tag:blogger.com,1999:blog-56007680183876908132024-03-13T03:57:21.689+01:00L'aimable faubourienBlog dédié aux années 1814-1875 sous tous leurs aspects : politiques, économiques, sociaux, culturels...l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.comBlogger218125tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-7828960203796306212012-04-27T18:22:00.002+02:002012-04-27T18:22:23.494+02:00"Si j'étais Président, je ne reculerais devant aucun danger..." (L.-N. Bonaparte, 1848)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;">
<a href="http://1.bp.blogspot.com/-TWWvvzOz8-s/T5rGL1APtvI/AAAAAAAAAtA/1HVIPx0XfuE/s1600/MANIFESTE+DE+LOUIS+NAPOLEON+BONAPARTE+AUX+ELECTEURS.gif" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" oda="true" src="http://1.bp.blogspot.com/-TWWvvzOz8-s/T5rGL1APtvI/AAAAAAAAAtA/1HVIPx0XfuE/s320/MANIFESTE+DE+LOUIS+NAPOLEON+BONAPARTE+AUX+ELECTEURS.gif" width="226" /></a></div>
<br />
<span style="color: #333333; font-family: "Arial", "sans-serif"; font-size: 11pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin;">« </span>A mes concitoyens.<br />
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<br />
<div style="text-align: justify;">
Pour me rappeler de l'exil, vous m'avez nommé Représentant du peuple. A la veille d'élire le premier Magistrat de la République, mon nom se présente à vous comme symbole d'ordre et de sécurité.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ces témoignages d'une confiance si honorable s'adressent, e le sais, bien plus à ce nom qu'à moi-même qui n'ai rien fait encore pour mon pays ; mais plus la mémoire de l'Empereur me protège et inspire vos suffrages, plus je me sens obligé de vous faire connaître mes sentiments et mes principes. Il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque entre vous et moi.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l'Empire et la guerre, tantôt l'application de théories subversives. Élevé dans des pays libres, à l'école du malheur, je resterai toujours fidèle aux devoirs que m'imposeront vos suffrages.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Si j'étais Président, je ne reculerais devant aucun danger, devant aucun sacrifice, pour défendre la société si audacieusement attaquée ; je me dévouerais tout entier, sans arrière-pensée, à l'affermissement d'une République sage par ses lois, honnête par ses intentions, grande et forte par ses actes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de quatre ans, à mon successeur le pouvoir affermi, la liberté intacte, un progrès réel accompli.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Quel que soit le résultat de l'élection, je m'inclinerais devant la volonté du peuple, et mon concours est acquis d'avance à tout Gouvernement juste et ferme, qui rétablisse l'ordre dans les esprits comme dans les choses ; qui protège efficacement la religion, la famille, la propriété, bases éternelles de tout état social; qui provoque les réformes possibles, calme les haines, réconcilie les partis, et permette ainsi à la patrie inquiète de compter sur un lendemain.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Rétablir l'ordre, c'est ramener la confiance, pourvoir par le crédit à l'insuffisance passagère des ressources, restaurer les finances, ranimer le commerce.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Protéger la religion et la famille, c'est assurer la liberté des cultes et la liberté de l'enseignement.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Protéger la propriété, c'est maintenir l'inviolabilité des produits de tous les travaux; c'est garantir l'indépendance et la sécurité de la possession, fondements indispensables de la liberté civile.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Quant aux réformes possibles, voici celles qui me paraissent les plus urgentes :</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Admettre toutes les économies qui, sans désorganiser les services publics, permettent la diminution des impôts les plus onéreux au peuple ; encourager les entreprises, qui, en développant les richesses de l'agriculture, peuvent, en France et en Algérie, donner du travail aux bras inoccupés ; pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des institutions de prévoyance ; introduire dans nos lois industrielles les modifications qui tendent non à ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder le bien-être de chacun sur la prospérité de tous.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Restreindre, dans de justes limites, le nombre des emplois qui dépendent du Pouvoir, et qui, souvent, font d'un peuple libre un peuple de solliciteurs. Éviter cette tendance funeste qui entraîne l'État à exécuter lui-même ce que les particuliers peuvent faire aussi bien et mieux que lui. La centralisation des intérêts est dans la nature du despotisme. La nature de la République repousse le monopole.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Enfin, préserver la liberté de la presse des deux excès qui la compromettent toujours: l'arbitraire et sa propre licence.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Avec la guerre, point de soulagement à nos maux. La paix serait donc le plus cher de mes désirs. La France, lors de sa première Révolution, a été guerrière, parce qu'on l'a forcée de l'être. A l'invasion, elle répondit par la conquête. Aujourd'hui qu'elle n'est pas provoquée, elle peut consacrer ses ressources aux améliorations pacifiques, sans renoncer à une politique loyale et résolue. Une grande nation doit se taire ou ne jamais parler en vain.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Songer à la dignité nationale, c'est songer à l'armée, dont le patriotisme si noble et si désintéressé a été souvent méconnu. Il faut, tout en maintenant les lois fondamentales, qui font la force de notre organisation militaire, alléger et non aggraver le fardeau de la conscription. Il faut veiller au présent et à l'avenir, non-seulement des officiers, mais aussi des sous-officiers et des soldats, et préparer aux hommes qui ont servi longtemps sous les drapeaux une existence assurée.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La République doit être généreuse et avoir foi dans son avenir : aussi, moi qui ai connu l'exil et la captivité, j'appelle de tous mes vœux le jour où ma patrie pourra, sans danger, faire cesser toutes les proscriptions et effacer les dernières traces de nos discordes civiles.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Telles sont, mes chers concitoyens, les idées que j'apporterais dans l'exercice du pouvoir, si vous m'appeliez à la Présidence de la République.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La tâche est difficile, la mission immense, je le sais; mais je ne désespérerais pas de l'accomplir en conviant à l'œuvre, sans distinction de parti, les hommes que recommandent à l'opinion publique leur haute intelligence et leur probité.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
D'ailleurs, quand on a l'honneur d'être à la tête du peuple français, il y a un moyen infaillible de faire le bien, c'est de le vouloir.</div>
<br />
<div style="text-align: right;">
LOUIS-NAPOLEON BONAPARTE. </div>
<div style="text-align: right;">
27 novembre 1848. »</div>
<br />
l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-33846279099357741122011-04-11T13:00:00.000+02:002011-04-11T13:00:46.914+02:00"Comprendre l'animal dans le cercle des devoirs... qui nous sont imposés, c'est améliorer l'homme lui-même" (Lamartine, 1858)<div style="text-align: left;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: left;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/-xQzMe1y-9as/TaLdkfYT-xI/AAAAAAAAAs8/f8T6KEp-Ehw/s1600/lamartine.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><span style="font-size: x-small;"><img border="0" height="400" r6="true" src="http://3.bp.blogspot.com/-xQzMe1y-9as/TaLdkfYT-xI/AAAAAAAAAs8/f8T6KEp-Ehw/s400/lamartine.jpg" width="262" /></span></a><span style="font-size: x-small;">"Monsieur de Lamartine avec ses chiens", par Henri Decaisne, 1839. Musée Lamartine, Mâcon. </span></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: right;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: right;"><br />
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</div><div style="text-align: right;">« Paris, 25 juin 1858. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Messieurs, je recevrai, comme la décoration des bons naturels, la médaille d'or ou de cuivre que la Société <em>protectrice des animaux</em> veut bien m'offrir. Je ne la mérite pas par mes œuvres, mais je m'honore de la mériter par mes sentiments. J'en suis digne du moins pour ma respectueuse estime pour cette Société des bons cœurs et des esprits justes. On a déclaré une fois que j'avais bien mérité de la patrie; cette médaille déclarera aujourd'hui que j'ai bien mérité de la nature. Daignez agréer mes remerciements.</div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ma profession de foi est la vôtre ; qu'importent la forme, l'organisme, le nom des êtres animés ? Tout ce qui pense a une intelligence ; tout ce qui sent a un sentiment; tout ce qui aime a droit d'être aimé ; tout ce qui souffre a un titre à la pitié. Il ne manque aucun échelon à l'échelle des créatures sensibles qui s'élève, dans son ascension graduée, de la brute à l'homme. L'homme est au sommet, sans doute, sur cette terre, mais au-dessous de lui il a une famille inférieure d'êtres adoptifs, ses compatriotes ici-bas : l'homme en est le roi, mais il ne doit pas en être le tyran. La justice n'est pas seulement un rapport divin de l'homme à l'homme, elle est un rapport de l'homme avec toute la création. Blesser la justice, c'est blesser Dieu.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quand nous n'abusons pas de notre prééminence et de notre souveraineté sur les animaux, nous avons, en eux, des serviteurs et des amis ; quand nous en abusons, nous n'avons en eux que des victimes, et comme il arrive toujours, en pareil cas, la tyrannie pervertit le tyran. De la brutalité envers l'animal à la férocité envers l'homme, il n'y a que la différence de la victime. Comprendre l'animal dans le cercle des devoirs et des miséricordes qui nous sont imposés, c'est améliorer l'homme lui-même.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Laissez ricaner le vulgaire de ces égards philosophiques et pratiques que vous voulez, avec tant de sagesse, témoigner envers toute la création ; les esprits supérieurs et progressifs sourient de cœur à votre institution de charité universelle. Les êtres que vous protégez vous serviront mieux, car ils vous aimeront davantage. Dieu lui-même bénira votre pensée car elle l'honore dans la partie sensible de sa nature ; vous faites dire un mot de plus à l'amour, cette loi des lois. Vous êtes les évangélistes de la sympathie ! </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: right;">Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments dévoués. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Alphonse de Lamartine</strong>, <em>Le Siècle</em>, n° 8492, 1er juillet 1858. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-18871418489041597302011-04-11T12:22:00.001+02:002011-04-11T12:23:52.365+02:00"Quel était le but officiel de la guerre d'Italie ?" (E. Veuillot, 1866)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/-1KCWjvy5R7Y/TaLVOFO-3ZI/AAAAAAAAAs4/SDSPLeIg7ds/s1600/villafranca.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="287" r6="true" src="http://3.bp.blogspot.com/-1KCWjvy5R7Y/TaLVOFO-3ZI/AAAAAAAAAs4/SDSPLeIg7ds/s400/villafranca.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Rencontre des empereurs français et autrichien le 11 juillet 1859</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">(lithographie autrichienne de 1859)</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« Quel était le but officiel de la guerre d'Italie ? Il s'agissait d'enlever à l'Autriche ses possessions italiennes et d'assurer ainsi l'indépendance, non pas de l'Italie, selon l'acception révolutionnaire du mot, mais des différents États italiens. "Nous respecterons, disait l'Empereur, les territoires et les droits des puissances neutres ; nous n'allons pas en Italie pour y fomenter le désordre ; nous voulons délivrer ce pays de la pression étrangère qui pèse sur lui et contribuer à y fonder l'ordre sur des intérêts légitimes satisfaits" (Proclamation du 3 mai 1859).<br />
<br />
Ce programme était celui de l'entrée en campagne. Il promettait d'exclure complètement l'Autriche du territoire italien, mais il acceptait tous les autres souverains de la Péninsule et maintenait implicitement l'idée de la Confédération italienne, déjà émise dans la brochure officieuse Napoléon III et l'Italie et dans les bases d'arrangement proposées précédemment à l'Autriche. Ces bases portaient (art. 4) qu'il conviendrait de "substituer aux traités entre l'Autriche et les duchés une confédération des Etats de l'Italie entre eux, pour leur protection mutuelle tant intérieure qu'extérieure" (<em>Moniteur </em>du 19 avril 1859). Si cette proposition, qui conservait à l'Autriche ses provinces italiennes, était dépassée, le projet de confédération subsistait toujours. La France et l'Europe savaient donc que le succès de nos armes devait substituer une Italie confédérée à l'Italie semi-autrichienne dont les cris de douleur nous avaient attendris.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Au fond, nous engagions une lutte d'influence contre l'Autriche. C'était une nouvelle phase de la vieille querelle poursuivie depuis des siècles entre la France et l'Allemagne dans le double but de posséder une partie du sol italien, et d'exercer une action plus ou moins grande sur les destinées politiques de toute la Péninsule.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Il n'y avait là rien que de très-avouable. Personne en France ne pouvait trouver mauvais que Napoléon III voulut prendre de ce côté, comme il l'avait déjà fait en Crimée, une revanche des traités de 1815. Les intérêts politiques les plus sérieux pouvaient, d'ailleurs, retirer d'une semblable guerre de très légitimes et très fécondes satisfactions. C'était quelque chose d'écarter l'Autriche de l'Italie, de l'amoindrir sans lui faire perdre son rang comme puissance allemande, et, surtout, sans fortifier d'une façon inquiétante aucun autre Etat. Le Piémont agrandi de nos conquêtes et déchargé, à notre profit, de deux de ses anciennes provinces, devenait assez fort pour résister à l'Autriche et ne pouvait cependant se soustraire à notre tutelle. Il continuait d'avoir besoin de nous et échappait ainsi à la tentation d'être ingrat.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Si de tels projets pouvaient être facilement acceptés, quelques-uns des moyens mis en œuvre causaient de vives inquiétudes et soulevaient de graves réclamations. Le Piémont était le complice avoué de la dévolution, l'ennemi de l'Église, et montrait dès lors, dans sa politique, une déloyauté audacieuse. Le prendre pour allié, lui donner un rôle prépondérant en Italie c'était s'exposer à fomenter le désordre. Le gouvernement français avait beau dire qu'il ne ferait pas cela, ou craignait qu'il n'eût la main forcée. Déjà il ratifiait le langage du Piémont, prétendant contre toute évidence que l'Autriche voulait absolument la guerre ; déjà il tolérait que le cabinet de Turin provoquât à la révolte les sujets des souverains dont on promettait de respecter les droits et les territoires ; déjà il acceptait le concours de Garibaldi et de ses volontaires. Ces faits et d'autres de même nature, qu'il serait trop long de rappeler, ne permettaient ni aux catholiques ni aux simples conservateurs d'accepter la guerre d'Italie avec sécurité. Les catholiques, surtout, ne pouvaient oublier le langage que M. de Cavour avait tenu au Congrès de Paris relativement aux Romagnes. Le ministre sarde ne devait-il pas profiter de la guerre pour réaliser les projets d'annexion qu'il n'avait pas craint alors de laisser voir ? Ces préoccupations étaient si générales, si vives et si fondées, que le gouvernement français reconnut la nécessité de s'expliquer catégoriquement. L'Empereur chargea son ministre des cultes d'éclairer le clergé sur les conséquences de la lutte. Et le ministre déclara que le souverain, après y avoir songé devant Dieu, promettait que sa sagesse, son énergie, sa loyauté bien connue ne feraient défaut ni a la religion ni au pays ; qu'il voulait que le Pape fut respecté dans tous ses droits de souverain temporel. Une dernière parole de l'Empereur vint affirmer plus fortement ces déclarations si explicites, si solennelles : "nous n'allons pas en Italie, dit-il, ébranler le pouvoir du Saint-Père, que nous avons replacé sur son trône." </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ces promesses étaient rassurantes. Cependant l'inquiétude subsistait. On craignait que les incidents de la guerre ne permissent à nos alliés, garibaldiens ou piémontais, d'acquérir assez d'influence pour déchirer notre programme. Les journaux officieux s'amusaient ou s'indignaient de ces craintes ; ils traitaient d’autrichiens ceux qui les laissaient voir et s'écriaient que la France étaient sûre de ses alliés comme d'elle-même.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les Piémontais et les révolutionnaires commencèrent néanmoins par envahir les territoires neutres et par déclarer déchus de leurs droits les souverains que la proclamation impériale avait promis de respecter. Ne vous alarmez pas, disaient les optimistes ; ce sont là des accidents de guerre, des nécessités momentanées, des effervescences italiennes dont on aura raison au dénouement; les ambitions piémontaises et les déclamations de Garibaldi ne pourront rien contre la volonté de la France. L'Empereur a marqué son but, ce but sera atteint et non pas dépassé ou déplacé : nous aurons une Italie libre des Alpes à l'Adriatique sous la forme d'une confédération dont feront partie tous les souverains restés neutres et où le Pape, maintenu en possession de tous ses États, recevra un rôle digne de lui.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On dût croire bientôt que ce programme serait ponctuellement rempli. La guerre, au lieu de grandir les Piémontais et les garibaldiens, les annula. Garibaldi, que nous avons vu si puissant dans ces derniers temps, put à peine lever alors trois mille volontaires. Il fit quelque bruit, grâce aux journaux, mais nulle besogne. Pendant que les opérations décisives avaient lieu, il guerroyait sur les bords du lac Majeur contre un corps-franc de quinze cents autrichiens, et dans toutes les rencontres, chaque parti s'attribua la victoire. Au fond, corps-francs autrichiens et volontaires italiens, sentant qu'ils jouaient un rôle de comparses, ne jugèrent pas à propos de se faire grand mal. Quant à l'armée régulière du Piémont elle fut d'une infériorité manifeste. Elle n'eut aucune part dans les victoires de Montebello, de Magenta, de Malegnano ; elle eut été battue à Palestro sans l'arrivée de nos zouaves ; et le corps d'armée que commandait Benedek la fit plier à Solferino. Bref, elle montra très-bien, durant toute la campagne, qu'à forces égales ou même supérieures, elle se serait fort mal trouvée d'un tête-à-tête avec les Autrichiens. Custozza a prouvé qu'elle n'avait pas changé.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Napoléon III dominait donc la situation. Non-seulement il pouvait mettre fin à la guerre contre l'Autriche, mais il pouvait aussi faire rentrer chez eux les Piémontais et leurs auxiliaires. Que ce second point dût offrir des difficultés particulières, nous ne le nions pas ; seulement nous contestons qu'il fût impossible d'y arriver. L'empereur lui-même était certainement de cet avis lorsqu'il signa à Villafranca les bases de la paix. Voici ces bases, que le Piémont, auquel nous n'avions pas encore donné le droit de se jouer de nous, s'empressa d'accepter :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">"Confédération italienne, sous la présidence honoraire du Pape."</div><div style="text-align: justify;">"L'empereur d'Autriche cède ses droits sur la Lombardie à l'empereur des Français, qui les remet au roi de Sardaigne."</div><div style="text-align: justify;">"L'empereur d'Autriche conserve la Vénétie ; mais elle fait partie intégrante de la Confédération italienne."</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cette paix donnait gain de cause à la politique de Napoléon III et terminait par des arrangements que pouvaient ratifier les catholiques, les conservateurs, les libéraux sincères, une guerre dont la Révolution s'était promis tout le profit. Le Pape conservait ses États ; les souverains restés neutres recouvraient les leurs, puisque la Confédération italienne n'était possible qu'à cette condition ; le Piémont s'arrondissait de la Lombardie ; la Vénétie, sans être absolument rendue à elle-même, obtenait, par le seul fait de son entrée dans la Confédération, des droits politiques et une existence nationale. Quant à la France, même en dehors de tout agrandissement territorial, elle avait la meilleure part dans la paix, une part digne de son rôle dans la guerre. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Victorieuse de l'Autriche comme elle l'avait été de la Russie, nulle autre puissance ne pouvait plus lui disputer le premier rang. Elle dominait l'Italie sans l'écraser et pouvait revendiquer plus hautement que jamais son titre de fille ainée de l'Eglise. La prudence et la modération de l'Empereur au lendemain de Solferino avaient ajouté à son autorité sur les souverains ; elles lui garantissaient particulièrement le bon vouloir de l'Autriche et devaient rassurer promptement tout le grand parti conservateur européen, un instant inquiété. Le principal organe des catholiques, <em>L'Univers</em>, ne pouvant penser qu'un acte revêtu de la signature de la France et de l'Autriche serait biffé par le Piémont et le conspirateur Garibaldi, applaudissait au caractère anti-révolutionnaire de la paix et s'écriait : "Gloire aux deux empereurs catholiques, qui ont fait entre eux la paix du monde et qui se réservent la protection de l'Église !"</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Que fallait-il pour maintenir ces grands résultats les développer, en recueillir tous les fruits ? Il fallait rester dans la voie où l'on venait de rentrer par la paix de Villafranca, après avoir été sur le point d'en sortir. En d'autres termes, il fallait avoir une politique.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les espérances que les bases de la paix avaient si légitimement fait concevoir furent bientôt ébranlées. Tandis que le Piémont et la Révolution continuaient d'affirmer leur programme, la France se montrait hésitante ; elle donnait de bonnes paroles aux catholiques, aux conservateurs, aux partisans de la Confédération italienne, mais elle laissait le champ libre au parti unitaire. Les gouvernements insurrectionnels et provisoires établis à l'ouverture de la guerre dans l'Italie centrale, restaient partout en fonction avec l'appui très ostensible du cabinet de Turin ; et, de son côté, le cabinet des Tuileries ne faisait rien pour mettre fin à cet état de choses. Les officieux cherchaient cependant à rassurer les esprits en disant que les négociations poursuivies à Zurich pour changer en traité définitif les bases de Villafranca, arrangeraient tout.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Bientôt on dût reconnaître que le gouvernement français, entrant dans les vues du Piémont, se réservait d'imposer des sacrifices au Saint-Siège. En effet, l'Empereur, répondant le 11 octobre 1859 à un discours où S. E. le cardinal Donnet lui avait respectueusement rappelé ses engagements, fit cette déclaration : "je vous remercie d'avoir rappelé mes paroles, car j'ai l'espoir qu'une nouvelle ère de gloire se lèvera pour l'Eglise le jour où tout le monde partagera ma conviction que le pouvoir temporel du Saint-Père n'est pas opposé à la liberté et à l'indépendance de l'Italie. Je ne puis ici entrer dans les développements qu'exigerait la grave question que vous avez touchée, et je me borne à rappeler que le gouvernement qui a ramené le Saint-Père sur son trône ne saurait lui faire entendre que des conseils inspirés par un sincère et respectueux dévouement à ses intérêts..." […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pendant que l'on préparait le traité de Zurich, le Piémont travaillait à l'annuler, et dès qu'il fut signé il l'annula. Que M. de Cavour et son roi n'eussent aucun souci de leur parole et de leur signature, on ne pouvait plus s'en étonner. Mais que la France leur donnât de telles licences contre des engagements qu'elle avait dictés et qui servaient ses plus grands intérêts ; voilà ce qui devait surprendre. Le monde eut cette surprise. Le Piémont garda tout ce qu'il occupait directement ou par ses complices et annonça la résolution de compléter son œuvre, c'est-à-dire de faire l'unité italienne. Le traité de Zurich, qui pouvait être et qui devait être le point d'appui d'une restauration de l'ordre en Italie, ne pût même pas arrêter les empiétements révolutionnaires.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Les esprits confiants conservaient cependant un dernier espoir : ils croyaient qu'un congrès allait se réunir pour présider à la réorganisation de l'Italie, conformément aux stipulations de l'art. 19 du traité de Zurich. C'est alors (décembre 1859) que parut la fameuse brochure, intitulée : <em>Le Pape et le Congrès</em>, où l'on prétendait établir, au nom de la France, que si l'indépendance temporelle du Pape était nécessaire au libre exercice de son indépendance spirituelle, l'étendue du territoire pontifical n'avait par elle-même aucune importance. Par conséquent, le Piémont pouvait garder les Romagnes, en attendant mieux.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La réponse de Pie IX fut prompte et foudroyante. Le 1er janvier, il dit au général de Goyon, qui lui présentait officiellement, au nom de l'Empereur, les félicitations de l'armée française : "nous prions Dieu dans l'humilité de notre cœur, de vouloir bien faire descendre en abondance ses grâces et ses lumières sur le chef auguste de cette armée et de cette nation, afin que, par le secours de ces lumières, n puisse marcher sûrement dans sa voie difficile, et reconnaître encore la fausseté de certains principes qui ont été exprimés dans ces derniers jours, dans une brochure qu'on peut définir un monument insigne d'hypocrisie et un ignoble tissu de contradictions." Le Saint-Père disait de nouveau qu'il attendait de l'empereur la condamnation de la brochure ; il ajoutait : "nous en sommes d'autant plus convaincu que nous possédons quelques pièces qu'il y a quelque temps, Sa Majesté eut la bonté de nous faire tenir, et qui sont une véritable condamnation de ces principes."</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La brochure ne fut pas condamnée. Loin de là, le 11 janvier 1860, <em>Le Moniteur</em> publia une lettre de l'Empereur au Pape. Dans cette lettre, datée du 31 décembre 1859, Napoléon III regrettait que Pie IX n'eut pas consenti, après la paix, à une séparation administrative des Romagnes, et concluait par cet avis comminatoire : "si le Saint-Père, pour le repos de l'Europe, renonçait à ces provinces qui, depuis cinquante ans, suscitent tant d'embarras à son gouvernement, et qu'en échange il demandât aux puissances de lui garantir la possession du reste, je ne doute pas du retour immédiat de l'ordre."</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cette lettre tranchait la question, et désormais l'unité italienne était faite sinon achevée. Du moment, en effet, où la France approuvait l'usurpation des Romagnes, le droit n'existait plus en Italie. Quelles barrières pouvaient maintenant arrêter le Piémont et la Révolution ! Une seule, le quadrilatère autrichien. Mais si cette barrière gênait le Piémont au Nord elle ne l'empêchait ni de garder les duchés, ni de conquérir Naples et les dernières provinces du Saint-Siège. Aussi M. de Cavour s'écriait-il un peu plus tard, dans un élan de joie et de reconnaissance : "la lettre de Napoléon III au Pape, proclamant que le règne du Pape sur les Romagnes est fini, nous a donné plus que nous n'avons obtenu à Palestro et à San-Martino..." (discours de M. de Cavour, 20 mai 1860). Sans doute, car les batailles contre l'Autriche n'avaient donné au Piémont que la Lombardie, et la lettre du 31 décembre lui livrait l'Italie. </div><br />
