile. »

"Quelques remarques sur le rapport de la commission sanitaire de la prison de Mazas, par M. Boileau de Castelnau", Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 1853 (cf. note 1).


 
« Le moment où le détenu voit se fermer sur lui la porte de la cellule produit une impression profonde sur l'homme qui a reçu de l'éducation comme sur celui qui a toujours vécu dans l'ignorance, sur le criminel comme sur l'innocent, sur le prévenu comme sur le condamné : cette solitude, l'aspect de ces murs, ce silence absolu l'effrayent et le confondent. S'il a de l'énergie, s'il possède une âme forte et bien trempée, il résiste, et peu de temps après il demande des livres, de l'occupation, du travail. Si c'est un être faible et pusillanime, il se laisse abattre ; insensiblement il devient taciturne, triste, morose; bientôt il refuse ses aliments, et s'il ne peut occuper ses mains, il reste de longues heures immobile sur son escabeau, les bras appuyés sur la table, les yeux fixés sur elle. Quelques jours encore, et la promenade ne sera plus un besoin pour lui, et les visites des aumôniers ne le soulageront guère, et les paroles des médecins ne le tireront pas de ses rêveries.

Selon les degrés de son intelligence, selon ses habitudes, sa manière d'être, son organisation morale, la monomanie prendra une forme érotique ou religieuse, gaie ou triste.

Les affections dépressives sont les plus ordinaires ; mais à côté des mélancolies les mieux caractérisées, nous avons vu l'exaltation la plus complète : un ancien militaire, par exemple, s'excitant au combat, à la mêlée, parlant de cliquetis d'armes et de bruits de clairons ; un commis, détenu pour vol d'une cravate, soupirant sans cesse des vers à sa maîtresse; un choriste de l'Opéra se livrant à la danse la plus échevelée.

Cependant dans les moments de calme, d'intermittence, ces malheureux répondent parfaitement aux demandes qu'on leur adresse ; souvent même il faut un interrogatoire minutieux pour déterminer le point sur lequel leur esprit divague et se perd.

De pareils troubles de l'intelligence sont inhérents au système ; ils prennent naissance chez des individus qui jouissaient antérieurement d'une parfaite santé, qui n'avaient présenté aucune prédisposition héréditaire ou acquise, et, de plus, ils sont facilement modifiés par un traitement convenable; ils disparaissent avec la cause première. Nous avons signalé plus haut l'heureuse influence des distractions, de la société, des promenades, du transfèrement dans une maison en commun. Tout ce qui précède nous autorise donc à admettre cette proposition :

"Fréquence plus grande, pour le régime cellulaire, des aliénations mentales." […]

Abordons enfin cette question si délicate et si controversée des suicides.
 
En principe, le nombre des aliénations mentales, et partant des suicides, est en rapport avec l'état politique du pays : dans les moments de calamités et de discordes civiles, aux jours de troubles de la cité, aux époques de bouleversement social, l'imagination s'exalte, et l'exaltation conduit bientôt à la folie : « Plus le cerveau est excité, s'écrie Esquirol, plus la susceptibilité est active, plus les besoins augmentent, plus les désirs sont impérieux, plus les causes de chagrin se multiplient, plus les aliénations mentales sont fréquentes, plus il doit y avoir de suicides. »

Depuis un demi-siècle, le flux et le reflux révolutionnaire ont changé bien des positions sociales, et l'accroissement des suicides est réellement effrayant dans cette période. […] Dans Paris, de 1817 à 1821, le terme moyen des suicides a été de 346 ; en 1834 de 247 ; en 1849 de 303 ; en 1850, de 391 […]

Nous possédons les indications et les renseignements les plus précis sur tous les suicides et une grande partie des tentatives survenus à Mazas. En les consultant avec attention, ils nous ont fourni une preuve directe pour admettre que cette énorme quantité de morts volontaires est inhérente au système, ou du moins qu'elle en est une des conséquences les plus immédiates.

Voici quelques détails à ce sujet :

Sur les 26 suicidés, 21 étaient prévenus, 5 seulement condamnés.

25 fois la mort est survenue par suspension au moyen de courroies ou de cravates à la tringle de tirage de la fenêtre: ou à son barreau, à la planche de la cellule, à l'anneau qui fixe le hamac, au bec de gaz, etc. Une fois une cuillère de bois et une cravate ont suffi pour opérer la strangulation. Parmi les tentatives, 2 prévenus voulaient s'empoisonner en fabricant du vert-de-gris par l'infusion de quelques sous dans de l'urine. La nature des préventions et des condamnations, pour être diverse, ne présentait pas d'ordinaire une bien grande gravité.

Sur les 21 prévenus : 6 l'étaient pour vagabondage ou mendicité ; 4 pour attentat à la pudeur; 8 pour vols (parmi ceux-ci deux de peu d'importance, 1 habit, 12 bûches); 3 pour coups, rébellion à la force publique, rupture de bans.

Des 5 condamnés : 2 l'étaient à 3 et 6 mois d'emprisonnement pour vol ; 1 à 2 mois pour abus de confiance ; 1 à un an pour rupture de ban ; aux travaux forcés à perpétuité pour vol qualifié.