<div style="text-align: justify;">Quant au Pape, sa réponse fut une nouvelle protestation contre les faits accomplis. Il déclara qu'il ne pouvait abdiquer son droit de souveraineté sur les Romagnes "sans violer des serments solennels, sans exciter des plaintes et des soulèvements dans le reste de ses États, sans faire tort à tous les catholiques, enfin, sans affaiblir les droits non-seulement des princes de l'Italie, qui avaient été injustement dépouillés de leurs domaines, mais encore de tous les princes de l'univers chrétien, qui ne pouvaient voir avec indifférence l'introduction de certains principes très pernicieux" (<em>Encyclique</em> du 19 janvier 1860). </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Tandis que le Saint-Père faisait entendre cette nouvelle protestation, le cabinet de Turin consommait et prétendait régulariser l'annexion de l'Italie centrale. Il y eut un semblant de vote sous la direction des dictateurs piémontais. La duchesse récente de Parme fit justice de cette hypocrisie dans sa protestation. "C'est sous l'intimidation de la menace, dit-elle, sous la corruption de l'intrigue, sous la pression de la terreur ; c'est par suite des serments au roi Victor-Emmauuel qu'on avait imposés sous peine de destitution aux employés de toutes les branches d'administration ; c'est par suite du découragement général produit par neuf mois d'incertitude et de dangers effrayants qu'on a pu arracher à un grand nombre d'individus les manifestations d'un suffrage faussé par avance" (Protestation de Louise-Marie de Bourbon, régente des Etats de Parme, 28 mars 1860). </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le gouvernement français, bien que très tolérant pour le Piémont, n'entendait pas que celui-ci put faire l'Italie à son seul profit. Il lui rappela "que dès avant la guerre" on l'avait prévenu "que si les événements amenaient un grand royaume en Italie, nous demanderions que le versant des Alpes ne restât pas dans ses mains" (discours de M. de Persigny, 27 août 1860). C'était la revendication de Nice et de la Savoie. Le marché était trop avantageux pour que le Piémont pût l'oublier : il prit Parme, Modène, la Toscane, les Romagnes, fit son <em>grand royaume</em> et nous céda la Savoie et le petit comté de Nice.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Cet arrangement jeta de la poudre aux yeux du vulgaire, mais ne put couvrir près des hommes politiques et moins encore près des hommes de principe l'échec et le caractère vacillant de la politique française. Si la Sardaigne avait été contenue dans de sages limite – et surtout si la Confédération italienne avait été établie, l'annexion de Nice et de la Savoie à la France eut été un véritable avantage, un sérieux succès ; mais il n'en était pas ainsi. Que de sacrifices de tous genres nous faisions au contraire, pour obtenir ces deux provinces ! Nous permettions à l'allié impuissant qui nous devait la Lombardie, de s'annexer trois Etats entiers et une partie des États de l'Eglise ; nous laissions violer la convention de Villafranca et le traité de Zurich ; nous condamnions Venise à rester simple province autrichienne ; nous rendions impossible l'établissement d'une Confédération : nous mettions la Sardaigne en position de prendre toute l'Italie et de fonder un État unitaire et révolutionnaire menaçant pour nos intérêts ; enfin, malgré les engagements si solennels pris envers le Saint-Siège, nous autorisions le Piémont à garder les Romagnes. N'était-ce pas payer trop cher nos nouvelles acquisitions ? En somme, notre influence morale subissait une atteinte et notre puissance matérielle ne se trouvait pas agrandie — à beaucoup près — dans la proportion des devoirs que l'unité italienne, devenue inévitable, pouvait nous imposer dans l'avenir.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On disait alors, il est vrai, que si le Piémont s'agrandissait encore, nous nous agrandirions aussi. Si c'était un espoir ou un projet, nous l'ignorons ; mais à coup sûr, c'était une illusion. Le Piémont est devenu l'Italie et nos frontières n'out pas été reculées. Elles ne pouvaient pas l'être, dit-on, puisque l'Italie a terminé son unité sans nous.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Cette raison n'est pas valable. Le Piémont n'a pu prendre Naples, la Sicile, les Marches et l'Ombrie que par suite de la tolérance et de la protection dont nous n'avons cessé de le couvrir. Il ne comptait pas, en effet, sur l'appui direct ou indirect de la Prusse quand, en 1860, au lendemain de l'annexion de la Romagne et des duchés, il faisait envahir la Sicile, puis Naples par Garibaldi et chargeait Cialdini d'annexer de nouvelles provinces pontificales. Où puisait-il alors l'audace de braver l'Autriche, de violer le droit public européen, de porter de nouveaux coups à ce pouvoir temporel que nous promettions toujours de défendre ? Il la puisait dans le sens que le gouvernement français donnait au principe de <em>non intervention</em>, lequel se résumait à dire que le Piémont, dont les forces étaient très supérieures à celles de ses voisins, avait le droit de les attaquer, sans que personne eût le droit de les secourir. Et à ceux qui trouvaient l'argument vicieux, on répondait que l'armée française se chargerait de le faire valoir.</div><br />
<div style="text-align: justify;">En suivant cette voie on devait aboutir à l'unité italienne. Nous y sommes. Ainsi sur cette question comme sur toutes celles que nous avons déjà examinées, le gouvernement impérial est arrivé à un résultat différent de celui qu'il s'était marqué. Il s'était promis d'établir une confédération soumise à l'influence française, et, dans tous les cas, impuissante contre nous ; il a fondé un État unitaire qui le gênerait fort si demain les cabinets de Florence et de Berlin faisaient alliance contre la France. Nous ne pouvons voir là ni la marque, ni les effets d'une politique réfléchie, ferme, heureuse, allant droit à son but et l'atteignant. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Eugène Veuillot</strong>, « De la politique extérieure de la France, » </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>Le Catholique</em>, 1er décembre 1866. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-15185239078637334212011-03-31T18:57:00.000+02:002011-03-31T18:57:32.056+02:00"Les jeux de balle sont nombreux et variés" (Dictionnaire de la vie pratique..., 1859)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/-A-9O1T3_LJk/TZSx9RlbKjI/AAAAAAAAAs0/1VO7jhradh4/s1600/Col.+aquatint+caricature+by+Geo.+Hunt+after+Cruikshank+1827.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="277" r6="true" src="http://1.bp.blogspot.com/-A-9O1T3_LJk/TZSx9RlbKjI/AAAAAAAAAs0/1VO7jhradh4/s400/Col.+aquatint+caricature+by+Geo.+Hunt+after+Cruikshank+1827.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Partie de "foot ball" en Angleterre, d'après G. Cruikshank (1827).</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« B<span style="font-size: x-small;">ALLE </span>(Jeux d'adresse). C'est sans contredit un des exercices les plus propres à développer les forces du corps, et à donner tout à la fois de l'agilité, de l'adresse et de la grâce. Les joueurs doivent avant tout se procurer un bon instrument, mais il est rare qu'on trouve chez les marchands des balles bien faites. Les unes, bourrées de mauvais chiffons, n'ont aucune élasticité ; les autres, composées en grande partie ou même en totalité de gomme élastique, ont le défaut contraire, elles rebondissant beaucoup trop, et de plus elles sont très-dures pour la main. La confection d'une bonne balle est fort simple, et il n'y a pas un enfant qui ne puisse en venir à bout. On taille dans un bouchon de liège une petite boule de la grosseur d'une forte bille à jouer, et, après avoir divisé en lanières minces de la lisière de drap, on recouvre la boule de liège avec ces lanières qu'on applique exactement dans tous les sens et en les serrant suffisamment, de manière que la balle soit un peu ferme et en même temps bien ronde. Quand la balle est arrivée aux trois quarts de la grosseur qu'on veut lui donner, on fixe le dernier bout de lisière au moyen d'une épingle piquée dans la balle, et on couvre la lisière avec de la laine grossière, comme si l'on voulait former une pelote parfaitement arrondie, et en appliquant les fils de laine de manière que la couche qu'ils forment soit partout d'une égale épaisseur. Quand la balle a enfin atteint la grosseur convenable, il s'agit de la couvrir. On taille dans une vieille paire de gants deux pièces semblables, ayant chacune à peu près la forme d'une petite semelle de soulier, mais arrondies aux deux bouts : après les avoir légèrement mouillées pour les assouplir, on les applique sur la balle, l'envers de la peau en dehors, et de façon que les deux extrémités arrondies de chacune d'elles viennent rejoindre la partie échancrée; on les maintient à l'aide de quatre épingles enfoncées jusqu'à la tête, et, avec des ciseaux, on retranche exactement tout ce qu'il y a d'excès dans la peau. Il ne reste plus qu'à s'armer d'une aiguille munie d'une aiguillée de fil écru passé à la cire, et à coudre la balle en réunissant les deux bouts de la peau qui doit toujours être parfaitement tendue.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les jeux de balle sont nombreux et variés ; mais ceux qu'on joue le plus habituellement sont la balle au mur, la balle au camp et la balle aux pots.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Balle au mur.</em> Cette partie se joue souvent à deux; elle peut aussi réunir 4, 6 et même 8 joueurs, qui se divisent en deux partis, chacun en nombre égal, et, autant que possible, de forces égales. On trace avec un morceau de craie ou de charbon une ligne horizontale dans toute la longueur du mur qu'on a choisi, à la hauteur de 1 ou de 1 m 50 au-dessus du sol. De plus, lorsqu'il n'y a que deux joueurs, et que le mur a une étendue considérable en largeur, on trace sur la terre, à droite et à gauche, une raie formant une limite au delà de laquelle la balle ne doit pas tomber. L'un des joueurs, quand ils ne sont que deux, est désigné par le sort pour servir la balle, c’est-à-dire pour la jeter le premier contre le mur. L'adversaire, es yeux fixés sur la balle, l'attend et la renvoie contre le mur, soit de volée avant qu'elle ait touché le sol, soit après qu'elle a fait un premier bond sur la terre. Le premier joueur agit de même, et la partie se poursuit ainsi, chacun des deux joueurs s'efforçant, tout en renvoyant la balle sans commettre de faute, de donner le moins de chances possible à son adversaire pour le coup suivant. Toute balle manquée, c’est-à-dire toute balle qu'un joueur ne parvient pas à renvoyer contre le mur, compte pour un certain nombre de points en faveur de l'adversaire. C'est aussi une faute de frapper le mur au-dessous de la raie qui y est tracée, ou bien, après avoir renvoyé la balle contre le mur, de la faire tomber à son premier bond en dehors des raies tracées sur le sol. Une partie se compose ordinairement de deux manches, gagnées de suite par le même joueur, ou de trois manches si les deux adversaires ont gagné chacun une des deux premières manches. Chaque manche est de 60 points, et, pour chaque faute commise par l'un des joueurs, l'adversaire compte 15 points. Lorsque la partie réunit plus de deux joueurs, ceux-ci doivent se placer à une certaine distance les uns des autres, de manière à occuper tout l'espace consacré au jeu. Pour le reste, les règles sont les mêmes : la balle est renvoyée alternativement par l'un des joueurs de chaque parti, selon que la balle se présente bonne à prendre à celui-ci ou à celui-là, sans qu'il y ait un rang marqué d'avance pour chacun des joueurs. — Les joueurs sont autorisés à se servir du pied aussi bien que de la main, pour recevoir et renvoyer la balle, mais c'est à la condition que le pied ne commettra pas plus de faute que la main.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>La balle au camp.</em> Les joueurs, au nombre de 10, 12 et même plus, mais toujours en nombre pair, se divisent en 2 partis, et le sort désigne le parti qui sera d'abord maître du camp. Ce camp est un espace plus ou moins grand dont les limites sont tracées sur la terre à l'une des extrémités de l'emplacement que les joueurs ont à leur disposition. Hors du camp sont marqués 4 ou 5 buts convenablement espacés, à égale distance l'un de l'autre, et sur la limite qui borne de tous côtés l'emplacement du jeu : le premier et le dernier ont les 2 buts les plus rapprochés du camp, l'un à droite, l'autre à gauche. Les joueurs que le sort a favorisés prennent possession du camp; ceux du parti contraire se dispersent hors du camp, en prenant les positions qu'ils jugent les plus favorables. Alors l'un des joueurs s'avance jusqu’à la limite, la main droite un peu rejetée en arrière, et, après avoir relance avec toute la vigueur de son bras la balle qui lui est servie par un des adversaires, il sort du camp et court au premier but qu'il doit toucher avant de prendre sa course vers les autres buts qu'il doit aussi toucher successivement. Mais, pour agir avec prudence, il doit suivre de l'œil la marche de la balle et les mouvements des adversaires, et juger ainsi s'il a le temps de fournir plusieurs courses ou s'il convient mieux de rester au poste qu'il occupe. Car si la balle a été promptement ramassée et que lancée d'une main sûre elle vienne le frapper pendant le trajet d'un but à un autre, ses camarades et lui sont dépossédés du camp et prennent le rôle des adversaires. Mais en admettant qu'il ait pu seulement arriver au premier but, la balle est de nouveau servie à un second joueur du camp qui la relance comme a fait le premier, et qui s'empresse d'atteindre le premier but, tandis que son camarade fuit au second et y fuit de toute nécessité, le même but ne pouvant jamais être occupé que par un seul joueur à la fois. Un troisième joueur se présente à son tour pour relancer la balle, et courir au premier but, pendant que les deux premiers touchent successivement les autres buts et rentrent dans le camp s'ils le peuvent. La partie se continue ainsi tant que les chances restent les mêmes. Les joueurs maîtres du camp en perdent la possession lorsque l'un d'eux non-seulement est frappé par la balle, dans le trajet qu'il parcourt soit du camp au premier but, soit d'un but à un autre, mais encore si la balle, après avoir été relancée par l'un d'eux, est reçue par l'un des adversaires, avant qu'elle ait touché le sol. Les joueurs qui possèdent le camp ont le droit, lorsqu'ils sont a un but ou qu'ils courent d'un but a un autre, de repousser avec le pied et de rejeter aussi loin que possible la halle, qui, en roulant sur la terre, vient à leur portée.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>La balle aux pots.</em> On creuse dans la terre 9 trous ou pois disposes sur 3 lignes parallèles et également espacés de manière à former à peu près un carré d'un mètre en tous sens : ces trous doivent avoir une ouverture et une profondeur suffisantes pour qu'une balle puisse facilement y entrer. A la distance de t ou 2 mètres des trous on trace sur la terre une raie qui les enveloppe; c'est l'emplacement du camp. Enfin, en avant et en face des pots et à une distance de 3 ou 4 mètres au plus, on trace une ligne sur laquelle doit se tenir le joueur chargé de rouler la balle. Ces préparatifs terminés les 9 joueurs (car il ne peut pas y avoir plus de joueurs qu'il n'y a de pots) tirent au sort à qui appartiendra tel ou tel pot, et chacun doit se rappeler ensuite le pot que le sort lui a donné. C'est aussi le sort qui désigne le joueur chargé de rouler la balle le premier. Celui-ci se place sur la raie tracée en face des pots : tous les autres joueurs se postent autour des pots, à la limite du camp, et un pied sur cette limite. Alors le joueur désigné roule la balle, et celle-ci arrivant au milieu des pots tombe presque toujours dans l'un d'eux. Le joueur à qui ce pot appartient ramasse la balle aussi promptement qu'il le peut pour en frapper quelqu'un des autres joueurs qui se sont empressés de prendre la fuite aussitôt qu'ils ont vu la balle s'arrêter dans un pot autre que le leur. S'il atteint un des fugitifs, celui-ci est marqué d'un point ; s'il ne réussit pas, c'est lui au contraire qui est marqué : on met une petite pierre dans le pot de celui qui prend une marque. C'est au joueur qui a été frappé ou à celui qui a été maladroit de rouler à son tour la balle, et la partie se continue, comme il vient d'être dit. Si celui qui est chargé de rouler la balle, ne parvient pas en 3 coups à la faire entrer dans un des 9 pots, il prend une marque. Celui qui possède la balle peut, au lieu de la lancer contre les fugitifs aussitôt qu'il l'a ramassée dans son pot, la garder et attendre une occasion meilleure. Dans ce cas, il a le droit de faire 3 pas hors de la limite du camp, et d'attendre là l'occasion favorable qu'il a voulu se ménager. Tous les joueurs, excepté celui à qui appartient le pot dans lequel tombe la balle, sont tenus de quitter le camp, aussitôt que la balle est entrée dans ce pot : si l'un d'eux y est resté, c'est à ses risques et périls ; il faut qu'il sorte et qu'il s'expose aux coups de la balle : seulement il a le droit de faire 3 pas à partir de la limite du camp avant que le joueur qui est armé de la balle puisse la lancer contre lui. Tout joueur qui a pris 3 marques est hors du jeu, et le gagnant est celui qui n'a pas été marqué ou qui ne l'a été qu'une ou 2 fois tandis que tous les autres ont pris 3 marques. Ce vainqueur a le droit de fusiller les vaincus, c’est-à-dire d'envoyer la balle successivement dans le dos de chacun d'eux, en se plaçant à une distance déterminée. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Guillaume-Louis-Gustave Belèze, <em>Dictionnaire universel de la vie pratique </em></span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>à la ville et à la campagne</em>... Paris, L. Hachette, 1859, vol. 1.</span></div><span style="font-size: x-small;"><br />
</span>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-28286463072899077462011-02-27T22:13:00.000+01:002011-02-27T22:13:32.391+01:00"Il importe.... de retenir les populations dans les campagnes" (Valentin-Smith, 1858)<div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><a href="https://lh4.googleusercontent.com/-bVV9sBKey68/TWq9Ww9--eI/AAAAAAAAAsw/zAoWHL9q2XM/s1600/La+paye+des+moissonneurs.L%2527Hermitte.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="305" l6="true" src="https://lh4.googleusercontent.com/-bVV9sBKey68/TWq9Ww9--eI/AAAAAAAAAsw/zAoWHL9q2XM/s400/La+paye+des+moissonneurs.L%2527Hermitte.JPG" width="400" /></a></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">"La paye des moissonneurs" (détail) par Léon Lhermitte (18844-1925), 1882. </span></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Musée d'Orsay. </span></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">« Le recensement de 1856 nous apprend que, dans cinquante-quatre départements, par un déplacement extérieur de département à département, il y a eu, en France, pendant la période quinquennale de 1851 à 1856, une diminution de population de 370.000 personnes, qui, des campagnes, se sont portées dans les villes, dont 305.000 dans le département de la Seine.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Ce recensement nous apprend aussi que, dans cette même période, par l'effet des déplacements qui se sont opérés dans les départements mêmes, joints aux déplacements extérieurs, les villes de dix mille âmes et au-dessus se sont accrues de 900.838 individus, c'est-à-dire que la proportion de la population urbaine au préjudice de la population rurale, s'est élevé de 43 % de 1850 à 1856 sur la période précédente ; accroissement énorme qui ne s'est jamais vu à aucune époque, ni dans notre pays , ni dans aucun autre pays, pendant un aussi court espace de temps.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Enfin le recensement de 1856 constate un ralentissement bien marqué dans l'accroissement de la population générale de la France ; tellement que cet accroissement a été cinq fois moins fort dans la période de 1851 à 1856, que dans la période de 1841 à 1846.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un mot rapide d'abord sur le ralentissement de la population en France. Il provient sans doute, pour partie, pendant la période de 1851 à 1856, de causes accidentelles, particulièrement de la cherté des subsistances, c'est-à-dire de la disette avec laquelle, suivant une loi mise en évidence par la science statistique, l'on voit toujours se produire parallèlement moins de naissances et plus de décès. Mais ce ralentissement provient aussi d'une cause générale que révèle également la statistique, a savoir : la diminution de la famille, par la diminution du nombre des enfants.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il y a soixante et dix ans que l'on comptait, en France, en moyenne, 4,19 naissances par mariage ; aujourd'hui, l'on n'en compte plus que 3,19. La fécondité conjugale, en moins d'un siècle, a diminué d'un quart; significatif ralentissement dans l'expansion de la population […] L'on sait […] que, chez les Romains, l'affaiblissement de la population, incessante préoccupation de leurs législateurs, commença à se manifester dès l'instant où les patres familias préférèrent le théâtre et le cirque de Rome, au séjour de la campagne ; ce qui excita si vivement les plaintes de Varron et de Columelle. Et certes, au temps de splendeur où écrivaient ces deux auteurs, l'on était loin de penser qu'un jour Rome tomberait, surtout parce que la dépopulation des campagnes laisserait l'Empire sans défense contre l'invasion des Barbares.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans l'antiquité comme de nos jours, l'affaiblissement de la population venait des grands centres ; le besoin du luxe y diminuait le nombre et la fécondité des mariages dans les classes riches, et la misère y dépeuplait les classes pauvres dans des proportions anormales ; comme de nos jours, l'invasion des villes par les campagnes devenait une cause perturbatrice qui altérait profondément aussi les conditions du développement régulier de la population. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'émigration des campagnes qui s'est produite, en France, pendant la période de 1851 à 1856, constitue un trouble sérieux dans l'économie et dans les conditions générales de la société, trouble dont les conséquences pourraient devenir funestes, si l'on n'avisait à y porter un prompt remède.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Sans doute, la France est douée d'une grande énergie de fécondité ; mais pourtant il ne faudrait pas la laisser pencher trop longtemps vers des tendances qui pourraient amener l'affaiblissement de la production agricole par l'affaiblissement de la population rurale. Il y a, pour les nations, comme pour les individus, des lois générales qui dominent, et d'où sort inévitablement leur prospérité ou leur ruine. On l'a dit souvent : l'agriculture est la grande force d'un État, la force qui nourrit le pays, et qui lui donne des soldats robustes pour sa défense. "L'agriculture, a dit Louis Napoléon dans un travail devenu historique, publié en 1842, est le premier élément de la prospérité d'un pays, parce qu'elle repose sur des intérêts immuables, et qu'elle forme la population saine, vigoureuse, morale des campagnes (*)."</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Ainsi, la science statistique constate que, dans les quartiers opulents de la capitale, les ménages réguliers ne fournissent pas un nombre suffisant d'enfants pour remplacer le père et la mère. De son côté, la science médicale, par suite d'observations faites, de 1825 à 1856, dans l'un des quartiers les plus populeux, au 7e arrondissement, atteste que "si la population de Paris était abandonnée a ses seules ressources indigènes de propagation, elle diminuerait rapidement et finirait par s'éteindre dans un assez court espace de temps." Ce sont les propres paroles du docteur Duparcque, dans un travail lu par lui à la Société de médecine du département de la Seine, dans la séance du 5 octobre 1856 </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Ces résultats ne sont pas assurément particuliers à la ville de Paris ; ils sont absolument les mêmes dans toutes les grandes villes ; seulement avec cette différence rationnelle qu'ils se manifestent proportionnellement à la masse de la population agglomérée. "Partout en Europe, dit encore M. Passy, dans le travail que nous avons déjà cité, les mariages sont d'ordinaire moins féconds dans les grandes villes que dans les petites, et moins dans celles-ci que dans les campagnes." […] Depuis que M. Passy s'exprimait ainsi, la décroissance du nombre d'enfants par mariage, dans le rapport des campagnes avec les villes, est devenu bien plus sensible encore, maintenant que l'on ne compte plus par mariage que 3, 19 naissances en moyenne.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Les campagnes seules forment donc le grand réservoir de la population, de la population sur laquelle repose surtout l'avenir d'une nation. […] il faut le dire, nos institutions : la constitution de la famille, notre système d'éducation, etc., tendent peu à retenir les familles à la campagne ; et c'est peut-être, plus qu'on ne le pense, l'une des causes qui font que, depuis la fin du siècle dernier, nous roulons sans cesse de révolutions en révolutions.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Lorsque la famille n'est pas fortement constituée par la puissance paternelle, par les lois successorales, par quelques possibilités de conservation héréditaire de la propriété dispensées dans une sage mesure, la solidarité patrimoniale s'effaçant, chacun tend à se disperser. Alors l'individualisme s'empare de la société pour y porter ses appétits et ses convoitises ; et de la sortent ces agitations incessantes qui trouvent leur aliment dans les grands centres de population, qu'on peut comprimer plus ou moins longtemps, mais qui couvent toujours dans les bas-fonds de la société.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Sans doute, il faut protéger les villes, parce qu'elles sont le foyer des lumières ; il faut protéger l'industrie, cette merveilleuse action des forces physiques et morales de l'homme appliquées à la production ; il faut la protéger beaucoup, parce qu'elle est, dans les États modernes, l'un des grands éléments de la prospérité et de la puissance publiques. Mais il ne faut pas que la protection aille jusqu'à devenir une amorce qui détourne les populations de l'agriculture.[…]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">De nos jours, que de faveurs ne sont pas prodiguées à l'industrie ? N'est-ce pas pour elle et en vue d'elle seule, qu'ont été créés les chemins de fer si largement subventionnés par l'État ? que les ports sont améliorés, les grandes rivières canalisées et entretenues avec les deniers publics ? […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">A côté de tout ce qui invite les populations rurales à quitter leurs foyers, il importe de placer aussi ce qui peut les retenir. Autrement, si le mouvement d'émigration ne s'arrêtait, ne pourrait-on pas craindre qu'un jour la société ne se trouvât tout à coup surprise et ébranlée par l'inconnu pouvant sortir d'imprévoyantes combinaisons.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Que de faveurs également ne sont pas accordées aux villes ? A elles tous les établissements publics d'éducation et de bienfaisance, les subventions de spectacles, les plaisirs de tous genres ; à elles les millions pour leur embellissement ; dépenses de luxe, dépenses splendides, mais après tout dépenses le plus souvent improductives, et dont une part tombée à la salubrité des campagnes et à l'allégement de leurs misères, serait si féconde pour la terre et pour les hommes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">En donnant aux villes un développement anormal, vous créez des populations qui semblent comme perpétuellement suspendues sur un gouffre, parce qu'elles ne reposent que sur un capital bien plus fictif que réel, incessamment soumis aux caprices du luxe, aux chances et à tous les revers industriels ou politiques ; à la grande différence des populations rurales, qui sans doute peuvent être douloureusement atteintes par l'intempérie des saisons, mais enfin pour lesquelles le sol forme un capital toujours invariable et toujours réparateur qui ne les abandonne jamais.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Les villes ne sont que trop attractives de la population ; il faut en détourner l'habitant des campagnes, plutôt que de le convier, par de décevants attraits, à une existence qui trop souvent altère les conditions de la vie morale et physique.La proportion des mariages est moins grande, la proportion des naissances moins élevée et le rapport des enfants naturels aux enfants légitimes plus considérable dans les villes que dans les campagnes, et a Paris que dans les autres villes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans les villes, sous l'action d'une misère léthifère, la mortalité est bien plus forte et la vie moyenne, ce criterium de la civilisation, bien moins longue que dans les campagnes. A Paris, un tiers de la population meurt dans les hôpitaux. Le nombre des crimes et des délits des populations urbaines se manifeste dans une proportion qui s'élève presque au double des crimes et des délits commis par les populations rurales ; enfin, sur seize fous, les campagnes n'en présentent qu'un seul et un seul suicide sur trente.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Voilà pourquoi il importe si fort de retenir les populations dans les campagnes, par des institutions qui attachent au sol, par un système d'éducation qui invite aux travaux de la vie agricole au lieu d'en éloigner, par d'utiles encouragements, par des honneurs qui relèvent l'agriculture, par des combinaisons qui, sans enrayer le développement des familles nouvelles se fondant et s'élevant par le travail, arrêteraient ce mouvement qui fait que les familles aujourd'hui, comme on l'a si bien dit, se liquident tous les vingt-cinq ou trente ans, comme un fonds de commerce.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Il ne faut pas perdre de vue qu'il existe un lien nécessaire entre la durée des familles et la durée des États qui semblent surtout trouver leurs assises solides et communes au sein des campagnes. Si les grandes cités sont le foyer actif de la civilisation, elles sont aussi le foyer des révolutions qui font rebrousser la civilisation et tomber les empires.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">La désertion des campagnes, l'accroissement exagéré des villes, un luxe immodéré, la corruption des mœurs, l'affaiblissement de l'autorité paternelle, des obstacles incessants suscités au développement de la liberté, toutes ces choses, qui marchent insensiblement et graduellement ensemble, ont préparé et amené la chute de Rome.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'exemple ne doit pas rester perdu. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Valentin-Smith</strong>, "Note sur le danger de l'accroissement des villes par la dépopulation des campagnes et sur la nécessité d'aviser aux moyens de prévenir l'émigration des populations rurales (lue à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, dans la séance du 19 janvier 1858)", </span><span style="font-size: x-small;"><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="color: black;">Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon., </span></i><span style="color: black;">vol. 6,<i style="mso-bidi-font-style: normal;"> </i>1858<i style="mso-bidi-font-style: normal;"></i></span></span></div><div style="text-align: right;"><br />
</div><br />
<br />
<br />
________________<br />
<span style="font-size: x-small;">(*) <em>Analyse de la question des sucres</em>. Paris, 1842,</span>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-73227452987285364852011-02-24T21:52:00.001+01:002011-02-24T21:52:53.876+01:00"La photographie est-elle un art, ou simplement une industrie ?" (F. de Lasteyrie, 1858)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/-_TYx8f57Zp8/TWbDn2YlS3I/AAAAAAAAAsY/b3rhrAauMcE/s1600/Dumas+par+Nadar.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" l6="true" src="http://3.bp.blogspot.com/-_TYx8f57Zp8/TWbDn2YlS3I/AAAAAAAAAsY/b3rhrAauMcE/s320/Dumas+par+Nadar.jpg" width="255" /></a></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;">Alexandre Dumas Père en 1855, par Nadar (1820-1910). </span></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« La photographie est-elle un art, ou simplement une industrie toute matérielle, qui se borne à quelques préparations chimiques plus ou moins adroitement accomplies ? </div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La question est discutable sans doute ; aussi a-t-elle déjà donné lieu à d’assez vives controverses. Il va sans dire que les artistes en général ne veulent voir dans la photographie qu’un métier indigne d’eux, et que les photographes, au contraire, repoussant énergiquement l’humiliante qualification donnée à cette merveilleuse invention, y voient un art nouveau qu’ils placent presque au niveau des autres. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Comme il arrive toujours en pareil cas, il y a évidemment exagération des deux parts. Mais, à choisir entre les préventions des artistes et les prétentions des photographes, nous serions bien tentés, quant à nous, de prendre fait et cause pour ces derniers. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Non, sans doute, la photographie n’est pas un art comme les autres. L’invention lui manque : ce n’est pas un art créateur. On ne saurait y reconnaître l’œuvre directe et absolue de la main de l’homme, et celui-ci ne saurait, par conséquent y revendiquer une part de gloire égale à celle qui lui revient dans les arts graphiques proprement dits. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais ce n’est pas non plus, et encore bien moins, un métier ; car le succès ne dépend pas uniquement de la bonne exécution de quelques manipulations chimiques, et le résultat, pour être satisfaisant, exige de la part de l’opérateur un tact, un instinct du pittoresque, une délicatesse de goût, une intelligence de la nature, une appréciation des effets d’ombre et de lumière, qui, tous réunis chez une seule et même personne, constituent précisément ce qu’on appelle le sentiment de l’art. On peut être photographe de beaucoup de talent sans savoir dessiner ; mais on ne peut certainement pas le devenir si l’on n’est doué du sens artistique. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il n’y a plus un mur, à Paris ou en province, qui ne soit encombré d’épreuves daguerriennes offertes à la curiosité des passants. Là est le métier. Après huit jours de leçons, tout homme un peu intelligent arrive à produire une image sur sa petite plaque ou sur son papier ciré ; innocente industrie qui rend le soleil complice, bon gré, mal gré, d’erreurs de goût dont j’aime à penser qu’il rougit sous ses rayons. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais combien sont-ils ceux qui, par les mêmes procédés chimiques, arrivent à reproduire la nature dans toute son harmonie, les monuments de l’art dans toute leur puissance et leur éclat ? Ceux-là on les compte ; il y a plus, on les reconnaît ; car chacun d’eux sait donner à ses productions un cachet personnel, résultat évident de la de la manière dont il comprend la nature. Ici, par contre, le métier disparaît et l’art commence. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Déjà la photographie a ses classiques et ses romantiques ; les premiers poursuivant la vérité dans le fini des détails et la netteté des lignes ; les autres, amoureux des nuages et des jeux de la lumière, et négligeant à dessein ce qu’ils appellent des minuties pour saisi la nature dans ses plus larges effets. Peu à peu les écoles se forment et se caractérisent ; ainsi, dès à présent, l’œil d’un amateur tant soit peu exercé reconnaîtra sans peine les photographies anglaises ou italiennes de celles qui se font en France. Tout cela, nous le demandons, n’est-il pas, dans une mesure quelconque, le fait d’un art proprement dit – art dépouillé, j’en conviens encore une fois, des facultés créatrices qui sont le plus bel attribut du génie de l’homme, mais amplement pour vu des facultés reproductives par lesquelles l’homme s’approprie à son gré tous les objets extérieurs – art secondaire, je le veux bien, mais qui pourtant mérite, dès aujourd’hui, de prendre sa place à la suite des autres ? </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Réunions fréquentes, exposition permanente, lectures de mémoires, conférences familières, publication d’un bulletin mensuel, tels sont les moyens que la Société française de photographie a mis en œuvre, et ils ont bien réussi, si l’on en juge par les résultats déjà obtenus. Aujourd’hui la société compte dans son sein la presque totalité des photographes de quelque renom […]. La cotisation de ses membres forme la dotation principale de la société, qui s’enrichit en outre par les généreuses offrandes de la plupart de ses membres, lesquels veulent bien mettre habituellement à sa disposition un certain nombre d’épreuves de choix de leurs productions les plus remarquables. Chaque année, on en fait une vente. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Une […] chose nous a frappé dans la dernière vente de la Société française : c’est le discernement, le goût épuré dont a fait preuve le public acheteur. Ai-je besoin de dire que les grandes planches monumentales de MM. Baldus et Bisson ont été enlevées la plupart au double de leur valeur marchande ? Ces photographes éminents n’avaient envoyé là que leurs œuvres de choix. Près d’elles, les épreuves de M. de Noailles ne pâlissaient pourtant pas. Il est vrai que celui-ci avait eu pour coopérateur le soleil d’Afrique, à l’aide duquel il était allé reproduire les merveilleuses ruines romaines enfouies dans la régence de Tunis. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le paysage était abondamment représenté à la vente. Français et étrangers, amateurs et photographes de profession, figuraient pêle-mêle dans la lice, et le public paraît avoir vivement goûté leurs œuvres. Entre celles qui ont obtenu le plus beaux succès aux enchères, il faut citer d’abord les vues de Suisse, de M. P. Périer, si fines, si bien éclairées, si harmonieuses, si spirituelles en un mot ; les bords de rivières si calmes et aux reflets si purs de M. Aguado ; les effets de mer si surprenants de M. Legray ; les admirables vues d’Ecosse de M. Fenton, le photographe anglais, avec lointains vaporeux et diaphanes dont lui seul a le secret ; les paysages si riants et si vrais de M. Pesme ; ceux de MM. Mailand, Fortier, Fierlants et Davanne ; et, par-dessus tout peut-être, les vues de Hollande de M. Jeanrenaud, qui semble s’être inspiré, non seulement de la nature qu’il avait à reproduire, mais aussi et en même temps du sentiment le plus exquis de cette grande école de paysagistes dont la Hollande fut le berceau. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quant à la figure, tout le monde souriait à un ami ou saluait une connaissance en feuilletant les portraits si vivants, si animés de M. Nadar, le vrai Nadar, le Nadar dont la signature bien connue couvre à elle seule un arpent de muraille place du Havre. A quoi bon cependant tant de réclames, quand on a pour enseigne et pour répondants tous ces visages épanouis où la nature est si bien prise sur le fait ? Regarde, bon public, reconnais tes amis : voici Janin avec sa bonne et spirituelle humeur ; voici Dumas qui te sourit d’un air un peu moqueur en t’annonçant son prochain départ pour un nouveau voyage de découvertes ; et celui, avec sa bonhomie pleine de finesse où le génie cherche en vain à se dissimuler, n’as-tu pas reconnu Rossini ? Mais au milieu du joyeux cénacle, quelle est cette figure austère dont les traits âprement ciselés semblent plutôt une face moulée en plâtre qu’une image empruntée aux rayons du jour ? Taisons son nom. Ici le succès a fait défaut. M Nadar a la main trop légère pour de pareils sujets. Qu’il laisse à son heureux émule M. G. Legray le soin de reproduire les grandes figures de la politique et les mâles visages de nos soldats ! »</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Ferdinand de Lasteyrie</strong>, « La société française de photographie », </span><br />
<span style="font-size: x-small;"><em>Le Siècle</em>, vendredi 25 juin 1858. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-84255239460546843652011-02-12T15:36:00.001+01:002011-02-12T15:38:46.617+01:00"La justice et le désintéressement... ont présidé aux délibérations des monarques alliés" (Metternich, 1821)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://2.bp.blogspot.com/-fGbKAfR-8qw/TVaaBI_43BI/AAAAAAAAAsU/ntFMHdKpF-A/s1600/Entr%25C3%25A9e+des+troupes+autrichiennes+dans+Naples+1820.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" h5="true" height="282" src="http://2.bp.blogspot.com/-fGbKAfR-8qw/TVaaBI_43BI/AAAAAAAAAsU/ntFMHdKpF-A/s400/Entr%25C3%25A9e+des+troupes+autrichiennes+dans+Naples+1820.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Entrée triomphale des troupes autrichiennes dans Naples en 1821, </span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">par Johann Lorenz Rugendas. Coll. Brown Univ.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-family: Sylfaen; font-size: 11pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-font-family: Georgia; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR; mso-font-kerning: 14.0pt;">« </span>L'Europe connaît les motifs de résolution prise par les souverains alliés d'étouffer les complots et de faire cesser les troubles qui menaçaient l'existence de cette paix générale dont le rétablissement a causé tant d'efforts et tant de sacrifices. Au moment même où leur généreuse détermination s'accomplissait dans le royaume de Naples, une rébellion d'un genre plus odieux encore, s'il était possible, éclata dans le Piémont. Le plan d'une subversion général était tracé dans cette combinaison contre le repos des nations. Les conspirateurs du Piémont avaient leur rôle assigné, ils se sont hâtés de le remplir. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le trône et l'État ont été trahis, les serments violés, l'honneur militaire méconnu, et l'oubli de tous les devoirs a bientôt amené le fléau de tous les désordres. Partout le mal a présenté le même caractère, partout un même esprit dirigeait ces funestes révolutions. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ne pouvant trouver de motif plausible pour les justifier, ni d'appui national pour les soutenir, c'est dans de fausses doctrines que les auteurs de ces bouleversements cherchent une apologie ; c'est sur de criminelles associations qu'ils fondent un plus criminel espoir. Pour eux, l'empire salutaire des lois est un joug qu'il faut briser. Ils renoncent aux sentiments qu'inspire le véritable amour de la patrie ; et, mettant à la place des devoirs connus, les prétextes arbitraires et indéfinis d'un changement universel dans les principes constitutifs de la société, ils préparent au monde des calamités sans fin. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les souverains alliés avaient connu les dangers de cette conspiration dans toute leur étendue; mais ils avaient pénétré en même temps la faiblesse réelle des conspirateurs à travers le voile des apparences et des déclamations. L'expérience a confirmé leurs pressentiments. La résistance que l'autorité légitime a rencontrée a été nulle, et le crime a disparu devant le glaive de la justice. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce n'est point à des causes accidentelles, ce n'est pas même aux hommes qui se sont si mal montrés le jour du combat, qu'on doit attribuer la facilité d'un tel succès. Il tient à un principe plus consolant et plus digne de considération. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La Providence a frappé de terreur des consciences aussi coupables ; et l'improbation des peuples, dont les artisans de troubles avaient compromis le sort, leur a fait tomber les armes à la main. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Uniquement destinées à combattre et à réprimer la rébellion, les forces alliées, loin de soutenir aucun intérêt exclusif sont venues au secours des peuples subjugués, et les peuples en ont considéré l'emploi comme un appui en faveur de leur liberté, et non comme une attaque contre leur indépendance. Dès lors, la guerre a cessé ; dès lors, les États que la guerre avait atteints n'ont plus été que des États amis pour les puissances qui n'avaient jamais désirés que leur tranquillité et leur bien-être...</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La justice et le désintéressement qui ont présidé aux délibérations des monarques alliés régleront toujours leur politique. A l'avenir, comme par le passé, elle aura toujours pour but la conservation de l'indépendance et des droits de chaque État, tels qu'ils sont reconnus et définis par les traités existants. Le résultat même d'une aussi dangereux mouvement sera encore sous les auspices de la Providence, le raffermissement de la paix que les ennemis des peuples s'efforcent de détruire, et la consolidation d'un ordre de choses qui assurera aux nations leur repos et leur prospérité !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pénétrés de ces sentiments, les souverains alliés, en fixant un terme aux conférences de Laybach, ont voulu annoncer au monde les principes qui les ont guidés. Ils sont décidés à ne jamais s'en écarter, et tous les amis du bien verront et trouveront constamment dans leur union une garantie assurée contre les tentatives des perturbateurs. C'est dans ce but que Leurs Majestés Impériales et Royales ont ordonné à leurs plénipotentiaires de signer et de publier la présente déclaration. </div><br />
<div style="text-align: right;">Laybach, le 12 mai 1821.</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">METTERNICH, KRUSEMARCK, NESSELRODE, </span><br />