L'enseignement qui découle de la durée du séjour me parait devoir mériter une attention particulière. 14 fois le suicide a eu lieu dans les 8 premiers jours (de 1 à 8) ; 3 fois dans le premier mois (de 9 à 30) ; 7 fois dans les deux mois (de 30 à 60) ; 2 fois dans le cours du troisième mois (de 60 à 90).

Pour ce qui est de l'âge : 3 avaient moins de 20 ans ; 6 de 20 à 40; 7 de 40 à 50 ; 10 de 30 et au delà.

Ces notions, qui nous ont semblé très intéressantes, conduisent aux résultats suivants:

1° En général, les détenus qui se sont suicidés n'étaient pas de la catégorie de ces hommes pervers, perdus de dettes ou de crimes, misérables sans foi ni loi, ne possédant ni feu ni lieu.

2° La grande majorité était en prévention pour des délits qui les rendaient spécialement passibles de la police correctionnelle.

3° L'impression première de la solitude, de l’encellulement, a été si violente, que la pensée de la destruction est née instantanément avec une force extrême dans leur esprit. Deux d'entre eux avaient cessé de vivre le lendemain même de leur arrestation ; 14 sur 26 n'avaient pas dépassé la huitaine.

4° C'est dans la force de l'âge, chez les hommes qui ont déjà traversé la vie et ses péripéties, que cette passion est la plus énergique. »

Prosper de Pietra Santa (1820-1898), Mazas: études sur l'emprisonnement cellulaire et la folie pénitentiaire, Paris, Librairie de Victor Masson, 1858.

 
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Note 1 : le rapport de la commission sanitaire publié dans les Annales d'hygiène publique et de médecine légale (1853) est accessible sur le site de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM) :  http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?90141x1853x49
Note 2 : sur l'adoption du système cellulaire sous la Monarchie de Juillet (1836) et son abandon au début du Second Empire (circulaire de Persigny en date du 17 août 1853), voir : http://prison.eu.org/article.php3?id_article=1902

 

vendredi 12 février 2010

Folie et politique en 1848 (Dr Bergeret, 1863)

«… la folie est une des pages les plus intéressantes et les plus véridiques de l'histoire du cœur humain. On voit, dans l'existence des nations, des moments d'effervescence où cette affreuse maladie multiplie ses victimes d'une manière effrayante, et présente des particularités bien dignes de fixer l'attention. La révolution de février 1848 est de ce nombre; elle a jeté tout à coup dans les esprits une perturbation profonde. Une sorte d'agitation fébrile a circulé dans tous les membres du corps social. Les idées les plus étranges, les théories les plus bizarres, lancées au milieu de la foule par d'orgueilleux sectaires qui ne poursuivaient, dans leurs faciles triomphes sur l'inexpérience dos masses populaires, que les coupables rêves d'une vanité sans frein et d'une insatiable ambition. Et la foule ignorante s'est jetée avidement sur ces appâts trompeurs qui flattaient les mauvaises passions du cœur humain. D'autre part, beaucoup d'esprits faibles ont succombé sous le poids des terreurs que leur imprimaient la voix menaçante des partis et les hurlements des factions. Aussi les cas d'aliénation mentale se sont-ils multipliés d'une manière effrayante. J'en ai observé, pour ma part, dix fois plus que dans les temps ordinaires. [...]

Je n'en finirais pas, si je voulais rapporter avec leurs détails tous les cas de perturbation mentale que j'ai observés après l'avènement de la Seconde République. [...]

Un vieux militaire peu intelligent, dur, grossier, ne connaissant que la force brutale, avait sa pauvre tête montée contre les nobles, les riches et les prêtres. Poursuivi par des hallucinations, il alla une nuit, à une heure du matin, par un beau clair de lune, enfoncer à coups de hache la devanture d'un des principaux magasins de la ville, la prenant pour un château. Un jour il tordit le cou à son chat, qui était noir; il disait que c'était un calotin. Chez lui, il avait toujours une hache à ses côtés pour se défendre contre les aristocrates.

La femme d'un horloger, bilieuse, jalouse, triste, colère, croyait que les blancs l'avaient empoisonnée. Elle ressentait un feu intérieur tel qu'elle passait tout son temps à prendre des lavements d'eau fraîche. Elle n'interrompait jamais ces exercices, pas même en ma présence, pendant mes visites. Quand elle était restée cinq minutes sans lavement, elle s'écriait avec un accent déchirant : je brûle ! je brûle ! et sa main se précipitait sur la seringue. Elle avait constamment à côté d'elle un seau d'eau fraîche pour la remplir.

Un jeune homme d'une intelligence bornée, mais fort sentimental, étant un soir en rendez-vous avec sa maîtresse, dans un lieu solitaire, se mit tout à coup à marcher précipitamment, avec un air inspiré, en s'écriant : je suis un Messie ; je veux changer la face de la terre, etc. J'appris ces détails de la bouche de la jeune fille, qui, le lendemain, était si souffrante, par suite de la frayeur que lui avait imprimée la scène de la veille, que son père m'avait envoyé chercher.