<span style="font-size: x-small;">CAPO-D'ISTRIAS, POZZO DI BORGO</span>. » </div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Cité <em>in</em> J.-B. Capefigue, <em>Le congrès de Vienne dans ses rapports avec </em></span><span style="font-size: x-small;"><em>la circonscription </em></span><span style="font-size: x-small;"><em>actuelle de l'Europe</em>, Paris, Comptoir des Imprimeurs-unis, 1847. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-21641779581798879902011-02-11T10:07:00.000+01:002011-02-11T10:07:30.080+01:00"La révolution a [...] bouleversé les choses... mais les hommes sont restés intacts" (L. Marcillac, 1824)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/-b2ys2fC5NT4/TVT7dcK9b7I/AAAAAAAAAsQ/sYVts17tYOA/s1600/Copie+de+Original+watercolor+by+O.+%2528arm%25C3%25A9e+fran%25C3%25A7aise+en+Espagne+en+1823%2529.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" h5="true" height="305" src="http://1.bp.blogspot.com/-b2ys2fC5NT4/TVT7dcK9b7I/AAAAAAAAAsQ/sYVts17tYOA/s400/Copie+de+Original+watercolor+by+O.+%2528arm%25C3%25A9e+fran%25C3%25A7aise+en+Espagne+en+1823%2529.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Le corps expéditionnaire français en Espagne en 1823. </span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Aquarelle originale signée P. O. (1824). Coll. Brown Univ.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">« Les résultats de la guerre d’Espagne ont dépassé toute espérance par la promptitude qu’on a mise à les obtenir. […] Les armées françaises ont justifié la confiance qu’on avait de leur courage, de leur bonne discipline, comme de leur fidélité. L’écrivain est fier d’avoir à tracer de beaux tableaux et de pouvoir prouver le ridicule des <em>patriotes </em>espagnols qui menaçaient l’armée française des <em>Fourches Caudines</em>. </div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Dès le principe de l’insurrection de l’île de Léon, j’avais cherché, par des observations insérées particulièrement dans <em>La Quotidienne</em>, à prouver la nécessité d’éteindre ce foyer d’insurrection militaire, si dangereux par l’exemple, qui s’était allumé en Espagne. Il a fallu trois années d’expérience pour prouver à l’Europe que la base des trônes de la partie civilisée du globe se trouvait, pour le moment, en Espagne. […] Le système changea en 1822, avec le ministère ; et la raison frappant enfin de conviction des ministres royalistes, il fut décidé qu’on délivrerait un monarque dont les conjurés s’efforçaient d’avilir la dignité et le caractère sacré. La solidarité des sceptres fut établie en principe. La guerre d’Espagne fut considérée comme une mesure euro-péenne, nécessaire pour sauver la société du bouleversement des principes sur lesquels reposent la tranquillité des peuples et la stabilité des gouvernements légitimes. Il fut regardé comme de première nécessité d’arrêter les progrès de cette ambition de trône, qui était devenue l’esprit et l’ambition du siècle, dès qu’un soldat heureux arriva à l’empire par la gloire de ses soldats. Depuis cette époque, toute la législation des peuples et les droits des souverains dérivèrent d’un mouvement militaire ; et enfin en Espagne, quelques bataillons insurgés à l’extrémité de la péninsule suffisent pour changer les lois de la monarchie de Charles-Quint, et dicter à l’héritier de Philippe V, le souverain des Espagnes et de Indes, le code par lequel il devait régner sur les descendants du Cid et des femmes de Sagonte. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">La France, à peine sortie du chaos des révolutions, eut l’honorable mission de consolider les principes monarchiques, et fut chargé des destins de l’Europe. Elle a présenté à l’univers étonné un état de finances que trente années de dilapidation et de concussion n’ont pu déranger ; et elle a confié le rétablissement de la morale des Etats à l’armée qui, quelques années auparavant, avait combattu pour celui qui, ne connaissant que l’obéissance passive, qualité première du soldat, démoralisait les peuples en les forçant à reconnaître pour souverains des hommes que la légitimité repoussait. </div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Honneur à vous, Roi sage, dont la perspicacité a pénétré le cœur des Français ! Vous y avez lu le mot fidélité, et vous avez confié à la gloire de Marengo, d’Austerlitz, réunie à celle de Condé et de la Vendée, non seulement la couronne de Saint-Louis, mais celle de tous les souverains de l’univers. Votre confiance n’a pas été trompée ; tous les Français ont répondu à l’appel de votre cœur et de l’honneur : l’accolade fraternelle s’est donnée sur le champ de bataille, et a eu pour témoin et pour garantie de sa sincérité, le drapeau sans tache. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un corps expéditionnaire a marché directement sur Cadix, pendant que d’autres corps couvraient les flancs de l’opération principale, et délivraient les provinces latérales à celles que le prince [le Duc d’Angoulême] traversait. Le succès a couronné cette entreprise audacieuse, calculée sur le courage des troupes du roi, et le dévouement du peuple espagnol pour leur souverain. Honneur au prince, dont les plans sont en harmonie avec le caractère des Français, qui ne voit jamais que la victoire ! Traverser l’Espagne pour aller attaque, par assaut, le Trocadéro, malgré l’avis de tout un conseil de guerre, est une conception digne d’un descendant du vainqueur à Arques. […]</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">…l’Espagne était divisée par deux opinions, l’une royaliste avec le gouvernement absolu, l’autre constitutionnelle. La première opinion était celle de tous les habitants de la campagne et du clergé ; la seconde était bornée au littoral de la Méditerranée, particulièrement à Barcelone, ville à fabriques, et dans laquelle les gens vivant du produit de leur travail, subordonné à l’étendue du commerce, sont en nombre suffisant pour en imposer à la partie qui vit de ses revenus territoriaux. Peu de villes intérieures partageaient l’exaspération révolutionnaire. […] Remarquons que, partout où la morale religieuse avait de l’influence, les peuples étaient dévoués à la légitimité absolue : où la cupidité régnait, le vice anarchique avait de l’empire. En comparant les deux masses, on verra que la plus considérable était pour la monarchie sans altération, et l’on se convaincra que le sol espagnol n’est favorable ni aux complaisances ni aux concessions. La révolution y a, comme partout ailleurs, bouleversé les choses ; mais les hommes y sont restés intacts, et les principes immuables. […] <span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">» </span> </div><div style="text-align: right;"><br />
</div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Louis Marcillac, <em>Histoire de la guerre d'Espagne en 1823 :</em></span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em> campagne de Catalogne</em>, Paris, A Le Clère, 1824. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-72521068420616121912011-02-09T12:33:00.001+01:002011-02-09T12:35:22.591+01:00"Un ouvrier allait prendre place au gouvernement" (H. Castille, 1854)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://2.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TVJ3rFDEeHI/AAAAAAAAAsM/tLJedgVtAHQ/s1600/L%2527Ouvrier+Albert.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" h5="true" height="200" src="http://2.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TVJ3rFDEeHI/AAAAAAAAAsM/tLJedgVtAHQ/s200/L%2527Ouvrier+Albert.JPG" width="155" /></a></div><div style="text-align: left;"><br />
<span style="font-size: x-small;"><strong>Alexandre Martin Albert</strong> (1815-1895), dit "l'Ouvrier Albert", fils de cultivateur devenu ouvrier mécanicien, il rejoint sous la Monarchie de Juillet diverses sociétés secrètes, avant de fonder avec d'autres ouvriers le journal <em>L'Atelier</em>. Pour Daniel Stern (pseud. de la Comtesse Marie d'Agoult), <em>"</em><span style="font-family: Arial; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;"><span style="font-family: Times, "Times New Roman", serif;"><em>la nomination d'un <span class="gstxthlt">ou</span>vrier au <span class="gstxthlt">gouvernement </span>provisoire est un fait historique dont il ne faut pas méconnaître le sens et le caractère. Elle est le signe de l'émancipation, aveugle encore, mais désormais assurée de la classe laborieuse ; elle marque l'heure du passage de la révolution politique à la révolution sociale."</em> (<em>Histoire de la révolution de 1848</em>, vol. 1, 1851).</span></span></span></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« Les Tuileries prises, le roi parti, <em>La Réforme</em> et <em>Le National</em> sentirent la nécessité d'un rapprochement immédiat. Il n'y avait pas une minute à perdre en vaines querelles. La Chambre pouvait se remettre de sa stupeur. Le peuple lui-même n'attendrait pas longtemps qu'on lui offrît un gouvernement. […] Les haines étaient vives entre ces deux journaux. La compétition du pouvoir ne semblait pas de nature à les ramener à des sentiments de conciliation. De part et d'autre on avait formé un comité en permanence. Depuis plusieurs heures, ces deux comités rivaux recrutaient les notabilités de leur faction. Au <em>National</em> se tenaient MM. Emmanuel Arago, Marrast, Martin (de Strasbourg), Sarrans, Dornès, Recurt, Vaulabelle, etc. A <em>La Réforme</em> MM. Beaune, Flocon, Gervais (de Caen), Cahaigne, et vingt autres discutaient sans arriver à une conclusion. […] Des deux parts, on dressait des listes de gouvernement provisoire. Mais si l'on parvenait à se rencontrer sur quelques illustrations qu'un mérite spécial et qu'une gloire extra-politique plaçaient dans une sorte de neutralité ; il n'en était pas ainsi des autres. On acceptait M. Lamartine comme poète, M. Arago comme astronome, M. Dupont (de l'Eure) comme honnête homme et comme octogénaire. Mais M. Marrast ne voulait pas entendre parler de M. Ledru-Rollin. M. Flocon avait M. Garnier-Pagès en horreur, et M. Marie frémissait à l'idée de partager le pouvoir avec le <em>communiste</em> Louis Blanc. […] </div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'impossibilité de s'entendre amena purement et simplement un partage du pouvoir. Ce fut une conclusion fatale, inévitable. Il en résulta plus tard dans le gouvernement provisoire un manque d'homogénéité, qui devint pour la seconde République la source de tant de maux. La patrie en saigne encore et les larmes en couleront longtemps ! […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On parvint enfin à s'entendre sur une liste ainsi conçue : "Dupont (de l'Eure), François Arago, Ledru-Rollin, Flocon, Marie, Armand Marrast, Crémieux, Garnier-Pagès, Lamartine, Louis Blanc." Ce dernier alla aussitôt lire la liste à la foule de combattants qui se pressaient dans la cour de l'hôtel. De rauques acclamations l'accueillirent. Pourquoi applaudissaient-ils ? Sans doute parce qu'applaudir est un besoin des masses, un prurit qui se déclare à la paume des mains de l'homme-multitude aussitôt qu'un homme-individu se place en face de lui et parle. Cette liste éclectique ne méritait certainement pas l'approbation du peuple. La science, le talent et la vertu s'y trouvaient réunis. Il y manquait l'unité. L'impéritie gouvernementale devait résulter de cette impuissante mixture de noms si diversement nuancés. Cela ressemblait trop à un dépècement du pouvoir par des ambitions secondaires. On ne sentait là personne qui eût le nerf d'un Cromwell ou d'un Robespierre, qui dût absorber les individualités inférieures et imprimer au gouvernement de la République une forte impulsion.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les combattants pressés dans la cour eurent peut-être une vague perception de ce partage de la proie gouvernementale, car la pensée de s'en attribuer une part leur vint à l'esprit. Il fallait pour cela qu'un des leurs fût promu au rang des futurs dictateurs. La lecture de la liste était à peine achevée qu'un nom volait de bouche en bouche : <em>"Albert ! Albert !"</em> s'écriait-on. Lorsque ce nom arriva dans la salle de la rédaction, où se trouvaient de nombreux ouvriers, le cri de <em>"Vive Albert !"</em> retentit et consacra sa nomination. Un ouvrier allait prendre place au gouvernement d'une des premières nations du monde.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">M. Albert était-il donc un de ces génies inconnus que les révolutions font soudain sortir de la foule ? En aucune façon. Ouvrier mécanicien, appartenant d'ailleurs à une famille aisée, M. Albert ne se distinguait par aucune de ces hautes et rares qualités qui désignent un homme aux fonctions gouvernementales. Sa notoriété ne s'étendait pas au delà des régions dans lesquelles s'écoulait sa vie. Depuis longtemps affilié aux sociétés secrètes, il avait pris part, dans les derniers temps du règne de Louis-Philippe, à la direction des Saisons. Hâtons-nous d'ajouter que M. Albert était estimé de tous à cause de la pureté de son caractère, de sa bravoure, de son dévouement à la cause républicaine. Il faut que ces nobles qualités aient été bien incontestables chez lui pour qu'aucun des agents secrets qui ont infecté la presse de dégoûtantes calomnies n'ait osé touchera cette simple et honnête figure.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il est à regretter, au point de vue démocratique, que M. Albert n'ait pas été doué de facultés éminentes. Il eût donné à sa nomination une portée considérable qu'elle n'avait pas en réalité. Examinée de bonne foi, la nomination de M. Albert au gouvernement provisoire de la République française atteste bien plutôt la puissance des sociétés secrètes, que la volonté déterminée chez le peuple de se gouverner lui-même et d'arriver à une répartition plus rigoureuse, plus exacte de l'autorité. L'ouvrier des sociétés secrètes est un homme déclassé. Il n'appartient plus en réalité au travail ; il appartient à la politique. La nomination de M. Albert, dans la cour et dans les bureaux de <em>La Réforme</em>, par une foule d'hommes auxquels il avait commandé dans les sections, n'a pas d'autre sens que l'hommage rendu à un bon chef par ses soldats. Pour que cette élection eût pris le caractère que les hommes du parti avancé cherchèrent à lui donner, il eût fallu, au lieu de M. Albert, voir surgir quelque ouvrier connu de tous, désigné par l'acclamation générale des légions du travail, ou plutôt par une sorte de sentiment public. Il n'en existait pas de tel.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La nomination de M. Albert eut donc plutôt l'air d'une flatterie à l'adresse du peuple, qu'un fait de la volonté du peuple lui-même. Que ce soit là un signe considérable dans l'histoire d'une nation, quoiqu'il soit permis d'en relever l'importance, on ne saurait sans exagération lui donner un caractère de réforme sociale. Après tant de sottises perpétrées au soleil, quiconque a conservé des convictions démocratiques, est sommé, sous peine de mort éternelle, de déposer la dernière de ses illusions. M. Albert justifia d'ailleurs les réserves que l'histoire enregistre aujourd'hui par une inaction et un effacement absolus. Paris se demanda longtemps quel était cet Albert, ouvrier, en qui l'humble artisan et le penseur fondaient une secrète espérance. L'artisan se disait que les bienfaits du pouvoir allaient descendre, sous forme de lois généreuses, jusque dans son humble logis. Le penseur entrevoyait déjà l'aurore d'une grande évolution de l'esprit humain, le dernier cadre des classifications rompu, la naissance d'une société en participation collective, que sais-je ? La vertu, le mérite personnel, débarrassés de toute entrave et devenant la vraie, l'unique distinction entre les hommes. Quelque disciple d'Emerson y vit peut-être l'aurore du gouvernement des héros. Le nom de M. Albert a été un grand leurre. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Hyppolite Castille, <em>Histoire de la Seconde République en France</em>, </span><br />
<span style="font-size: x-small;">vol 1, Paris, Victor Lecou éd., 1854. </span></div><br />
<div style="text-align: center;">__________________ </div><div style="text-align: center;"> </div><div style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><span style="font-size: small;">« </span>LE CITOYEN ALBERT , OUVRIER ( SANS PORTEFEUILLE), </span></div><div style="text-align: left;"><br />
</div><div style="text-align: left;">(C'est un <em>Montagnard</em> qui parle à un Conservateur.) </div><br />
Quand je vous dis qu'Albert est habile ouvrier, <br />
Dans quel art ? dites-vous d'un air mi-sardonique <br />
Que je ne veux qualifier. <br />
Apprenez qu'aujourd'hui l'art n'est plus qu'un métier <br />
Nous fondons une République <br />
Où doivent régner seuls les talents, les vertus, <br />
Et ce n'est que dans la boutique, <br />
Parmi ces hommes aux bras nus,<br />
Qu'on trouve ces Romains, nouveaux Cincinnatus, <br />
Sortant de l'atelier ou quittant leurs chaumières <br />
Pour détrôner les rois et punir les tyrans ; <br />
Ou , s'il le faut, sortant des derniers rangs , <br />
Baïonnettes intelligentes <br />
Qui n'ont besoin de vieillir sous les lentes, <br />
Pour être aussi bons chefs qu'intrépides guerriers ; <br />
Puis, retournant dans leurs humbles foyers, <br />
Y trouvent leurs femmes et filles , <br />
Filant le lin , lissant leurs vêtements grossiers , <br />
Et leur tenant tout chaud le potage aux lentilles. <br />
Ah ! vous pensez, bourgeois et riches corrompus, <br />
Modernes Lucullus, Crassus, Apicius, <br />
Bravant la frugale Montagne, <br />
Siège des grands et nobles cœurs, <br />
Vous pensez, de ce peuple adroits explorateurs, <br />
Vous abreuver toujours de ses sueurs <br />
Où vous semblez trouver le bouquet du Champagne, <br />
Sans jamais vous désaltérer ! <br />
Mais le temps est venu de vous régénérer. <br />
C'est à son tour à faire un peu cocagne. <br />
Cédez-lui donc la place en payant son écot, <br />
N'oubliant que le pain tout seul est chose fade, <br />
Qu'il attendit assez la grasse poule au pot <br />
Et ne boit jamais qu'à rasade. <br />
Sinon, le triangle d'acier <br />
Pourrait bientôt reprendre son office, <br />
Machine régénératrice <br />
Qui dort depuis la fin du grand siècle dernier <br />
Et finirait par se rouiller. <br />
J’entends, le mot est dur et vous fait sourciller. <br />
Prétendez-vous du peuple entraver la justice ? <br />
Quand on fonde un nouveau sur un vieil édifice, <br />
Ne faut-il pas d'abord qu'on démolisse ? <br />
C'est là tout l'art des modernes maçons. <br />
Entendez-les déjà crier avec courage : <br />
Frères, amis, mettons-nous à l'ouvrage. <br />
Démolissons, démolissons. <br />
Pour reconstruire après, manquons-nous d'architecte ? <br />
Eh bien ! Albert est là : suffit. <br />
Sa force au moins n'est pas suspecte. <br />
Quel besoin a-t-il donc d'études et d'esprit, <br />
De savoir même ce qu'il dit ? <br />
Quand on sait, les bras nus, s'il faut, jusqu'à l'aisselle, <br />
Manier le marteau, la scie ou la truelle, <br />
Quel conservateur insolent, <br />
Regrettant l'état monarchique, <br />
Oserait bien lui nier le talent <br />
De gouverner la République ? » <br />
<div style="text-align: right;"><br />
<span style="font-size: x-small;"><strong>Charles-Louis Rey</strong> (pseud. Géronte cadet), <em>Poésies diverses</em>, </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Nîmes, chez les principaux libraires, 1852.</span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-51020953924375917302011-02-02T10:43:00.000+01:002011-02-02T10:43:58.235+01:00"Dix hommes furent attachés à la bouche des canons..." (The Lahore Chronicle, 1857)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUklwztT-6I/AAAAAAAAAsE/Ps8J-uSEBFw/s1600/getimage.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="275" s5="true" src="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUklwztT-6I/AAAAAAAAAsE/Ps8J-uSEBFw/s400/getimage.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Cipayes attachés à la bouche des canons pour être exécutés. </span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Gouache originale d'Orlando Norie (1832-1901). Coll. Brown Univ.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">« Les Cipayes insurgés de l'Inde ont commis, comme on sait, d'abominables atrocités. Ils ont massacré non-seulement leurs officiers, mais encore des femmes et des enfants, avec d'odieux raffinements de barbarie. Ces atrocités méritent assurément une répression sévère. Mais cette répression doit-elle être empruntée à la vieille et barbare loi du talion ? Parce que les Cipayes ont déployé la férocité du tigre révolté contre ses gardiens, les Anglais sont-ils autorisés à déployer à leur tour, une férocité égale ? Aux appétits sanguinaires du tigre de l'Inde peuvent-ils opposer sans scrupule ceux du bouledogue britannique ? Cela paraît être assez l'avis du <em>Times</em> et du <em>Morning Post</em> qui, oubliant sans doute de quels anathèmes ils ont flétri la conduite barbare du colonel Pélissier, enfumant des tributs arabes dans les grottes de Dahra comme des renards dans un terrier, recommandent aux autorités de l'Inde de se montrer impitoyables envers les Cipayes révoltés. Les autorités de l'Inde ne paraissent malheureusement que trop disposées à suivre ces conseils en s'abandonnant à des représailles implacables. Voici le récit d'une exécution atroce qui a eu lieu à Lahore, et qui a du singulièrement réjouir le cœur des écrivains, nous allions dire des bouledogues, du <em>Times</em> et du <em>Morning Post </em>: </div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em>"Ce matin,</em> dit le <em>Chronicle</em> de Lahore<em>, douze des révoltés du 45e régiment d'infanterie indigène ont été pendus. Toutes les troupes disponibles avaient été convoquées pour assister au châtiment. Les condamnés, au nombre de vingt-quatre, furent conduits au centre du carré des troupes ; un d'eux dut y être porté parce qu'il venait de subir l'amputation du bras gauche, par suite d'une blessure qu'il avait reçue durant la lutte.</em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="text-align: justify;"><em>Le lieutenant Hoogan, par ordre du brigadier Hinnes, donna lecture de l'arrêt de la cour martiale qui avait jugé les insurgés. Il annonça ensuite une commutation de peine en faveur de ceux qui consentiraient à faire des révélations. Une douzaine sortirent des rangs et furent conduits derrière l'artillerie. </em><em>Ils devront indiquer les meneurs et divulguer les causes et le but des troubles.</em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="text-align: justify;"><em>Les douze condamnés restants, parmi lesquels se trouvait l'homme au bras amputé, montèrent l'échelle d'un pas ferme et sans manifester la moindre émotion. Le malheureux qui n'avait qu'un bras, se balança pendant quelques minutes dans une agonie affreuse : le nœud coulant auquel il était suspendu avait été mal attaché.</em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em>Dix rebelles furent ensuite amenés devant les canons. Pendant qu'on leur enleva leurs chaînes, quelques-uns criaient : "Ne sacrifiez pas les innocents pour les coupables !" Deux des assistants répondirent : "Taisez-vous, mourez en hommes et non en poltrons ; vous avez défendu votre religion ; pourquoi donc avez-vous peur de mourir ?"</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em>Ces dix hommes furent attachés à la bouche des canons. Le commandant X... ordonna ensuite d'allumer les mèches, puis-il cria : "Prêt ! feu !" et le drame était fini.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Ce fut là un horrible spectacle, j'en fus terrifié, et tous mes voisins n'étaient pas moins émus. Tous tremblaient comme des feuilles. J'ai la confiance que la leçon ne sera pas perdue. Les hommes qui entouraient les pièces étaient inondés de sang. Un d'eux, entre autres, fut un instant étourdi d'un coup violent qu'il reçut d'un bras arraché, lancé sur lui."</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ces abominations, qui font les délices du <em>Times</em> et du <em>Morning Post</em>, ne rencontrent pas, hâtons-nous de le dire, une approbation unanime en Angleterre. Voici, par exemple, de quelle façon M. Bright, l'éminent orateur de la Ligue, auquel les électeurs de Birmingham viennent de restituer son siège au parlement, s'exprime sur les affaires de l'Inde, et avec quel esprit élevé de justice et d'humanité il manifeste l'espoir que la répression sera pure de tout esprit de vengeance et de cruauté.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>"Il y a en ce moment une question qui occupe et absorbe l'attention publique: la révolte de l'Inde. Tout en déplorant ce terrible événement avec le reste de mes concitoyens, j'en suis peut-être moins surpris que la plupart d'entre eux. Depuis douze ans je me suis beaucoup occupé de l'Inde.</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="text-align: justify;"><em>Deux fois j'ai entretenu le Parlement de ce pays : une fois pour demander la nomination d'une commission spéciale ; une autre, pour proposer une commission royale d'enquête ; j'ai pris, en outre, une part active à la discussion du bill récemment volé, qui a continué les pouvoirs de la Compagnie des Indes orientales et précédé des meetings publics dans plusieurs de nos plus grandes villes, en vue d'appeler l'intérêt public sur la grande question du gouvernement de l'Inde.</em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em>Le succès de l'insurrection serait l'anarchie de l'Inde, à moins que quelques grands hommes, sortant du chaos, ne fondent un nouvel empire sur la base de la puissance militaire. Je ne suis pas disposé à défendre les mesures par lesquelles l'Angleterre a obtenu la domination de l'Inde; mais, par considération pour les intérêts de l'Inde et de l'Angleterre, je ne puis combattre les mesures qui seront jugées nécessaires pour supprimer les désordres existants.</em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="text-align: justify;"><em>Rétablir l'ordre dans l'Inde c'est travailler dans l'intérêt de ce pays; mais nous serions gravement coupables si nous négligions ensuite les mesures qui doivent contribuer au bien-être de son immense population.</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><em>J'espère que les actes du gouvernement seront purs de cet esprit de vengeance et de cruauté que l'on remarque dans un grand nombre île lettres publiées par les journaux, et que lorsque la crise actuelle sera passée, lous les hommes d'affaires on Angleterre combineront leurs efforts pour réparer le mal par tout le bien possible."</em></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Nous sommes heureux de pouvoir ajouter d'après un journal français, que Lord Paumure, ministre de la guerre, a blâmé l'exécution sauvage de Lahore et donné des ordres pour que de pareilles atrocités ne se renouvellent point. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>L’Economiste belge. Journal des réformes économiques et administratives</em> </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">(publié par G. de Molinari), 3e année, n° 24, 20 août 1857. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-15568926191257085082011-02-01T18:30:00.000+01:002011-02-01T18:30:57.373+01:00"Il faut décréter le droit au travail... rien de plus, rien de moins" (E. Vermersch, 1871)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUhA674GN9I/AAAAAAAAAsA/qbVe3VgODcs/s1600/Pilotell+-+bourgeois+vs+prol%25C3%25A9taire+%2528image+de+la+Commune%252C+1871%2529.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="383" s5="true" src="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUhA674GN9I/AAAAAAAAAsA/qbVe3VgODcs/s400/Pilotell+-+bourgeois+vs+prol%25C3%25A9taire+%2528image+de+la+Commune%252C+1871%2529.JPG" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">« Décider que l’on va s'emparer des ateliers des jean-foutres de patrons qui ont foutu le camp !...</div><div style="text-align: justify;">S'installer en leur lieu et place ;</div><div style="text-align: justify;">Leur foutre une bonne saisie sur tout leur matériel...</div><div style="text-align: justify;">Et ça pour faire travailler les bons bougres de patriotes qui n'ont tous qu'un seul désir...</div><div style="text-align: justify;">Foutre une brûlée à ces canailles de Versaillais...</div><div style="text-align: justify;">Pour aller manier ensuite la lime, la pioche ou le rabot...</div><div style="text-align: justify;">Nom de Dieu !</div><div style="text-align: justify;">Voilà qui était bien !...</div><div style="text-align: justify;">Et je ne saurais trop le répéter aux citoyens de l'Hôtel-de-Ville...</div><div style="text-align: justify;">Ce jour-là,</div><div style="text-align: justify;">Pour les récompenser...</div><div style="text-align: justify;">Je me suis offert une bonne petite chopine...</div><div style="text-align: justify;">Qui m'a agréablement chatouillé le gosier,</div><div style="text-align: justify;">Nom de nom !...</div><div style="text-align: justify;">Mais, à côté de ça, ne pas dire par quel moyen pratique on se procurera assez de commandes et assez de travaux pour faire suer la machine,</div><div style="text-align: justify;">Et travailler les bras,</div><div style="text-align: justify;">Nom de Dieu !</div><div style="text-align: justify;">Voilà qui est mal !...</div><div style="text-align: justify;">Et je m'étonne que les citoyens membres de la Commune n'aient pas pensé à ça... </div><div style="text-align: justify;">Parbleu ! moi, je n'irai pas par quatre chemins pour leur dire leur fait.</div><div style="text-align: justify;">Non, citoyens membres,</div><div style="text-align: justify;">Vous n'avez pas résolu la question,</div><div style="text-align: justify;">Foutre!...</div><div style="text-align: justify;">Et je vais vous le prouver !...</div><div style="text-align: justify;">Pour faire un civet,</div><div style="text-align: justify;">Que faut-il ?...</div><div style="text-align: justify;">Même en République...</div><div style="text-align: justify;">Un lièvre !...</div><div style="text-align: justify;">Pas vrai ?...</div><div style="text-align: justify;">Qui est-ce qui nous le foutra, ce lièvre-là ?! A coup sûr ce ne sont pas toutes ces crapules d'aristos et de calotins qui ont préféré aller s'adressera ces jean-foutres de la province pour exécuter leurs commandes,</div><div style="text-align: justify;">À ces ruraux, qui ne comprennent qu'une chose...</div><div style="text-align: justify;">Vivre comme des brutes toute leur vie, au milieu de jean-foutres que le mouvement révolutionnaire va foutre en bas...</div><div style="text-align: justify;">Et qui ne savent qu'engueuler les Parisiens toutes les fois qu'ils demandent des choses raisonnables...</div><div style="text-align: justify;">Telles que, par exemple :</div><div style="text-align: justify;">L'abolition du mariage, qui est une atteinte à la liberté individuelle, et une institution immorale au dernier degré ;<br />
Le renversement du militarisme, qui est une entrave à la fraternité des peuples ;</div><div style="text-align: justify;">Le bouleversement des choses convenues, enfin, que les niais sentimentaux respectent, et qui n'ont été imaginées que par des jean-foutres qui n'entendaient rien du tout à la vie.</div><div style="text-align: justify;">Eh bien !</div><div style="text-align: justify;">Nom de Dieu !</div><div style="text-align: justify;">Puisque tous nos savoyards de bourgeois ont lâchement foutu le camp pour se jeter dans les bras de ces crapules de ruraux, qui ne sont bons que pour foutre leur sale éteignoir sur le flambeau de la Liberté chaque fois que nous l'allumons...</div><div style="text-align: justify;">Pourquoi ne nous arrangerions-nous pas entre nous...</div><div style="text-align: justify;">Comme de bons bougres que nous sommes ?...</div><div style="text-align: justify;">Foutre de foutre !...</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et voilà ce que je dis :</div><div style="text-align: justify;">Les ateliers ouverts, que faut-il ?</div><div style="text-align: justify;">Des commandes !</div><div style="text-align: justify;">Eh bien ! nom de Dieu,</div><div style="text-align: justify;">Encore une fois...</div><div style="text-align: justify;">C'est bien simple...</div><div style="text-align: justify;">Il faut décréter le droit au travail.</div><div style="text-align: justify;">Le droit au travail.</div><div style="text-align: justify;">Rien de plus, rien de moins,</div><div style="text-align: justify;">Voici ce que je veux.</div><div style="text-align: justify;">Parce que c'est cela seulement qui peut nous sauver.</div><div style="text-align: justify;">Parce que le fils Duchêne désire le bonheur du peuple, et qu'il est convaincu qu'il n'y a pas un citoyen à Paris qui refuserait son concours à un pareil principe.</div><div style="text-align: justify;">Le droit au travail !...</div><div style="text-align: justify;">Voilà une crâne idée !</div><div style="text-align: justify;">Foutre!...</div><div style="text-align: justify;">Prenons, comme exemple, l'honorable corporation des citoyens ferblantiers !...</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Qu’est-ce qu’il y a faire ?...</div><div style="text-align: justify;">Forcer tous les patriotes restant à Paris à se commander dans les vingt-quatre heures une batterie de cuisine au complet, pour ceux qui n'en ont pas — et une nouvelle pour ceux qui en ont déjà une !</div><div style="text-align: justify;">C'est pas plus difficile que ça...</div><div style="text-align: justify;">Je ne parlerai pas d'une baignoire, c'est du luxe !...</div><div style="text-align: justify;">Et voilà une corporation qui marche.</div><div style="text-align: justify;">Et des autres ainsi de suite !...</div><div style="text-align: justify;">Et Paris, en huit jours, redevient ce qu'il était...</div><div style="text-align: justify;">C'est-à-dire...</div><div style="text-align: justify;">Le foyer de l'industrie,</div><div style="text-align: justify;">Le miroir de l'intelligence,</div><div style="text-align: justify;">La première capitale de l'Europe !</div><div style="text-align: justify;">Allons, nom de Dieu !</div><div style="text-align: justify;">C'est entendu,</div><div style="text-align: justify;">Si l'on veut nous sortir de la mélasse,</div><div style="text-align: justify;">Il faut qu'on décrète le droit au travail.</div><div style="text-align: justify;">Il le faut, il le faut,</div><div style="text-align: justify;">Ou bien,</div><div style="text-align: justify;">Citoyens membres,</div><div style="text-align: justify;">Je vous en fous mon billet,</div><div style="text-align: justify;">Dans son prochain numéro,</div><div style="text-align: justify;">Le fils Duchêne serait capable de se foutre en colère contre vous.</div><div style="text-align: justify;">Et il en serait désolé,</div><div style="text-align: justify;">Nom de Dieu ! »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Eugène Vermersch, "Le droit au travail", <em>Le fils du Père Duchêne : illustré</em>, n° 2, 6 Floréal an 79. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-37567845692501161992011-01-27T18:53:00.000+01:002011-01-27T18:53:09.223+01:00"L’argent a conspiré contre la république et l'a condamnée à la misère" (Ch. Delescluze, 1848)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://2.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUGwcMHB_tI/AAAAAAAAAr8/Za9tqrDgVSM/s1600/La+Revue+comique%252C+d%25C3%25A9cembre+1848.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="262" s5="true" src="http://2.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUGwcMHB_tI/AAAAAAAAAr8/Za9tqrDgVSM/s400/La+Revue+comique%252C+d%25C3%25A9cembre+1848.JPG" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <em>La Revue comique</em>, décembr 1848.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« <em>Hurrah ! Hurrah !</em> la bourse est à la hausse ! Réjouissez-vous, loups-cerviers de la banque, chevaliers de la coulisse, héros du lansquenet, gentilshommes de cour d’assises ! Pendant dix mois, vous avez fait maigre chère, vos dents se sont allongées, mais aussi, comme vous allez vous en donner à cœur joie, comme la curée va vous paraître succulente ! La bourse est à la hausse ! <em>Hurrah ! Hurrah !</em></div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et toi, peuple crédule, profiteras-tu de la leçon ? On te l’a dit, quand la bourse est en hausse, c’est que l’honneur et la dignité du pays sont en baisse. Le lendemain de Waterloo, alors que trente mille cadavres français gisaient dans les plaines de Belgique, le cinq pour cent reprenait faveur, et tu dois comprendre maintenant combien tu t’es trompé en donnant tes voix à M. Bonaparte, devenu le patron de l’agiotage, dès le premier jour de son triomphe !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Après tout, ton merveilleux instinct t’a peut-être bien servi ; tu voulais tu venger et tu tiens ta vengeance. Grâce à toi, nous voici pour jamais délivrés de cette coterie aussi féroce qu’égoïste, qui depuis longtemps étouffait la république. Reste à savoir maintenant si en élevant sur le pavois le neveu de l’empereur, tu n’as pas voulu montrer le néant de toutes ces prétentions héréditaires qui menaçaient la république. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais sache-le, pour mener à bonne fin cette dangereuse expérience, il faut une vigilance de tous les instants, une logique impitoyable. Il ne faut pas faiblir ni permettre de porter atteinte à ta volonté souveraine. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La république t’avait promis l’égalité, le droit au travail ; livrée dès son début aux perfides conseils de la réaction, elle ne t’a donné qu’un peu plus de misère qu’auparavant, en y ajoutant, par forme de compensation, force de coups de canon et de fusil. Il dépend toujours de toi, malgré l’élection de M. Bonaparte, que la république acquitte les dettes du gouvernement provisoire. Pour cela, tu n’as qu’à vouloir. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Parmi les concurrents qui se sont disputé tes suffrages, tu as pris celui dont les offres étaient les plus magnifiques, et qui pouvaient plus sûrement te débarrasser de M. Cavaignac. Confiant comme toujours, tu as donné ton vote sans exiger des arrhes. Puisses-tu ne pas éprouver une nouvelle déception ! Tu ne veux plus des contributions indirectes ni des octrois, tu veux avoir le droit de vivre en travaillant, tu veux que tes fils ne soient plus les seuls à payer l’impôt du sang, tu te lasses de voir tes filles servir à la débauche des oisifs. Tu sais qu’il n’y a de richesse que dans le travail, et tu veux ta place au banquet de l’égalité. On t’a promis tout cela, et ceux qui venaient mendier tes voix pour leur préféré, t’eussent promis bien davantage…</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Aujourd’hui, ils se frottent les mains et croient t’avoir trompé. Montre-leur que tu as pris au sérieux les engagements qu’ils ont contractés envers toi. C’est par ton labeur que les moissons croissent dans nos plaines fertiles, que les vendanges dorent nos coteaux ; ce sont tes robustes bras qui tirent des profondeurs de la terre les richesses que la nature y a placées en dépôt ; tout ce qui sert à assurer et à embellir l’existence, c’est à toi qu’on le doit, et cependant du meurs de froid et de faim auprès des produits gagnés par tes sueurs ; tu n’as pas de vêtements, et les étoffes que tu as tissées s’entassent dans les magasins. Tu n’as pas un asile pour reposer ton corps fatigué, et c’est toi qui élèves ces édifices qui font l’orgueil de nos cités. Il est temps que la répartition du travail et des produits devienne équitable. C’est ta volonté, c’est ton droit, c’est ton devoir. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et nous qui n’avons qu’un désir, celui de transformer en frères tous les enfants de la grande famille française, nous te conjurons de ne pas abandonner ton œuvre. Ne te laisse pas leurrer par des promesses vaines. Tu es encore souverain, tu peux commander. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les joies sinistres de la haute banque montrent assez que les exploiteurs de la veille n’ont pas renoncé à leur coupable industrie. Il faut que la puissance de l’argent s’incline et disparaisse devant la souveraineté du travail. Jusqu’à ce jour, l’argent a régné sur le monde ; l’argent a conspiré contre la république et l’a condamnée à la misère pour te punir de ta victoire de février. Montre à ces marchands de pièces de cent sous que tu peux mieux se passer de leurs services si chèrement payés, qu’ils ne peuvent se passer de ton travail. Des hommes profondément dévoués à ta cause, non pas de ces empiriques qui te bercent de belles paroles pour se faire litière de tes douleurs, mais pénétrés du besoin d’accommoder la science et le droit aux nécessités du jour, vont te mettre à même de ne plus recourir au patronage usuraire des vendeurs d’argent. Ecoute leurs leçons, apprends d’eux que les lois de la solidarité humaine ne sont pas un mensonge, demande à l’association et à l’échange volontaires le moyen de satisfaire tes besoins et la consécration de ta liberté. Cela fait, tu deviendras ce que tu dois être, une créature de Dieu. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cependant, n’oublie pas que la république est la forme essentielle de l’égalité humaine, et si jamais une main se levait pour toucher à l’arche sainte de la révolution, rappelle-toi qu’il ne te faut que trois jours pour combattre et pour vaincre le despotisme sous quelque forme qu’il se présente. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et maintenant, loups-cerviers de la banque, chevaliers de la coulisse, héros du lansquenet, gentilshommes de cour d’assises, hâtez-vous de jouir des bienfaits de la hausse ; votre règne ne sera pas de longue durée. L’égalité s’avance et bientôt vous serez forcés de compter avec le travail. </div><div style="text-align: right;">Ch. Delescluze, rédacteur. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>La révolution démocratique et sociale</em>, 1ère année, n° 39, vendredi 15 décembre 1848. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-80730008417019653692011-01-26T14:24:00.000+01:002011-01-26T14:24:11.302+01:00"Que les machines à vapeur... vivifient nos manufactures" (Ad. Blanqui, 1825)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUAfLmHsLhI/AAAAAAAAAr4/GNcaFKm6iKc/s1600/carreau+de+mine.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="242" s5="true" src="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TUAfLmHsLhI/AAAAAAAAAr4/GNcaFKm6iKc/s400/carreau+de+mine.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><em>Mine de charbon au Royaume-Uni</em>, anonyme, huile sur toile (1825),</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Liverpool, Walker Art Society.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« L'introductrion des machines à vapeur et leur application aux différentes tranches de l'industrie, ont causé une révolution si importante dans les manufactures et dans les arts, que nous croyons faire une chose agréable à nos lecteurs en leur présentant un exposé clair et simple des phénomènes qui résultent de cette admirable invention. On ne les connaît guère en France que de réputation, et ils sont un peu, parmi nous, comme ces mines du Mexique et du Pérou, dont tout le monde parle, et que peu de personnes ont vues. Lorsque la connaissance en sera plus répandue, leurs avantages seront miens appréciés et l'on se demandera peut-être avec étonnement, pourquoi la France possède à peine trois ou quatre cents de ces machines, tandis qu'en Angleterre on les compte par milliers. Offrons d'abord une description succincte de l'appareil principal. </div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il consiste eu un large cylindre qui reçoit un fort piston du même diamètre, comme dans la pompe foulante. La vapeur est fournie par une vaste chaudière, d'où elle s'introduit dans le cylindre au moyen d'une ouverture qui peut se fermer à volonté. La force de la vapeur (1) soulève le piston auquel est adapté un long levier, qui sert à mettre en mouvement une pompe, une manivelle, un mécanisme quelconque. Parvenu à une certaine hauteur, le piston ouvre, dans la partie supérieure du cylindre, une soupape qui laisse entrer une petite quantité d'eau froide : la vapeur est à l'instant condensée, le vide s'opère dans le cylindre, et le piston chargé de la pression atmosphérique, redescend pour être soumis de nouveau à l’action de la vapeur. Il remonte et redescend ainsi continuellement avec une force proportionnée à la quantité et à la tension de la vapeur qui lui est appliquée. Une machine dont le cylindre a 30 pouces de diamètre et dont le piston frappe dix-sept coups par minute, équivaut à la force de 40 chevaux travaillant jour et nuit (2), et elle consomme 11,000 livres de charbon en vingt-quatre heures.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On conçoit maintenant sans difficulté les diverses applications de ce puissant appareil : le levier adapté au piston, peut faire mouvoir toutes sortes de mécanismes, depuis le plus simple jusqu'au plus compliqué. L'illustre Watt, auquel l'Angleterre reconnaissante vient d'élever une statue, est le premier qui ait donné à la machine à vapeur, cette flexibilité qui permet d'en retirer d'aussi grands services. On peut l'en regarder comme le véritable inventeur. Avant lui, quelques anciens et plusieurs modernes avaient observé les résultats pratiques de la tension de la vapeur ; mais c'est à Watt qu'appartient tout l'honneur de les avoir appliqués à la mécanique et d'en avoir armé la main de l'homme. On ne sait ce qu'on doit le plus admirer du génie ou de la patience de cet utile citoyen, lorsqu'on étudie avec soin l'histoire des machines à vapeur ; j'en ferais volontiers juges mes lecteurs par eux-mêmes, si la nature de cet article ne m'interdisait les détails purement techniques. Il suffira de dire qu'au moment où je parle, le pouvoir de l'appareil de Watt équivaut, en Angleterre seulement, à la force de 500 mille chevaux, ou selon le docteur Ure, de cinq millions d'hommes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cette prodigieuse machine, parvenue aujourd'hui à un très-haut degré de précision, de souplesse et de régularité, soulève des vaisseaux de ligne, sert à forger des ancres, à filer le coton et la soie, à broder la mousseline et à façonner tous les métaux. Par elle, le génie de l'homme exploite dans les entrailles de la terre ses nouvelles conquêtes ; il brave sur mer les vents contraires, et les calmes plus redoutables encore ; il remonte les rivières les plus rapides, et il rend à la vie les contrées les plus disgraciées de la nature. Des villes entières lui doivent tonte leur existence : Birmingham, Manchester, Leeds, Preston, Glasgow sont là pour l'attester. L'Amérique étonnée reçoit avec transport ce présent de l'ancien monde : le Mississippi, l'Ohio, la Chesapeake, et même l'Orénoque, l'ont vu paraître sur leurs rives.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">J'entends dire quelquefois que l'industrie et la mécanique étouffent la poésie et n'ont rien de ce charme séduisant attaché aux grandes choses. N'est-ce point un beau spectacle que celui d'un vaisseau à vapeur, excité par le feu, et semblable à un être animé, lorsqu'il s'avance majestueusement sur la cime des vagues, et qu'il brave, appuyé sur ses ailes rapides, leur fureur impuissante ! n'avons-nous pas des expressions à créer, pour peindre ces chars mobiles obéissant au char qui les entraîne et qui les guide, en traçant sur leur route un sillon de fumée ! Et qu'a-t-il fallu pour obtenir ces merveilles ? un peu d'eau, un cylindre, et quelques leviers ! Lorsqu'on réfléchit qu'avec ces faibles moyens, on est parvenu à augmenter la production d'une manière presque illimitée, qu'on a rapproché les distances les plus considérables, et préparé à l'humanité entière un avenir plus doux, une existence plus heureuse ; n'y a-t-il rien dans tout cela, qui puisse faire battre le cœur d'un poète !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Considérés sous un rapport plus sévère, les résultats de la découverte de Watt confirment ce bel aphorisme de Bacon : <em>le savoir est une puissance</em>. En effet, la machine à vapeur paraît destinée à balancer l'influence des gros vaisseaux de guerre : elle échappera à leurs lourdes manœuvres, et rendra leur fuite, en cas de défaite, extrêmement difficile. Elle leur aura dérobé la foudre, comme Franklin ravit le feu du ciel, et l'on pourra dire aussi de Watt, qu'il arracha le sceptre aux tyrans, puisqu'il aura rendu les mers libres. Son appareil tout puissant offre déjà aux industries de toutes les nations des communications promptes et faciles ; on n'a qu'à suivre de l'œil les magnifiques paquebots qui croisent entre Londres et Calais, le Havre et Southampton, Brighton et Dieppe, pour juger de l'avenir par le présent. Bientôt sur ces merveilleuses embarcations, les Suisses iront visiter l'Angleterre et les villes Hanséatiques : on dira le port de Bâle comme on dît le port de Bristol et celui de Hambourg; on naviguera sur le Rhin, comme on se promène en bateau à vapeur sur les lacs des Alpes, de l'Écosse et de l'Amérique.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Hâtons-nous donc ; partageons avec nos voisins l'héritage de Watt. Les découvertes du génie sont le patrimoine de l'espèce humaine toute entière : la grande famille française y a plus de droits qu'aucune autre, elle qui a produit tant d'hommes de génie. Que les machines à vapeur ne courent pas seulement sur la Seine, de Paris à St-Cloud, pour amuser les oisifs de notre capitale ; qu'elles vivifient nos manufactures, nos mines si riches et si mal exploitées ; que nos ouvriers fassent connaissance avec elles, et raisonnent sur leur construction, comme ils le font chaque jour en Angleterre et en Ecosse ; et nous verrons bientôt les districts les moins populeux de la France, se couvrir d'heureux habitants. La Sologne, les Landes, l'Auvergne, les départements qui manquent de cours d'eau pour leurs fabriques, où de routes pour leurs débouchés, renaîtront à l'industrie ; et nous tirerons quelque parti de l'immortelle découverte, au moyen de laquelle, les Anglais, par le seul, secours des machines actuellement en exercice dans leur pays, ont prouvé qu'ils pourraient remuer les pyramides d'Egypte en moins de cinq heures ! » </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Adolphe Blanqui, « De l’influence des machines à vapeur sur la prosperité publique », </span><span style="font-size: x-small;"><em>Le Producteur, journal de l’industrie, des sciences et des beaux-arts</em>, tome premier, Paris, 1825. </span></div><div style="text-align: right;"><br />
</div>____________________<br />
<span style="font-size: x-small;">(1) On sait que cette force est due à la tension de la vapeur qui cherche à occuper un espace dix-sept cent fois plus considérable que celui de l'eau dont elle émane.</span><br />
<span style="font-size: x-small;">(2) C'est-à-dire, à 120 chevaux travaillant huit heures par jour. </span>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-50020054546069715182011-01-26T11:51:00.000+01:002011-01-26T11:51:44.251+01:00"Les serfs... ne murmurent pas, il semblent résignés à tout ce qui leur arrive" (A. Lestrelin, 1861)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TT_623mG4eI/AAAAAAAAAr0/oZ26rkH2s4g/s1600/Paysans+russes+au+cabaret+1817.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="296" s5="true" src="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TT_623mG4eI/AAAAAAAAAr0/oZ26rkH2s4g/s400/Paysans+russes+au+cabaret+1817.JPG" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Paysans russes au cabaret, aquerelle de Carl Ivanovitch, Saint-Petersbourg, 1817.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Coll. Brown Univ.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">« Les serfs russes sont généralement bons, hospitaliers, soumis envers leurs seigneurs, et malgré les mauvais traitements dont on les accable impunément, ils restent attachés à leurs maîtres. Si parfois ils se révoltent, c'est que leur patience a été mise à de rudes épreuves ; mais avant qu'ils en viennent à une telle extrémité, ils supportent bien des souffrances avec résignation. […] Si nous regardons le revers de la médaille, les serfs sont nonchalants, paresseux, menteurs et enclins à l'ivrognerie. Ils ont les défauts particuliers aux esclaves, qui ne peuvent avoir d'autre volonté que celle de leur maître ; qui doivent toujours ramper devant la force brutale qui en fait des machines industrielles, puisqu'ils n'osent pas se permettre la moindre observation, et qu'ils sont contraints de faire tout ce qu'on leur ordonne.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Les seigneurs accusent généralement leurs paysans d'être voleurs. Certes, ils sont voleurs ; mais, en tous cas, ce sont d'honnêtes voleurs ; car ils ne prennent que des choses de première nécessité : du fourrage pour leur cheval, de l'herbe pour leur vache ou du bois pour se chauffer. Enfin ils ne cherchent à s'approprier que ce qui manque aux besoins de leur pauvre ménage ; jamais ils ne volent d'effets ni d'argent.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">D'ailleurs, ces détournements sont presque toujours commis par des paysans extrêmement malheureux, que poussent à bout toutes les horreurs de la détresse ; car les serfs qui jouissent de quelque aisance, c'est-à-dire qui récoltent assez de blé pour nourrir leur famille et assez de fourrages pour leurs bestiaux, ne se rendent jamais coupables de ces petits larcins. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les vols de chevaux, qui du reste se font rarement en Russie, sont le fait des tsiganes nomades qui parcourent l'intérieur. Aussi leur refuse-t-on toujours la permission de séjourner dans les villages, et lorsqu'on les voit s'installer dans les champs environnants, tous les paysans se tiennent sur leurs gardes ; car il faut dire que, faute de pouvoir voler les chevaux, ces bohémiens dévalisent très adroitement les basses-cours ; mais ils osent rarement s'introduire dans les chaumières et bien moins encore dans les maisons seigneuriales.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">L'hospitalité est une vertu dont les Russes modernes ont hérité de leurs ancêtres. Un serf ne refuse jamais un morceau de pain au pauvre qui lui demande la charité ; il lui accorde même un gîte pour la nuit. On sait que la noblesse, surtout celle de la province, conserve encore ces anciennes habitudes d'hospitalité. Jadis, chaque villageois laissait la porte de sa chaumière ouverte en son absence, et, avant de quitter son logis, il plaçait sur la table un pain et du sel ; de sorte que le voyageur qui se présentait chez lui pouvait se restaurer et se reposer. Mais depuis les guerres de 1812, les soldats qui voyagent isolément sont devenus très-pillards ; aussi les paysans ferment-ils à présent la porte de leur chaumière quand ils s'en éloignent. Néanmoins ils n'ont pas cessé de faire la charité aux pauvres et de donner l'hospitalité aux voyageurs.