Un de mes parents avait pour valet un jeune homme, qui, dans des rapports intimes avec un instituteur pédant et socialiste, avait pris un goût effréné pour la lecture. Je l'ai rencontré plusieurs fois lisant le journal la Réforme à côté de sa voiture de foin ou de blé qu'il ramenait de la campagne. Un de mes fermiers, qui avait couché par hasard une nuit dans sa chambre, se plaignit amèrement le lendemain de ce qu'il ne l'avait pas laissé fermer les yeux, parce que, malgré toutes ses protestations, il n'avait pas cessé de le catéchiser toute la nuit pour l'enrôler parmi les adeptes de la république démocratique et sociale. Ce valet apôtre avait pour maître le meilleur des hommes, un sincère ami du peuple, un homme de bien par excellence. Dans ses accès de fureur révolutionnaire, il disait de lui qu'il était un aristo, un tyran, un despote, un monopoleur.

Le sentiment de l'orgueil s'était tellement exalté dans toutes les têtes, chacun était si empressé de sortir de sa condition, qu'une jeune femme, qui avait fait une étude approfondie du phalanstère, se pénétra si bien des idées de Fourier qu'elle en perdit la tête. On la vit sortir avec des vêtements d'homme. Un jour qu'elle était très-agitée, son mari m'ayant fait venir près d'elle, il me fut impossible de l'aborder. Elle entra en fureur, déclarant qu'elle ne recevrait jamais les soins d'un médecin tant qu'il ne serait pas permis aux femmes de prendre le diplôme de docteur. Cette malheureuse est allée finir ses jours dans une maison de santé. [...]

Au milieu de la fermentation générale qui agitait toutes les têtes, on voyait peu de cerveaux qui ne fussent plus ou moins atteints par l'émotion vertigineuse qui courait dans l'air. Il y avait, si je puis m'exprimer ainsi, des millions de demi-fous et de quarts de fou. Il est peu d'hommes qui aient eu le don de s'élever au-dessus de cette mêlée bruyante et confuse des opinions excentriques et des théories bizarres, dans la région sereine des idées lucides et des saines conceptions. [...]
 
Les faits consignés dans ce mémoire doivent conduire à des conclusions pratiques d'une haute importance. Je vais les formuler brièvement.


1° Les idées d'indépendance exagérée, de liberté sans frein, les attaques immodérées contre les grands principes sociaux, tout ce qui peut, en un mot, ébranler dans l'esprit du peuple la confiance dans les institutions, doit être proscrit par les gouvernements, avec la plus grande sévérité, de toutes les publications qui peuvent tomber au milieu des masses populaires. En effet, le tableau des malheurs que les idées subversives ont provoqués, après 1848, n'est-il pas un véritable martyrologue du peuple ? Ces idées sont, pour l'état mental des populations, comme des miasmes dangereux qui y développent des épidémies morales plus redoutables que le typhus ou le choléra. S'il est du devoir des gouvernements de garantir les populations des émanations méphitiques qui engendrent les maladies, à plus forte raison doivent-ils les préserver des théories malsaines, des idées corruptrices qui font éclater des épidémies mentales aussi terribles que celle de Février 1848.

2° Quand une tempête sociale est venue jeter un trouble profond dans les esprits, ébranler les consciences les mieux affermies, il faut que les hommes dont l'habileté et le courage ont ramené dans le port le vaisseau de l'État qui sombrait au milieu des récifs, soient pleins d'indulgence pour les ignorants qui ont eu un moment d'absence au milieu des éléments révolutionnaires déchaînés par la tempête. Toute la rigueur des lois doit être réservée pour les ambitieux agitateurs qui, au milieu de la tourmente, jouent, vis-à-vis des cultivateurs et des ouvriers non expérimentés, le rôle du Bertrand de la fable à l'égard du pauvre Raton.

On ne doit laisser circuler au sein des masses populaires que des idées saines et justes. Il faut en proscrire toutes les impuretés morales, comme on purifie, par les règles de la salubrité, l'air destiné à la respiration. Malheur aux sociétés qui laissent répandre librement des doctrines pernicieuses, car il y a toujours des mauvaises natures qui les accueillent avidement, comme il y a des tempéraments si malheureusement organisés, qu'ils reçoivent et font éclore le germe de toutes les épidémies.

J'aurais pu livrer plus tôt à la publicité les observations contenues dans ce mémoire ; mais j'ai voulu laisser aux passions soulevées par la révolution de Février le temps de s'apaiser. Ce n'est pas au lendemain d'une grande bataille dont il a été témoin, et le cœur encore plein des émotions qu'il a ressenties, que l'historien peut en raconter les détails les plus navrants avec le calme et l'impartialité que réclame un pareil sujet. »


Docteur Bergeret (médecin en chef de l’hôpital d’Arbois), "Cas nombreux d'aliénation mentale d’une forme particulière ayant pour cause la perturbation politique et sociale de février 1848", Annales d’hygiène et de médecine légale, 2e série, t. XX, 1863.