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le caractère des paysans est généralement mélancolique. Leur gaieté n'est jamais bruyante ; leurs chants sont empreints de tristesse. Dans l'ivresse même leur front ne se déride pas. Peu expansifs de leur nature, les serfs concentrent leur colère; ils ne murmurent pas ; ils semblent résignés à tout ce qui leur arrive. Rien ne les surprend, ne les étonne ; ils doivent obéir : ils obéissent !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le paysan russe est très patient ; il endure de grandes souffrances avant d'avoir l'idée de se venger ; mais du jour où il a pris cette résolution, rien ne l'arrête ! Le <em>knout</em>, l'exil en Sibérie ne sauraient l'effrayer. Pour arriver à son but, il affronterait la mort !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans un village appartenant à un de nos parents, les paysans se sont débarrassés de trois intendants dans l'espace d'une année. Le premier a été noyé dans un étang ; le second a été attaché à l'aile d'un moulin où on l'a laissé tourner jusqu'à ce que mort s'ensuive ; le troisième a été frappé de onze coups de hache. […] Néanmoins, nous affirmons qu'il y a plus d'irréflexion que de méchanceté, plus de stupidité que de cruauté dans leurs actions. Ils se laissent souvent influencer par leurs idées superstitieuses. En voici un exemple :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les popes, en prêchant dans leurs églises, en 1812, une croisade contre les Français, avaient fini par persuader les gens de la campagne que l'armée de Napoléon n'était composée que d'hérétiques.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">— "Ne parlez pas à un Français ! leur disaient-ils ; ce sont tous des diables. Ils ne se signent jamais devant les églises, et ne portent point d'images saintes à leur cou. Vous pouvez les tuer ; ce sont les ennemis de la Russie et de la religion orthodoxe."</div><div style="text-align: justify;">Si cela se prêchait dans les villages au début de cette fatale campagne, on doit se figurer ce qu'on a dû dire en voyant profaner les églises ; car il n'est que trop vrai qu'on ne les a pas respectées. On en a fait des magasins, des ambulances et même des écuries, et ce fut une bien grande faute que d'attaquer les croyances religieuses d'un peuple superstitieux ; car du jour où l'on profana les églises, on s'attira la haine de toute une nation.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Des paysans nous ont raconté à nous-mêmes, qu'excitées par les prêtres, leurs femmes achetaient des prisonniers français aux Cosaques chargés de conduire ces malheureux dans l'intérieur du pays. A cet effet, elles se cotisaient entre elles, marchandaient un Français sur sa bonne mine, et le payaient de 3 à 4 pétaks (le pétak vaut 15 centimes). Alors, le pauvre prisonnier devenait la souris entre les griffes du chat. On jouait avec lui ; puis on le tuait. Il y en avait qu'on jetait dans les puits, d'autres qu'on faisait rôtir dans le four ; quelquefois on les enterrait jusqu'aux épaules et la tête servait de but aux enfants du village qui visaient dessus à coups de pierre. Parfois on leur crevait les yeux, et la foule s'égayait des culbutes que les malheureux faisaient en marchant.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Il est arrivé que des Bretons, des Espagnols et des Italiens ont été préservés de ces affreux supplices parce qu'ils portaient des scapulaires. La présence d'une croix ou d'une médaille de saint faisait cesser ces amusements barbares. Alors le prisonnier échappait à là mort ; on le nourrissait et on le rendait aux premiers Cosaques qui passaient par le village.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Notons que les hommes ne participaient pas toujours à ces cruautés ; évidemment, si ces gens et les prisonniers avaient pu se comprendre, de telles atrocités n'auraient point eu lieu.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Depuis cette époque désastreuse l'intelligence des paysans s'est un peu développée par la force des choses. Bien qu'en dehors du rouage des idées nouvelles, leurs yeux aperçoivent déjà la lumière civilisatrice ; et dans certaines provinces l'émancipation est, en ce moment, l'unique point de mire des paysans.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il y a vingt ans, et même jusqu'à la mort de l'empereur Nicolas, les serfs n'avaient pas d'idée arrêtée sur la liberté. Ce mot magique, commenté par les fortes têtes de l'endroit, se résumait ainsi dans leur pensée : un homme libre est dispensé de tout travail et son seigneur doit le nourrir. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Comme le mot liberté n'était jamais prononcé par leur maître, qui avait intérêt à ne pas les éclairer sur sa signification, ces pauvres encroûtés erraient de conjectures en conjectures, et chacun d'eux se flattait de pouvoir vivre selon ses goûts, sans même songer aux nécessités de la vie matérielle. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">L'histoire nous montre le peuple russe adonné de tout temps à la boisson. D'où lui vient cette habitude dégradante ? Est-ce pour réchauffer ses membres engourdis par un froid excessif ? Est-ce pour trouver dans l'ivresse l'oubli de sa misère et de son esclavage abrutissant ? </div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En regardant déjà loin en arrière, nous voyons qu'Ivan III, fut contraint de donner des lois très-sévères pour mettre un frein à l'ivrognerie des habitants de Moscou et des campagnes. Plus tard, Boris Godounov supprima un grand nombre de cabarets dans la ville de Moscou ; non-seulement on y buvait, mais c'étaient encore des lieux de corruption et de débauches. Les femmes s'y prostituaient pour quelques verres d'eau-de-vie; les enfants de boyards, les strelitz, les cosaques s'y mêlaient au menu-peuple. On y jouait aux dés et aux jeux de hasard ; puis lorsque les têtes s'échauffaient, il était rare que les injures et les coups ne terminassent pas ces rassemblements tumultueux. D'après cela, on peut se figurer ce qui se passait dans les villes de province et dans les villages, où les seigneurs protégeaient ces débits de boissons spiritueuses qui leur rapportaient de grands bénéfices.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Depuis longtemps la couronne s'est appropriée cette branche d'industrie et les seigneurs russes n'ont plus le droit de fabriquer et de vendre de l'eau-de-vie dans leurs villages. Grâce à cette mesure, l'ivrognerie a beaucoup diminue; du reste, les fermiers qui exploitent l'entreprise des eau-de-vie dans tout l'empire, ajoutent une si grande proportion d'eau dans leur alcool, qu'il faut en absorber une forte quantité pour s'enivrer. Aussi les paysans boivent-ils plusieurs grands verres d'eau-de-vie avant qu'elle ne leur porte à la tête. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Ajoutons que les cabarets russes ont quelque chose de repoussant. C'est une pièce sale, infecte, qui n'est pas toujours planchéiée et dans laquelle on ne trouve ni table pour poser son verre, ni banc pour s'asseoir. Les paysans consomment debout, sur une petite planche placée devant un guichet, par lequel le débitant passe sa marchandise en même temps que le consommateur lui remet son argent : donnant, donnant. Et le cabaretier laisse les pratiques s'injurier et se battre tout à leur aise ; voilà où en est la civilisation dans les villages. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il est d'usage que les serfs d'une propriété se marient entre eux, et le seigneur se refuse rarement à ces unions ; mais si un paysan d'un autre domaine vient demander une fille en mariage, on la lui refuse presque toujours ; car c'est une perte pour le seigneur, puisque cette fille a sa valeur intrinsèque et qu'elle appartiendrait dès lors au propriétaire de son mari qui la compterait au nombre de ses esclaves. On voit assez souvent dans les villages des unions maritales entre des garçons de seize ans et des filles de douze à treize ans. L'Église orthodoxe tolère ces mariages tant soit peu asiatiques, et le gouvernement n'y met pas d'obstacle, puisque le marié devient contribuable envers la couronne en sa qualité de chef de maison ; quant au seigneur il y gagne un laboureur de plus.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ces unions-là sont ordinairement arrangées par les parents des jeunes mariés. L'amour n'y est pour rien; l'époux ne cherche pas à faire valoir ses droits à cet âge-là. Au point de vue de la moralité, nous blâmons cet usage, et l'on sera de notre avis, en se rappelant que toute la famille, pêle-mêle et sans distinction de sexe, couche sur la plate-forme du four où la rigueur du froid la contraint à s'entasser pendant l'hiver. Or, il arrive presque toujours que la mariée est la victime des instincts brutaux des parents de son mari, et qu'elle est la femme de tout le monde avant de devenir la sienne.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Disons encore, pour compléter ce tableau scandaleux, que les soldats en cantonnement dorment avec la famille, et qu'ils ne se font aucun scrupule de s'approprier la femme et les tilles des paysans chez lesquels ils logent. Puis, il y a des officiers qui ne dédaignent pas un joli minois; puis encore le seigneur qui peut ordonner et l'intendant que l'on n'ose repousser. Certes, il faut qu'une fille ait la vertu bien chevillée dans le cœur pour rester sage au milieu de la dépravation qui l'entoure dès son enfance ! Pourtant il s'en rencontre ; nous en avons connu qui ont préféré subir des punitions corporelles, plutôt que de céder aux exigences de l'intendant de leur village. En revanche, il y en a qui vendent leurs faveurs 20 centimes ; d'autres qui se donnent quand on leur a fait prendre quelques verres d'eau-de-vie. Et puis, il y en a qui aiment de toutes les forces de leur âme ; mais elles n'ont jamais d'épanchement, de gaieté, ni d'élan. Dans le bonheur comme dans la souffrance, elles sont toujours mélancoliques et tristes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les jeunes garçons sont encore plus apathiques que les filles. Leur regard ne s'anime pas ; leur bouche reste muette auprès d'une femme, fût-elle leur fiancée. Ils sont invariablement flegmatiques et silencieux. Ce qu'il y a de surprenant, c'est qu'après le mariage ils ne sont pas plus dégourdis qu'auparavant; même quand ils se marient à l'âge où un homme comprend l'acte qu'il vient d'accomplir.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En Russie, l'existence des villageois est peu variée. Les dimanches et les jours de fêtes, les jeunes filles se réunissent dans la principale rue du village, forment un cercle en se tenant par la main, et chantent de ces vieilles mélodies de la Petite-Russie, généralement très-monotones. Les garçons ne se mêlent pas volontiers à ces insipides rondes que nulle gaieté ne vient animer.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">[...] …nous ne craignons point de dire que la Russie est un pays triste, tant par son aspect monotone que par le caractère de ses habitants : nous ne parlons pas de la noblesse. Les veillées d'hiver, dans les villages, n'ont aucune animation ; jamais un éclat de rire ne s'y fait entendre. Les femmes n'ont point d'entrain dans leur conversation. Elles filent silencieusement, tandis que les jeui.es filles peignent leur chanvre en chantant sur un ton larmoyant.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et puis la chambre dans laquelle se réunissent les femmes du village est à peine éclairée. La chandelle est un objet de luxe chez tous les paysans ; ils s'éclairent au moyen de petites lattes de sapin. Ces petites lattes, très-minces, s'allument par un bout, tandis que le bout opposé est placé dans une pince en fer fixée au bout d'une espèce de trépied qui est au milieu de la chambre. La latte qui se consume est remplacée par une autre latte, et ainsi de suite. Ce luminaire est peu dispendieux, mais il exige la présence continuelle d'une personne pour l'entretenir.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Non-seulement le paysan est routinier, mais il est superstitieux, comme on a pu s'en convaincre par les détails que nous avons donnés sur son caractère et ses mœurs. Autrefois, quand il voulait se construire une chaumière, il plaçait un morceau de pain dans l'endroit où il avait le projet de l'édifier. Au bout d'un certain temps, il allait voir si les chiens l'avaient mangé ; s'il retrouvait son morceau de pain c'était d'un bon augure : l'emplacement devait lui être favorable. Dans le cas contraire il abandonnait l'endroit, persuadé qu'il lui serait funeste. Pourtant cette vieille superstition a dû céder devant la volonté de l'empereur Alexandre 1er, qui ordonna que les maisons fussent alignées dans tous les villages situés sur les grandes routes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Comme on le voit, il faut avoir une main de fer pour gouverner le peuple russe ; chaque fois que les Tsars veulent faire un pas en avant vers le progrès et la civilisation, ils sont forcés d'user de leur omnipotence pour vaincre les anciens préjugés de leur peuple.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pourtant cette tâche eût été moins difficile si les seigneurs, restés en contact journalier avec leurs serfs, avaient cherché à les éclairer. Mais la noblesse n'a jamais songé qu'à son intérêt personnel, sans s'occuper sérieusement du sort de ses paysans. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Achille Lestrelin, <em>Les paysans russes: leurs usages, mœurs, caractère, religion, </em></span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>superstitions et les droits des nobles sur leurs serfs</em>, Paris, E. Dentu, 1861. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-25181556179521899982011-01-21T17:36:00.000+01:002011-01-21T17:36:52.296+01:00"Notre goût est-il incompatible avec le goût chinois ?" (N. Rondot, 1847)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTm1FaOqyvI/AAAAAAAAArw/6PHwxxKSF3Q/s1600/marchand+chinois+et+sa+femme+%2528Birmanie%252C+1895%2529+British+Library.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="290" s5="true" src="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTm1FaOqyvI/AAAAAAAAArw/6PHwxxKSF3Q/s400/marchand+chinois+et+sa+femme+%2528Birmanie%252C+1895%2529+British+Library.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Marchand chinois photographié avec sa femme </span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">à la fin du XIXe siècle en Birmanie. Coll. British Library.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« L'industrie variée de la ville de Reims, productrice d'étoffes légères, avantageuses de prix et de qualité, avait paru devoir être l'une des favorisées, dans le cas où des débouchés s'ouvriraient à nos importations dans l'extrême Orient. Les faits que nous avons constatés ont confirmé ces prévisions, et les observations que nous avons consignées prouveront la possibilité de placer avec plus ou moins de succès les articles de cette fabrique en Chine et dans les colonies espagnoles, anglaises et hollandaises de l'Archipel indien.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'une des premières conditions de réussite des articles destinés à l'exportation, c'est d'être exécutés dans les manufactures spéciales par des fabricants habitués à produire des étoffes similaires et dont l'expérience est une garantie de succès. Il arrive trop souvent, ou que l'on achète, sans souci des exigences de la consommation étrangère, des tissus établis suivant les goûts et les nécessités de la toilette française, ou que l'on ne se préoccupe nullement des habitudes de travail des ateliers auxquels on confie l'exécution des assortiments. Dans le premier cas, qui est le plus fréquent, on jette sur les marchés des Indes et des Amériques des marchandises qui ne sauraient y convenir, et qui y sont inévitablement rebutées et sacrifiées. Dans le second cas, on arrive à livrer des produits à peu près conformes aux types proposés, mais dont la laine, le montage, le tissage et presque toujours les apprêts laissent à désirer ; de là une cause non moins réelle de dépréciation. Nous avons constaté, dans les colonies françaises, hollandaises et espagnoles des mers de l'Inde et de la Chine, ces regrettables erreurs ; nous ne saurions donc trop conseiller à nos négociants, à ceux qui veulent loyalement remplir les ordres de leurs correspondants ou préparer des expéditions, de s'adresser aux foyers spéciaux des différents genres de lainages, et de ne pas provoquer par leurs commandes des déplacements ou des changements de fabrication. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Sans doute la toilette chinoise ne subit pas comme la nôtre la fantaisie de la mode ; la génération actuelle s'habille à peu près comme celle qui l'a précédée il y a dix siècles, et les traditions nationales, les lois somptuaires, les prescriptions des livres des rites, imposent à toutes les classes la rigoureuse observance des coupes, des couleurs et des ornements des vêtements. On exagère cependant la fixité des habitudes en matière de toilette ; les formes, et non point les étoffes, sont déterminées et consacrées par l'usage ; celles-là sont immuables, mais celles-ci peuvent être changées et varient en effet. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Si la Chine devait rester longtemps encore aussi immuable qu'elle l'a été pendant tant de siècles, il faudrait renoncer à nos espérances ; mais elle a déjà effectué dans ces dernières années quelques modifications dans ses coutumes. Ses affaires avec la Compagnie des Indes l'ont amenée à l'usage de nos étoffes de laine, et un contact continuel avec les étrangers l'habitue à nos produits et tend à les lui faire adopter. Suivant des négociants expérimentés de Canton, la flanelle est destinée à entrer, dans un temps plus ou moins éloigné, dans l'habillement des Chinois du littoral du Sud et du Sud-Est, et sa consommation serait déjà assez importante, si elle n'avait la concurrence de la finette américaine et du molleton de coton japonais. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les Chinois se décideront-ils jamais à adopter dans leurs costumes et dans leurs ameublements les étoffes variées désignées en France par le nom un peu ambitieux de <em>nouveautés</em> ? Accepteront-ils nos dessins et nos combinaisons de nuances ? En un mot, notre goût est-il incompatible avec le goût chinois ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">S'il ne s'agissait ici que de satisfaire à un mouvement de curiosité, nous nous abstiendrions de toute recherche ; mais la question que nous posons a un caractère et un but essentiellement pratiques ; elle veut donc une solution, que nous avons essayé de trouver.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Les dessins qui couvrent ou constituent les tissus de Reims peuvent se diviser en quatre classes : 1° les rayures droites, diagonales ou flexueuses, les côtes-lignes, les carreaux à filets simples et les damiers ; 2° les dispositions quadrillées et écossaises variées à l'infini; 3° les mouchetés, les treillis lins et légers, les semis de fleurettes, de pois et de croisettes, etc. ; 4° enfin, les ramages, les fleurs, les lianes et tous les sujets à fond couvert.</div><br />
<div style="text-align: justify;">De ces genres, celui dont l'adoption a été la plus générale chez nous est sans contredit l'écossais ; il semble que l'on ait épuisé, pour obtenir des effets nouveaux, toutes les combinaisons possibles de ligues, de rayures et de carreaux, et on les a diversifiés par des ombrés, des diversions de tissu, des jaspures et des oppositions de couleurs souvent originales. Que ce travail fût appliqué à des <em>coatings</em>, à des mérinos ou à des mousselines, peu importait aux Chinois ; ils le regardaient à peine, et plus d'une fois des marchands de Canton offrirent pour certaines tartanelles un prix avantageux, à la condition qu'elles ne seraient pas couvertes de quadrillés écossais. La vente de tout article façonné de la sorte est réellement impossible. […] Quelques Chinois éclairés, qui se rendent familiers les usages et les goûts européens, ont pensé à adopter pour les ameublements celles des dispositions qui leur plaisaient le plus. Ils avaient choisi, parmi les échantillons, des écossais qui devaient être affectés à une double destination ; les uns, en tartan léger, auraient recouvert des coussins de sièges ; la répétition de 40 centimètres au carré environ devait être entourée d'une double bande à filet qui eût servi de bordure; les autres, en mérinos ordinaire, étaient pour tentures et fichus de tête ; ces derniers devaient imiter les mouchoirs <em>hong-ki-poun</em> fabriqués dans les environs de Canton.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Les rayures et les damiers n'ont pas eu plus de succès que les écossais, et, à Canton comme à Chang-Hai, on a manifesté pour eux une antipathie singulière. On les a partout rejetés ; il a suffi de la présence d'une côte-ligne dans une disposition pour amener la dépréciation d'articles d'ailleurs excellents. Cette répulsion a d'autant plus lieu d'étonner que les Chinois fabriquent eux-mêmes des étoffes en coton à carreaux grands et petits et à mille raies quadrillées. Ils n'aiment pas non plus les fonds unis mouchetés, résiliés de linéoles, finement zébrés, guillochés ou semés de pois, de fleurettes, etc. Ce qu'ils recherchent, ce sont les ramages, les enlacements de feuilles et de fleurs, les dessins qui se rapprochent de ces arabesques particulières à la Chine et qu'il serait plus juste d'appeler des <em>chinesques</em>. […]</div><br />
<div style="text-align: justify;">Nous avons déjà établi qu'en Chine les formes seules des vêtements sont strictement maintenues ; elles sont, en effet, imposées par la loi civile, motivées et consacrées par les souvenirs historiques. La nature des étoffes a varié, les couleurs traditionnelles ont été altérées ; enfin, à l'exception des insignes et des sujets symboliques, les dessins et les ornements ont été modifiés. Le goût n'est donc pas immuable en Chine, chaque jour il y devient moins exclusif ; les ramages des mousselines lancées de Saint-Quentin, les bouquets des indiennes perses d'Alsace, les arabesques et les fleurs des damas et des vénitiennes de Rouen et de Roubaix ont obtenu les éloges des Chinois. On sait que les négociants américains, habiles à profiter du bas prix de la main-d'œuvre et de la soie en Chine, y font exécuter, d'après les dessins de Lyon et de Paris, les soieries destinées à la vente de l'Amérique du Sud et des Etats-Unis. Nous avons constaté que la plupart de ces dessins ont été adoptés par les fabricants chinois et sont aujourd'hui tout à fait naturalisés. […]</div><br />
<div style="text-align: justify;">Reims ne produit pour hommes, en étoffes de fantaisie, que des tartans pour habillements du matin ou doublures de manteaux, diverses armures légèrement drapées pour pantalons, des circassiennes et des mérinos doubles pour vêtements d'été, des duvets, des cachemires et des salins pour gilets, des napolitaines imprimées et des mérinos écossais pour cravates d'hiver, etc. Pas un seul de ces articles ne peut s'appliquer au costume des Chinois.</div><br />
<div style="text-align: justify;">Ce costume se compose de quatre pièces principales : le <em>pô</em>, espèce de <em>chéong-cham</em>, est une longue robe flottante qui se boutonne sur le côté, descend presque jusque sur le coude-pied, et dont les deux pans de devant et de derrière sont distingués par deux fentes fermées par de petits boutons ronds en cuivre estampé. Les manches sont amples et longues, mais les parements se retroussent et le pli formé par leur rabattement est maintenu par un bouton. Le collet, ordinairement rapporté, est en drap lin ou en soierie bleu-ciel. Le <em>pô </em>est le vêtement que portent les marchands dans leurs boutiques, les négociants dans leurs <em>hongs</em> et les dignitaires dans leurs appartements ; c'est la tenue habituelle, le costume de travail et d'intérieur. […] Le <em>ma-koua</em> est un surtout, une sorte de pèlerine à manches amples, qui se boutonne par devant et descend jusqu'à la ceinture. […] Le <em>taï-koua</em> est aussi un surtout, une pelisse, presque un paletot ; il descend jusqu'aux genoux, a de larges manches terminées en forme de sabot de cheval, et relevées, quand on est dans l'intérieur, pour ne pas gêner les mouvements des mains. Cet habillement est porté ordinairement par les dignitaires ; les négociants et les bourgeois ne s'en révèlent que les jours de fête et de cérémonie. […] </div><br />
<div style="text-align: justify;">Telles sont les quatre pièces principales du costume chinois : la première est de couleur grise ou bleue (bleu clair et gentiane); la deuxième, bleu mazarin ou fleur de pensée, et la troisième, le <em>taï-koua</em>, est bleu foncé pourpré, pensée ou grenat riche. Les doublures sont de préférence en satin ou en damas bleu ciel. Les nuances des culottes sont variées à l'infini. Comme cette partie du vêtement n'est souvent pas visible, les Chinois en choisissent la couleur suivant leur fantaisie ; il y en a en vert-pomme, en rosé, en mordoré, en bleu ciel, en jaune paille, en solitaire, et beaucoup en vert-doré.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ces détails prouvent l'impossibilité d'appliquer au costume des Chinois des classes supérieures et moyennes les articles de nouveauté de Reims : quant aux gens du peuple, coolies, artisans, bateliers, tisserands, trop pauvres pour acheter des lainages, ils ne consomment que des (issus de coton ; et au fur et à mesure que la brise fraîchit, que le froid devient plus rigoureux, ils se contentent de multiplier sur eux le nombre de casaques de cotonnade bleue, blanche ou brune, ou d'en endosser une ou deux ouatées de coton bombax. […] </div><br />
<div style="text-align: justify;">Le costume des femmes du Céleste Empire diffère en tous points, nous l'avons dit plus haut, de celui des Européennes. Les vêtements sont montants et fermés, et les surtouts de soie, légers l'été, ouatés l'hiver, remplacent avec avantage les fichus et les châles ; l'usage de ceux-ci est inconnu et il ne faut pas espérer en donner le goût aux Chinoises. Quant aux cravates, les dames de distinction portent au cou, nouée négligemment et pendante jusqu'aux genoux, une longue et large bande roulée en soierie souple et légère, ordinairement fond blanc avec des lignes ponceau quadrillées, et garnie aux deux extrémités de bordures brochées. On pourrait leur présenter en lainage des dispositions semblables qui plairaient également. Les châles de Reims, pour la plupart, ne conviennent pas pour la Chine, au moins en vue de l'usage auquel ils sont ordinairement consacrés. »</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Natalis Rondot</strong>*, « Rapport à la Chambre de commerce de Reims », </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>Etude pratique des tissus de laine convenables pour la Chine, </em></span><span style="font-size: x-small;"><em>le Japon, </em></span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>la Cochinchine et l’archipel indien,</em> Paris, Chez Guillaumin & Cie, 1847. </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><br />
</span></div>____________ <br />
<div style="text-align: justify;"><span style="font-family: "Trebuchet MS", sans-serif;"><span style="font-size: x-small;">* Natalis Rondot (1821-1902) : </span> <span style="font-size: x-small;">économiste, industriel du textile, il est attaché en mission extraordinaire à l'ambassade française en Chine, afin de négocier des traités de commerce en Asie extrême-orientale. </span></span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-73672940997873378182011-01-21T10:25:00.000+01:002011-01-21T10:25:48.618+01:00"La France est la seule puissance... qui n'ait aucune possession dans l'extrême Orient" (P. Douhaire, 1857)<div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: left;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTlNxj_6TOI/AAAAAAAAArs/rxNdPBrQ1go/s1600/Map+indochine.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" s5="true" src="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTlNxj_6TOI/AAAAAAAAArs/rxNdPBrQ1go/s320/Map+indochine.jpg" width="257" /></a><span style="font-size: x-small;"></span></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: left;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: left;"><span style="font-size: x-small;">John Arrowsmith, <em>The London Atlas of Universal Geography</em>, </span><span style="font-size: x-small;">London, 1842, David Rumsey Historical Map Collection.</span></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">« Au moment où l'extrême Asie, impuissante à maintenir son isolement séculaire, a cessé d'être impénétrable, où la Chine voit sa politique ébranlée au dedans par l'insurrection, menacée au dehors par une expédition a laquelle nous prenons part, le souverain de l'empire annamite dont la dynastie doit à la France son trône se déclare l'ennemi de l'Europe et du nom français, affiche son mépris pour nous, repousse nos navires, verse à grands flots le sang de nos missionnaires, et vient de nous jeter pour défi la tête d'un évêque.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Depuis soixante-dix ans ce pays répond à nos bienfaits par des outrages ou par des crimes. Notre longanimité sert d'encouragement à une insolence, tour à tour hypocrite ou sanguinaire, que la force seule peut réprimer par un châtiment trop différé et trop mérité. <em>"Les Français aboient comme des chiens et fuient comme des chèvres."</em> C'est par cette phrase, devenue proverbiale, que l'ingrate dynastie de Gia Laong caractérise nos bontés et brave nos représailles. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En septembre 1856, M. de Montigny, chargé par le gouvernement français de négocier un traité avec l'empire annamite, fit porter à Touranne une lettre par le Catinat, commandé par M. Lelieur de Ville-sur-Arce. Les mandarins de Touranne et ceux d'Hué, la métropole, refusèrent de la recevoir. Ils se portèrent sur le rivage avec mille démonstrations de haine et de mépris. En même temps les batteries de Touranne se garnirent d'artilleurs et se préparèrent à ouvrir leur feu contre les Français. Le commandant Lelieur se contenta de faire débarquer une compagnie d'infanterie qui pénétra dans le fort, encloua soixante pièces, noya la poudre ; les mandarins vinrent alors Caire d'humbles excuses ; ils les ont renouvelées au capitaine Collier, arrivé sur la Capricieuse. Ils ont reconnu l'insolence inouïe de leurs actes et ont humblement demandé pardon au grand empereur des Français. La lettre, précédemment refusée, fut acceptée avec respect et transportée pompeusement à la capitale.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Le Moniteur de la Flotte</em>, en rendant compte de ces faits, ajoutait ces mots : <em>“nos relations avec les Cochinchinois sont maintenant des meilleures, et notre influence ici n'a plus rien à désirer. Nos pauvres missionnaires en profiteront, car on n'osera plus les maltraiter si facilement à l'avenir.” </em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, selon le proverbe oriental, les mandarins n'ont fait que baiser ta main qu'ils ne pouvaient couper. Leur humiliation accrut leur fureur. A peine les pavillons français s'étaient-ils éloignés, que, comme dans des occasions précédentes, la réaction s'opéra violente. Enfin, à cette heure dernière, la nouvelle du martyre d'un évoque dominicain, monseigneur Diaz, vicaire apostolique du Tonkin central, décapité le 20 juillet dernier, à Nan-Ting, vient, en quelque sorte, sommer l'Europe de mettre un terme a cette longue série d'attentats commis contre tout ce qui vient d'elle.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La France surtout est mise en demeure d'agir. Ses missionnaires, massacrés par centaines, son pavillon plusieurs fois insulté, les répressions restées sans effets, comme de vaines démonstrations ; les commerçants vexés ou chassés ; toutes les promesses violées par des redoublements de persécution dont six cent mille chrétiens sont victimes; un traité solennel déchiré : voilà les remerciements de la dynastie annamite envers la nation qui la replaçait sur son trône par la main d'un évêque, en 1787. Tels sont les droits, tels sont les griefs de la France. Son devoir parle assez haut. L'heure est venue d'intervenir. Mais dans quelle mesure, par quels moyens?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Disons-le tout d'abord sans hésiter. Si les faits que nous avons exposés contiennent une leçon, c'est qu'une demi-mesure, une promenade militaire, un bombardement, une occupation incomplète, resteront absolument sans effet, ou plutôt auront pour effet certain d'amener, après de menteuses promesses, un redoublement de persécution. Ou bien ne faisons rien, laissons un des derniers peuples du monde tromper, insulter, frapper la France; ou bien, ayons la résolution, comme nous en avons la force et le courage, d'accomplir une <em>conquête</em>. Notre honneur ne parlerait pas, que notre intérêt politique nous commanderait impérieusement cette conduite.[…] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La France est la seule puissance maritime importante qui n'ait aucune possession dans l'extrême Orient. Les Russes ont au nord le Kamchatka et toute la côte de la Sibérie qui borde la mer d’Okhotsk. Ils viennent de reprendre une partie de la Mandchourie et de s'emparer de tout le cours de l'Amour. Ce fleuve immense, dont les eaux descendent de l'Altaï, dont le cours est de plus de huit cents lieues, et qui peut être remonté à une grande distance par les navires du plus fort tonnage, met en communication toute la Sibérie avec la mer de Tartarie. La politique russe convoitait depuis longtemps ce débouché précieux pour son commerce. Pierre le Grand s'en était emparé, Catherine avait été obligée d'y renoncer. Au milieu des préoccupations de la guerre de Crimée, le czar n'a pas hésité à s'en ressaisir. Cette facile conquête a porté immédiatement ses fruits ; elle a offert aux frégates russes un abri contre les forces combinées de la France et de l'Angleterre. Cet abri a été si sûr, que, malgré leur supériorité, les marines alliées ont dû renoncer a toute tentative d'attaque. Ceux-là seuls qui ont visité la partie méridionale de la Sibérie et chez lesquels se sont dissipées les idées fausses que nous nous en faisons peuvent juger de l'avenir de cet établissement.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Aux Philippines nous trouvons les Espagnols. Du jour où un peu de calme se rétablira dans la mère-patrie la marine espagnole reprendra le rang qu'elle doit occuper, et des flottes entières peuvent s'abriter dans l'immense rade de Manille et commander les mers de Chine.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les Hollandais, avec leur persévérance inflexible, ont fait de Java la plus belle des colonies du monde. Leur marine militaire, nombreuse et bien armée, fait la police de toute la Malaisie. Ils dominent surtout un immense archipel; et les derniers journaux nous apprennent qu'ils vont ajoutera ces possessions la Nouvelle-Guinée, terre à elle seule plus grande que les Iles Britanniques.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Faut-il parler de l'Angleterre ? Tout le monde sait assez ce qu'est sa marche envahissante. Les routes de l'Inde et de la Chine lui appartiennent. Une insurrection peut bien avoir éclaté dans une partie de son immense empire; mais qui connaît l'énergie persévérante du peuple anglais ne peut douter qu'elle ne soit bientôt comprimée. Nous voyons chaque jour la Grande-Bretagne accroître ses possessions. […] Pour les Américains, la colonisation de la Californie et de l'Orégon, la possession morale des îles Sandwich, augmentent chaque jour leurs intérêts dans les affaires de l'extrême Orient. Ils ont résolu de se faire ouvrir les portes du Japon et viennent de conclure un traité avec cet empire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les Portugais eux-mêmes, malgré leur décadence complète, possèdent encore Macao, et nous, qui nous prétendons la première puissance maritime après l'Angleterre, et qui même supportons cette infériorité avec quelque peine, nous n'avons rien, absolument rien.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous entretenons une station dans ces mers. C'est sur elle que s'appuie notre influence. Mais que la guerre maritime éclate demain, que deviendraient les navires qui en font partie ? où peuvent-ils s'abriter, se ravitailler, trouver des vivres et des munitions ? Nulle part, et leur position devient précaire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Depuis la transformation de notre marine, un établissement de ce genre devient plus indispensable encore. Il est peu de navires de guerre qui ne soient pourvus aujourd'hui de moteurs mécaniques. Dans quelques années, grâce aux mesures prises, il n'y en aura plus un seul. Mais un navire a vapeur ne peut porter avec lui qu'un petit approvisionnement de combustible, et cet approvisionnement est d'autant plus restreint que la machine est plus forte et donne plus de puissance au navire. Le charbon est peut-être maintenant plus nécessaire à la guerre maritime que la poudre. Un navire doit toujours avoir à sa portée un lieu où ses soutes vides puissent être remplies ; sans cela, il n'est plus, au bout de peu de temps, qu'un mauvais bâtiment à voiles, proie facile offerte aux croiseurs mieux approvisionnés de l'ennemi.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il faut donc renoncer à faire flotter notre pavillon dans ces parages, si nous ne voulons pas y créer d'établissement maritime. Par suite, il faut renoncer aussi à toute influence, a toutes nos anciennes traditions politiques, à la défense de nos nationaux et de notre commerce, abandonner ce noble rôle de protecteur de tous les intérêts religieux, qui est évidemment la mission de notre patrie. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'importance d'un établissement serait peut-être plus grande encore au point de vue commercial. […] … les montagnes [sont] couvertes de forêts superbes. Elles fournissent les bois de rose, de fer, d'ébène, de sapan, le santal, surtout le bois d'aigle et le calambac, qui se vendent en Chine au poids de l'or. <em>"Les trois provinces qui constituent la haute Cochinchine possèdent, au pied de ces montagnes, d'abondantes mines de zinc, de cuivre, en exploitation. C'est de là qu'on tire la quantité considérable de zinc versé dans la circulation sous forme de monnaie. Les mines d'or, d'argent et de cuivre du Phu-yen méritent une mention particulière ; mais les produits qu'on en retire vont grossir le trésor amassé par l'empereur dans les caves de son palais"</em> (Itier, <em>Voyage en Chine</em>, IIIe vol., p. 113).</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il ne faut pas oublier non plus les mines de cuivre blanc et de cuivre rouge qui sont dans les environs de Saigon, dans la province du Quang-nam et dans celle de Quang-diu ou de Hué. Dans des mains plus habiles, ces mines seraient d'un grand revenu.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>"Les plaines, souvent inondées à l'époque des pluies, produisent une immense quantité de riz dont on fait double récolte, et ne coûte pas un sou la livre. On y trouve encore du maïs, du millet, plusieurs espèces de lèves et de citrouilles, tous les fruits de l'Inde et de la Chine, une grande quantité de cannes a sucre, des noix d'arec, des feuilles de bétel, du coton, de la soie de bonne qualité et de l'indigo.</em> […] <em>Le thé de la Cochinchine serait excellent si la récolte en était mieux soignée, et la plante nommée dinaxany ou l’indigo vert ferait à elle seule la fortune d'une colonie."</em> (Malte-Brun, <em>Géographie universelle</em>, t. V, p. 380)</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Est-il sous les tropiques un pays qui possède à lui seul une plus grande variété de richesses? On a envie, ce me semble, de finir, comme le père Alexandre de Rhodes, un des premiers voyageurs en Cochinchine, qui terminait une énumération semblable en s'écriant : <em>"Et dîtes que ce n'est pas un bon pays !" </em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">N'avons-nous pas intérêt à développer toutes les ressources de ce bon pays, surtout en considérant que, pour presque toutes les denrées que la nature y prodigue, nous sommes en général tributaires de l'étranger.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En 1856, une valeur de 22 millions de francs de riz a été achetée par nous dans l'Inde, et le commerce de celte substance alimentaire a créé l'importance d'Akiab dans le Birman, port qui n'était rien il y a quelques années. Nous achetons à l'Hindoustan pour 19,600,000 francs d'indigo, que la Cochinchine fournirait tout aussi bien et à tout aussi bon compte.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Notre production de soie, même dans les années les plus prospères, n'a jamais suffi aux besoins de notre fabrique. C'est au Levant, à l'Italie et à l'Inde que nous en avons toujours demandé le complément. Mais, dans ces derniers temps, la maladie des vers, l'anéantissement d'une partie des récoltes, nous a forcés a nous adresser a la Chine. Nos navires ont apporté à Marseille les soies grèges chargées à Shang Hai et payées non-seulement en numéraire, mais en argent seulement, parce que les Chinois ne veulent pas de la monnaie d'or. Ces achats considérables figurent au nombre des causes principales assignées à la disparition de l'argent monnayé. Ne serait-il pas de la plus extrême importance d'avoir à notre disposition un pays produisant en grande masse l'élément indispensable de l'une de nos premières industries ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce qui est vrai de la soie l'est peut-être plus encore du coton. Ce sont les Etats-Unis presque exclusivement qui alimentent maintenant notre marché ; mais chacun sent l'intérêt qu'il y a pour nos filatures à ne pas dépendre uniquement de l'Amérique. On espère que plus tard l'Algérie pourra les approvisionner en partie; mais le climat de notre possession d'Afrique est moins favorable au coton que celui des tropiques, et il se passera longtemps avant que la main-d'œuvre y soit à un prix qui permette la concurrence. Les Anglais, pour se délivrer du joug commercial que l'Amérique leur impose, font de grands efforts pour développer la culture du coton dans l'Inde. Que l'insurrection se calme, et ils redoubleront ces efforts. La Cochinchine produit le coton comme l'Hindoustan; qu'elle soit française, et elle nous fournira bien vite une grande partie de ce que réclament les fabriques de Rouen et de Mulhouse. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, pour toutes les cultures coloniales, il est une question maintenant qui domine toutes les autres : c'est celle des travailleurs. Qu'on puisse se procurer des bras a bon marché, et il est peu de points de la zone torride où l'on ne soit assuré de réussir. Nous en avons une preuve convaincante dans ce qui se passe à Bourbon et à nos Antilles. […] Le Cochinchinois, plus doux que le Malais, moins apathique que le Tagal, ne demande aussi qu'à travailler. La journée d'un laboureur annamite se paye 25 centimes, celle d'un engagé indien, à Bourbon, représente environ 1 fr. 40. La Cochinchine proprement dite et le Cambodge cochinchinois sont moins peuplés que le Tonkin, qui renferme quinze millions d'habitants, et dont les gros villages de deux à trois mille âmes se touchent.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les bras ne feront donc jamais défaut ; mais, en fût il ainsi, l'empire d'Annam fût-il complètement inhabité, il trouverait toutes les ressources nécessaires à son développement dans le voisinage de la Chine, où la population surabonde, où l'infanticide est journalier, où souvent des milliers d’hommes meurent de faim, faute de travail. On sait avec quelle facilité les Chinois émigrent. Les Espagnols de Cuba trouvent avantage à les faire venir à grands frais pour leurs plantations. En Cochinchine, plus du tiers de ces frais serait évité, on n'aurait pas de transport à payer. Les Chinois viendraient sur leurs propres jonques, comme ils y viennent déjà, comme ils vont à Manille, Singapour et Batavia. Ils travailleraient à la tâche, comme ils en ont l'habitude et le goût; ils feraient comme à Singapour, fondé seulement en 1819, et à Penang où, en quelques années, ils ont fait disparaître la plus grande partie des forêts vierges, et créé par leur travail la richesse de ces deux iles aujourd'hui si florissantes. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ajoutons qu[e la Cochinchine] a par sa position de nombreux débouchés autres que le marché français, car tous ces pays qui bordent l'océan Pacifique commencent ii s'ouvrir à la civilisation et ont de nouveaux besoins qui doivent être satisfaits. Le Céleste Empire, en ce moment, consomme la plus grande partie du sucre cochinchinois. Cette production est peu de chose actuellement ; mais qu'elle se développe, et la Chine, qui ne peut rester éternellement fermée, en prendra davantage encore. Il est à croire que la Sibérie, par l'Amour, la Californie et l'Oregon qui se peuplent avec tant de promptitude ; le Chili, seul Etat prospère de ce côté de l'Amérique du Sud, achèteront aisément ce qu'elle pourrait fournir. L'émigration anglaise, si activement conduite, transforme rapidement l'Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande. L'île Maurice, qui produit maintenant immensément plus qu'elle ne le faisait autrefois, n'envoie plus en Europe qu'une petite partie de ses produits : elle expédie principalement dans ces nouvelles colonies. La Cochinchine est pour cela au moins aussi bien placée. Elle a, ce qui passe en première ligne dans toute cette question industrielle ou commerciale, des consommateurs assurés pour ses produits. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">P. Douhaire, « Les droits et les devoirs de la France en Cochinchine », </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>Le Correspondant</em>, t. 42, Paris, Charles Douniol, 1857. </span></div><div style="text-align: right;"><br />
</div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-34848066761626153892011-01-20T10:00:00.001+01:002011-01-20T10:07:51.394+01:00"On mûrit vite par les révolutions" (E. Loudun, 1848)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTf4tJFirDI/AAAAAAAAAro/mroFQMwYhfo/s1600/1848%252C+acquerelle+de+Dell%2527Acqua%252C+Cesare+%25281850%2529.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="317" s5="true" src="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTf4tJFirDI/AAAAAAAAAro/mroFQMwYhfo/s400/1848%252C+acquerelle+de+Dell%2527Acqua%252C+Cesare+%25281850%2529.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><em>La Révolution française de 1848</em>, aquarelle de Cesare Dell'Acqua (1821-1905).</span></div><div style="text-align: center;"></div><div style="text-align: center;"><span style="color: #b45f06; font-family: Arial, Helvetica, sans-serif;">La première partie de l'article d'Eugène Loudun est à retrouver en cliquant sur le lien suivant :</span></div><div style="text-align: center;"></div><div style="text-align: center;"><a href="http://aimable-faubourien.blogspot.com/2011/01/ce-que-certaines-gens-redoutent-cest-la.html">http://aimable-faubourien.blogspot.com/2011/01/ce-que-certaines-gens-redoutent-cest-la.html</a></div><div style="text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">« </span>La province, il faut l'avouer, n'était pas préparée à la République : bien plus, elle en avait peur. Le mot de république ne lui représentait que la Terreur ; la République, c'était le sang et l'échafaud. Aujourd'hui, elle ne doit plus craindre ; mais on ne change pas tout aussitôt, et elle n'est pas, pour employer l'expression révolutionnaire, à la hauteur de Paris. On parle d'idées fédéralistes qui se prononceraient dans quelques départements ; si l'on entend que la province songe à scinder en Etats indépendants comme ceux d'Amérique, unis par un lien fédéral, il y a exagération. Ce qui émeut la province, et ce qu'elle veut au moins modifier, c'est la centralisation excessive, et tous les bons esprits sont d'accord avec elle. La province n'est plus ce qu'elle était il y a vingt ans : la facilité et la rapidité des communications, les voyages répétés à Paris, les courants des idées ont changé l'esprit provincial. Il n'est plus aussi routinier, il n'est plus apathique ; il se permet de juger et de censurer, et il nous juge sévèrement. Plusieurs rédacteurs en chef de journaux de province viennent d'être placés dans de hauts emplois à Paris ; c'est la preuve de son influence. Les départements ne veulent pas qu'un million d'hommes dirige complètement et toujours trente-six millions d'hommes, qu'il suffise d'un signe de la tête pour que tout le corps obéisse, et qu'un soudain mouvement de la capitale impose sa volonté à la France entière. On ne le veut pas davantage à Paris ; il n'y aura pas de fédéralisme ; elle ne sera pas détruite cette magnifique unité de la France qui nous a coûté tant de siècles, tant d'argent et tant de sang, et par laquelle nous sommes la première nation du monde ! Ce qui sera changé, c'est le système administratif ; on brisera le réseau à millions de fils des ordonnances, des arrêtés, des circulaires et des rapports qui enchaînait la province, qui arrêtait toute action, qui faisait qu'un pont ne pouvait établir une communication entre deux villes sans que tous les commis de dix bureaux eussent examiné, pesé, contrôlé, raturé, et gardé des mois entiers l'arrêté ministériel qui devait donner le mouvement et la vie à toute une population. La province n'a rien à craindre de ce côté ; la capitale l'aidera ; et, s'il était nécessaire, les députés des départements ne seraient-ils pas unanimes pour reconquérir leurs droits ?</div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais où le danger pourrait commencer, ce serait si, les élections générales étant retardées, l'ardeur magnanime qui plane sur la France allait s'amoindrir, si les intérêts mesquins qui se tassent et se rencoignent au fond des provinces, les petites personnalités des petites villes impatientes de se produire à la tribune pour être écoutées de l'univers, les ambitieux longtemps contenus et pâles d'envie, les intelligences retirées dans d'étroites spécialités, et fortes du despotisme de leurs théories, venaient à l'emporter sur de larges et généreux esprits, et arrivaient à l'Assemblée avec leurs sourdes rivalités et leurs amitiés plus dangereuses encore. Ils seraient transplantés tout d'un coup d'un sol maigre et d'un climat attiédi dans une terre brûlante et un air enflammé comme celui des tropiques ; quelques-uns, d'une nature vigoureuse, se reconnaîtraient immédiatement dans le milieu qui est propre à leur activité et à leurs nobles pensées ; mais les corps amoindris, en qui l'ardent soleil ne fait pas courir le sang plus vite, s'ils accueillaient par la froide et implacable raillerie des petites coteries le bel élan qui nous emporte, s'ils résistaient, et voulaient arrêter par leur impassibilité, ne seraient-ils pas la cause des colères et des tempêtes ? ne serait-il pas possible que les séances de l'Assemblée nationale ne devinssent des luttes où le peuple viendrait prendre sa part ? ne verrait-on pas se renouveler les invasions des hordes armées dans la Convention, et ne gouvernerait-on pas par des accès de fièvre, et à coups d'émeutes et de pavés ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ces craintes heureusement ne sont encore que des doutes, et nous ne les avons abordées que parce que nous avons voulu dire toute la vérité. Nous avons de justes et fortes raisons de croire qu'elles seront vaines ; on mûrit vite par les révolutions, et déjà peut-être les intérêts des petites villes rentrent dans l’ombre, et un noble tressaillement de la France annonce l'unanimité de préoccupations généreuses.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous ne sommes donc pas effrayé de ces occasions de trouble ; les idées qui ont pénétré la masse, et qui forment le fond de notre caractère, voilà les maux qui doivent appeler la réflexion des esprits sérieux, et unir tous les hommes de conviction, de patriotisme et d'enthousiasme, pour les combattre et les vaincre : c'est la corruption que le gouvernement déchu nous a apprise, et à laquelle il nous a habitués pendant dix-huit ans, et dont les racines ont atteint tant de cœurs nés avec les instincts du dévouement.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La république, a dit M. de Chateaubriand, est le meilleur des gouvernements quand le peuple a des mœurs ; le pire, quand il n'en a pas. Il ne faut pas croire que, parce que nous avons fait une révolution, nous ayons détruit la corruption ; elle existe non en profondeur, mais en étendue. Ils sont nombreux ceux qui avaient recueilli une oreille avide ces paroles d'un ministre de Louis-Philippe : <em>Enrichissez-vous !</em> et celles-ci d'un autre homme, âme de ses conseils, M. Dupin : <em>Chacun chez soi, chacun pour soi ! </em>Ils vivent encore ces pères qui lançaient leurs enfants dans la vie en leur disant : <em>Va faire-fortune !</em> Et on en a eu une preuve évidente par la curée éhontée à laquelle tant de gens se sont précipités dès le lendemain de la victoire. Mais, sans vouloir exciter les haines et aduler le peuple, avouons-le, cette cupidité, elle est attachée surtout à la peau de la classe moyenne ; c'est la bourgeoisie qui est le plus réellement corrompue, c'est elle qui s'est élancée vers le pouvoir et qui crie avec le plus d'ardeur : <em>Vive la République !</em> Ce sont ceux-là dont il faut se garder, soit qu'ils enseignent la jeunesse au coin du foyer dans la famille, soit qu'ils prêchent hautement et publiquement à la face du peuple; ils n'emploieront plus les mêmes paroles et les mêmes moyens ; ils flatteront le peuple, mais ce seront les mêmes qui flatteraient les rois. Notre littérature, depuis quinze ans, était bien, selon le mot d'un penseur, l'expression de la société ; la plupart des hommes qui ont acquis une réputation littéraire l'ont gagnée parce qu'ils caressaient les inclinations sordides et les passions avilissantes ; ils ne songeaient pas à instruire, ils voulaient plaire ; on peut trouver dans leurs livres toutes les maximes des tyrans et les règles de corruption, qu'ils présentaient comme les moyens les plus naturels de gouverner. Ils expliquaient tout, ils excusaient tout, parce qu'ils excusaient ainsi leurs vices.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La masse de la nation, heureusement, n'est pas encore gangrenée de ces maximes désolantes ; le peuple n'a point été semblable à ces eaux souterraines qui sourdent à travers les couches inférieures, et qui pénètrent à des distances infinies; comme un violent torrent arrêté un moment, il a débordé furieux, irrésistible ; il a forcé l'obstacle, puis il est rentré paisiblement dans son lit, et il roule puissant et majestueux à travers ses bords escarpés. Cette révolution, d'ailleurs, si forte, si spontanée, a été le soudain réveil de la dignité humaine trop longtemps violentée. Retenus sous la montagne comme le Titan de la fable par trois cents chaînes d'airain, nous nous raidissions contre le poids qui nous accablait ; nous nous sommes redressés enfin, nous avons fait voler en éclats les premières couches qui enserraient le volcan, et nous voilà prêts pour les grandes actions et les grandes vertus. Cette révolution aura changé en un moment bien des âmes ; elle aura été le coup de foudre qui terrassa Saul sur le chemin de Damas ; il se releva purifié, illuminé, et il partit pour la conquête du monde au nom du Christ et de la liberté.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous lutterons donc avec la corruption et, espérons-le, nous en triompherons. En sera-t-il de même d'une idée qui plaît à l'esprit par une spécieuse apparence de justice, l'idée d'une égalité complète, illimitée ? Notre société est fondée sur le droit populaire, sur le principe de liberté ; mais, dans l'ignorance de la distinction des droits et des devoirs, quelques-uns ont cru que la liberté c'était l'égalité : erreur de grands esprits du siècle dernier ! Autant la liberté est naturelle à l'homme, autant lui est impropre l'égalité ; si Dieu avait créé l'égalité, il aurait créé l'unité, et le monde eût été Dieu ! Aussi le principe de l'égalité est-il de l'école des panthéistes. Il va apparaître , et des clubs retentissent déjà de leurs doctrines, des hommes qui, pendant quinze ans, ont rêvé dans la privation, le malheur ou les prisons, de chimériques institutions, qui trouvent que nous ne faisons rien encore, qui apportent les fumées d'une imagination sans cesse appliquée à un même objet, et qui en demandent la réalisation impossible. On périt vite parles excès, et les excès arrivent vite en révolution. Ce sera la tâche du peuple et du gouvernement à la fois de découvrir et de montrer les excès et l'injustice de ces prétentions isolées ; ce sera au bon sens du peuple de comprendre qu'il dira une vérité celui qui, ne s'aveuglant pas dans l'orgueil de ses systèmes, reconnaîtra qu'il n'est point l'égal des plus âgés, des plus intelligents, des plus vertueux, de sera la part de la sagesse du gouvernement de s'adresser au peuple avec une austère franchise, de poser les principes de ses devoirs à côté de ses droits, de proclamer que la révolution n'a pas été faite pour une partie, pour les ouvriers seulement, mais pour les bourgeois et les nobles, les riches et les prêtres, qui sont aussi le peuple, et que, si nous avons conquis la liberté, elle doit appartenir à tous.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est ici que commence l'obligation du gouvernement, et déjà, par une volonté de Dieu peut-être, il se trouve qu'il a peu fait encore ; il s'est appliqué à des détails, il n'a pas touché à de grandes choses ; il a compris qu'en tout, dans la nature, dans l'homme, dans les institutions, il y a trois temps d'action : le commencement qui prépare, le milieu qui mûrit, et la fin qui complète ; que les hommes forts sont les seuls patients, et qu'il ne faut pas changer trop vite si l'on veut la durée : <em>Tempora tempore tempera. </em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="text-align: justify;">Ce n'est pas tant des lois qui nous sont nécessaires que l'exposition des devoirs, et ces devoirs il les faut présenter, non en homme qui les pose en avant de lui comme des barrières, mais parce que c'est la vérité, et qu'il faut dire la vérité. Il faut que le gouvernement dise au peuple : voici vos devoirs, remplissez-les ! J'ai aussi les miens ; si j'y suis infidèle, accusez-moi et jugez-moi ! Qu'ils ne cherchent pas les applaudissements de la foule, elle les mépriserait ; qu'ils restent impassibles au milieu des éloges et des blâmes, prouvant seulement qu'ils sont dignes de marcher à notre tète par leur esprit de justice et leur probité. Les lois éternelles du juste n'ont pas été détruites par la révolution, au contraire ; les hommes seuls sont changés. Les révolutions se font parce que le peuple se rebelle contre l'injuste et veut rétablir le droit, et le droit ne va pas sans le devoir. En lui parlant des devoirs on ne lui dira pas une chose nouvelle, on lui rappellera ce qu'il sait, et ce que les hommes sont prompts à oublier. Le peuple est un enfant plein des plus magnanimes instincts, généreux, confiant, emporté, sensible, mais ignorant, ignorant en ce sens qu'il ne sait pas les causes, qu'il ne connaît pas les hommes, qu'il n'est frappé que des noms, et ainsi il croit tout aussitôt. C'est pour cela que les tyrans le tiennent dans l'ignorance. Nous, pour avoir la liberté, instruisons-le, et éclairons-le : plus les hommes sont éclairés, plus ils sont libres !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le peuple a le sentiment du devoir ; il l'a dans ses entrailles, et quand on lui en parlera on le fera vibrer. Ce mot, dit au siècle dernier par d'Alembert, sera éternellement vrai : "La raison Unit toujours par avoir raison."</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dès qu'il s'est dit : <em>Je le dois !</em> l'homme sent planer au-dessus de sa tête, non la destinée antique, implacable divinité qui soumettait les dieux, mais un pouvoir que lui-même a consacré : l'âme se tient dans une paix puissante qui naît de l'équilibre de toutes les facultés ; le visage même revêt cette noblesse et cette dignité données par le sculpteur grec aux types parfaits de la nature humaine. On n'est plus un enfant turbulent dans ses chagrins et ses joies; on est homme, et l'on se sent vivre dans la plénitude de sa volonté et de sa liberté.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais si le devoir est la liberté, il est aussi la solidarité, et la solidarité nous unit tellement qu'il a été juste de dire que, si l'inférieur porte sa chaîne au pied, le supérieur la porte au poing. Dans la tyrannie , cette solidarité est une chaîne ; dans la liberté , la chaîne est formée par les mains ; nous nous tenons tous, tous nous marchons en bande serrée contre le flot des événements ; le devoir de tous est de la maintenir pour qu'elle ne se rompe pas et que les vagues, s'engouffrant par la brèche ouverte, ne renversent les faibles et les forts, les petits et les grands, et ne nous emportent tous dans un commun désastre. Que les gouvernants tiennent ce noble langage au peuple, qui attend de leur parole les droits, les devoirs, la solidarité, et alors se constituera naturellement l'état politique qui est la réunion de toutes les forces particulières. Aux ouvriers sera assuré le travail ; aux poètes, la gloire ; aux ardents, l'action ; aux industriels, le commerce ; à tous, leurs droits ! Que le gouvernement invoque, qu'il rappelle l'ancienne devise de la France, oubliée par un gouvernement qui donnait tout à l'argent : <span style="font-size: x-small;">L'HONNEUR !</span> Et le monde verra alors si la France n'a pas grandi encore !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Vous autres Français, disait un Anglais, Lord Chesterfield, vous ne savez élever que des barricades ; mais vous n'élèverez jamais de barrières ! Ce mot est faux. Si nous élevons des barricades, c'est que nous avons à la fois le plus vif sentiment du droit et le plus énergique emportement pour renverser l'injustice. Mais il est faux encore en ce qu'il voudrait établir cette, réputation de légèreté qu'on a faite à la France. Le peuple français léger ! Il n'est pas grave et compassé, en effet, car il est l'action et la vie. Quel peuple, en Europe, dans le monde, dans aucun temps, a fait des choses plus fortes, plus sensées, plus pratiques et plus durables que le peuple français, lui qui a créé la langue la plus logique de l'univers, qui a établi l'administration la plus serrée, qui a formé la nation la plus unie, qui a fondé la société la plus générale ! Il y a longtemps que les plus hautes intelligences l'avaient proclamé ; il y a trois siècles déjà que Charles-Quint disait : les Portugais paraissent fous, et le sont ; les Espagnols paraissent sages, et sont fous ; les Français paraissent fous, et sont sages. Et c'est un cri de génie, parce que c'est un cri de vérité, que ce mot de Shakespeare : <em>La France est le soldat aîné de Dieu !</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous voulons marcher à la tête des nations ; et notre priorité nous ne la prouverons pas par un seul mouvement violent, magnifique, sublime, mais par une continuité de grandes actions, et les grandes actions sont les grandes vertus ! Non ! nul peuple, en ce moment, ne nous vaut ; nul n'a ce jet soudain, ce dévouement héroïque, cet oubli de la partie matérielle de l'homme. Dès que la France parait, dès qu'elle parle, dès qu'elle agit, le monde s'écrie : C'est le grand peuple ! En toutes choses, à la bataille, dans les sciences, dans les lettres, en révolution, elle donne un coup si violent qu'elle fait jaillir la lumière. Mais ce ne sera pas un éclair qui passe ; ce sera comme le soleil qui brûle au fond des deux, qui s'avance dans sa gloire à travers sa route éthérée, qui éclaire tout, qui échauffe tout, et qui fait lever de la terre la sève, les arbres, les fruits et la vie !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais nous ne serons pas forts et libres que pour nous seuls. On l'a dit, la révolution que nous venons de faire est le triomphe de la civilisation. L'humanité marche sans cesse. La République que nous fondons est le gouvernement de la fraternité : sans que les princes et les rois s'en soient rendu compte, tous les efforts du genre humain ont été faits pour amener le triomphe du principe de l'amour. Toujours, à travers les siècles, les hommes ont tendu les uns vers les autres ; tour à tour esclaves, serfs, sujets, ils ont peu à peu dépouillé leurs préjugés et leurs haines, et par là ils ont brisé leurs chaînes. Nous n'avons renversé le dernier gouvernement que parce qu'il avait pris pour but d'établir de nouvelles délimitations entre les hommes. L'histoire de vingt de nos années les plus remplies est dans trois mots : en 1788, nous étions des sujets, et nous ne comptions plus en Europe ; en 1793, on nous appelait citoyens, et nous propagions dans le monde le principe de la liberté ; en 1808, nous étions des Français, et nous ne portions plus aux nations que notre gloire, notre grand nom et des fers ! Aujourd'hui, un seul nom est resté, le nom d'hommes, et quand on dit : <em>hommes</em>, on dit : <em>frères</em>. C'est au profit de l'Europe, du monde entier, que nous venons de vaincre ; nous sommes libres, et nous disons aux peuples, et tous les peuples le répètent : Soyons un seul peuple, une seule famille ; plus de rivalités de commerce, plus d'inimitiés de nations, plus de haines ; n'ayons qu'une haine, celle de l'injustice ; ayons un seul but, la complète réalisation de la loi du Christianisme, la fraternité. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Eugène Loudun (pseudonyme d'Eugène Balleyguier, 1818-1898),</span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"> « Du présent et de l’avenir de la révolution ». <em>Le Correspondant</em>, t. XXI, 10 mars 1848. </span></div><div style="text-align: right;"><br />
</div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-3535827563596735702011-01-20T09:36:00.001+01:002011-01-20T10:09:36.300+01:00"Ce que certaines gens redoutent... c'est la ressemblance avec 93" (E. Loudun, 1848)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTfydYfFKMI/AAAAAAAAArk/L5fCO4BNUSY/s1600/La+R%25C3%25A9publique+est+proclam%25C3%25A9e.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="278" s5="true" src="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTfydYfFKMI/AAAAAAAAArk/L5fCO4BNUSY/s400/La+R%25C3%25A9publique+est+proclam%25C3%25A9e.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;"><em>"La République est proclamée !", </em></span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">aquarelle de Pierre-Eugène Lacoste, 1848.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« Après le grand coup que Dieu vient de frapper, et qui a bouleversé un puissant Etat contre toute prévision, quand les conseils d'un roi renommé par son adresse et sa prévoyance ont été subitement aveuglés, lorsqu'une sanglante catastrophe, tout paraissant apaisé et la royauté rassise, a fait recommencer une lutte implacable, et qu'en moins de douze heures le pouvoir royal a été renversé, il serait insensé à l'homme de prétendre préparer l'avenir dans sa pensée, et de dire : Voilà ce qui sera ! Dieu ! que faites-vous là-haut, vous qui par des traits si inattendus, si invisibles, par cette volonté dont nous ne connaissons que les effets, abatte ? ce qui semblait le plus profondément enfoncé dans la terre, qui chassez les rois, poussez quelques hommes de la foule à la puissance, et, inaltérable, laissez tout dans le trouble et l'attente ! Mon Dieu ! que nous sommes petits, et que vous êtes grand !</div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La France vivait dans la torpeur ; le monde, inquiet, s'étonnait. Quoi donc ! se disaient les nations, ce gouvernement corrupteur a-t-il été si fort que non-seulement il ail dompté ceux qui l'approchaient et le servaient, mais encore qu'il ait abattu et endormi ce peuple généreux chez qui plus rien ne bouge, pas un cri, pas un souffle ! Les jours de la France sont-ils finis ? Mais non ; tout d'un coup, et sans que personne s'y attende, ce peuple abaissé se relève, et il se trouve uni. Tous se regardent; on crie : Marchons ! plus de corruption ! plus de rois ! Les bras ont fait voler les voilures en éclats, déraciné les pavés, coupé les grands arbres, arraché les barreaux de fer. Ce peuple était le même qu'il y a cinquante ans, aussi spontané, aussi indigné, aussi vivant : il était libre !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le roi Louis-Philippe a été chassé en trois jours comme le roi Charles X ; mais tous deux n'ont point eu la même condition dans leurs départs. L'un fut reconduit par des députés qui escortèrent sa majesté tombée ; il sortit dans un appareil encore royal : c'était là le dernier acte d'une grande et noble tragédie. L'autre s'est enfui précipitamment de son palais, sans adieux, sans guides ; il s'est dérobé au milieu de l'émeute populaire rugissante : ça a été la première scène d'un drame qui s'est ouvert par de violentes colères, de fiévreuses convulsions, et qui nous fait attendre des péripéties inaccoutumées.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il est accompli à demi ce vœu d'un ouvrier du Midi : <em>Mon Dieu ! faites donc tomber un jour de poudre et une heure de feu, et que tout soit dit</em> <em>!</em> Tout n'est pas dit ; nous sommes trop près encore du choc qui nous a éblouis : tout à l'heure nous commencerons à en ressentir les premiers effets. Mais, dès aujourd'hui, ce que nous pouvons, ce que nous devons, c'est, examinant les événements d'après les passions immortelles de l'homme, écoutant cette immense rumeur populaire qui nous enveloppe, et demandant à la Providence de nous donner la bonne volonté et la foi, c'est de convoquer tous les esprits à l'union, de calmer les agitations emportées, de parler aux gouvernants de leurs obligations, aux peuples de leurs devoirs, et d'apporter à tous les conseils que nous dictent notre patriotisme et notre conscience. Nous ne nous occupons pas de plaire, mais de servir. Les conseils utiles, comme le dit Massillon, sont rarement des conseils agréables.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En un jour, en une soirée, la royauté a été abolie, un gouvernement provisoire a été institué, la République proclamée. Des hommes, presque tous connus et admirés de la nation à différents titres, ont été chargés des destinées du moment, de détruire et de conserver, de fonder et de préparer. En peu de jours, pressés par des exigences précipitées et incessantes, ils ont accumulé des actes marqués au coin de la sagesse et de la modération ; et cependant l'opinion publique, avide, inquiète, se disperse en mille bruits opposés ; on attend les choses les plus contraires : on craint la tempête, on espère le soleil.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il n'est qu'un seul besoin, il ne doit y avoir qu'une seule pensée : <em>l'unité !</em> Et c'est pour cela que nous venons ici chercher ce qu'il y a de vrai dans les craintes et les espérances, assurés d'avance que les craintes sont presque toutes vaines, que les espérances auront leur réalité, et qu'il suffira de montrer la vérité pour que les faibles se raffermissent, pour que les forts persistent, et que tous s'écrient d'un même élan : nous avons voulu devenir libres, et nous mériterons de l'être par notre commune volonté !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Détruisons les craintes d'abord ; nous serons plus à l'aise pour exprimer nos espérances.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il peut y avoir trois sortes de craintes : les craintes immédiates, celles qui surviendraient peu à peu, et celles qui tiennent au fond même de notre caractère et de notre situation morale.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce que certaines gens redoutent, et ce qui n'est point à redouter, c'est le manque d'argent et la détresse du commerce, l'influence des partis contraires, les mines souterraines des communistes, la ressemblance avec 93, la guerre générale, un despotisme militaire, enfin l'abus de la force du peuple armé.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'argent ne manque pas et ne manquera pas ; un trésor considérable est entre les mains du gouvernement ; des besoins imprévus ont forcé de faire des dépenses inopinées, mais passagères ; les distributions de pain cesseront à mesure que les grands travaux commencés diminueront la masse des nécessiteux. La garde nationale mobile est chèrement payée, il est vrai ; mais la réduction de l'armée établira une compensation, si même elle ne donne un bénéfice. Par une sagesse remarquable, aucun impôt considérable n'a été aboli, d'abord parce que le gouvernement n'en a pas le droit, puis parce qu'il devait faire face aux dépenses. La République nouvelle n'a pas, comme le Consulat, trouvé tout désorganisé ; ici, au contraire, tout est organisé. Elle n'est pas, comme la monarchie de Juillet en 1830, sans soldats, sans finances, quand l'Europe entière semblait vouloir nous déclarer la guerre, et qu'il fallait tout de suite créer une armée ; et pourtant alors nous nous en sommes tirés ; les gens de bourse furent émus un moment, puis tout reprit son cours accoutumé. Aujourd'hui les services sont assurés, les administrations fonctionnent, aucun trouble n'a détruit une seule ressource ; jamais révolution n'a été dans de meilleures conditions.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le commerce ne souffrira pas davantage ; on n'a point vu, ainsi qu'en 1830, émigrer rapidement les étrangers, les riches, les nobles ; ils abandonnaient la cité parce qu'ils avaient la peur du peuple et la haine du nouveau gouvernement. Rien de semblable en ces jours-ci. La conduite du peuple a été si héroïque et si calme à la fois que, loin d'en avoir peur, on l'admire ; la République a été accueillie par un parti riche et nombreux avec une faveur d'acclamation ; les étrangers rassurés ne sont pas partis ; bien plus, ces nobles et ces riches ont compris le devoir que les circonstances leur imposent : c'est d'en haut qu'il faut que vienne l'exemple de la confiance. Déjà des fêtes dans le faubourg Saint-Germain sont annoncées ; on cite les jours choisis par les grandes maisons ; avec les fêtes, le mouvement, les achats, les échanges, le commerce. On est calme, on est content, et l'on veut le prouver à tous.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quand on dit que les légitimistes sont contents, il faut entendre qu'ils le sont surtout du renversement de Louis-Philippe : ils se réjouissent de voir un trompeur trompé ; pourtant, dès qu'ils ont su que la République garantissait l'ordre et la propriété, ils ont les premiers applaudi à l'établissement d'un gouvernement sage, fort et modéré : ce n'est pas eux pour le moment que la République aurait à regarder comme ses ennemis.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Des hommes qui ne finissent pas, mais qui commencent, ce sont les communistes et les socialistes. Il a existé, en ces dernières années, un homme qui a cru avoir trouvé le mot d'une civilisation inconnue et infinie, qui a donné le principe d'une association universelle, qui en a établi les rapports, les conditions et les conséquences. Dans son vaste cerveau, le monde a été constitué en ses moindres détails ; il a touché à tout : le gouvernement, la religion, la famille, il a tout brisé en mille pièces, et, prenant l'inverse de ce qui existait, il a étendu sur l'univers l'immense et complet réseau de la société universelle. Rien n'en a été distrait; chaque homme y a eu sa place, chaque action du jour son moment, chaque vie son but. La société a été montée comme une grande machine dont tous les mouvements sont prévus, et l'homme a pu entrevoir dans l'avenir, définie et marquée en chiffres mathématiques, invariables, la réalisation de l'existence éternelle de l'humanité.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais orgueil et aveuglement insensé ! Pour faire cette œuvre qui traçait à l'homme sa destinée dans les siècles, le génie de Fourier a été obligé de méconnaître la moitié de l'homme ; il a ouvert une route profonde, et l'homme devait y marcher jusqu'à la fin, sans pouvoir en dévier ; il était poussé au but sur des rails de fer : c'est en prison qu'il était emporté vers le bonheur. Pour tenter ce que Dieu fait par sa seule volonté, Fourier avait pris la plus rude barre de fer des tyrans, il avait enlevé à l'homme sa liberté.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pourtant aucune utopie n'est complètement inutile ; il est resté de cet immense rêve une idée juste et féconde, l'association, et elle est juste parce qu'elle est la première application du plus grand principe qui ait jamais été proclamé sur la terre, la fraternité, ou, pour dire le mot du Christ, la charité, l'amour ! S'associer, c'est pratiquer l'Evangile.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les communistes ne sont que l'exagération de l'école socialiste ; ils ont poussé les conséquences à l'extrême, mais aussi leurs moyens, sont de la rigueur la plus absolue. Ici, plus de liberté, plus de volonté ; tout pour la commune, rien pour soi. Il n'est permis à personne de demeurer oisif; vous ne travaillez pas, vous êtes puni ; vous êtes sûr de manger, mais vous êtes attaché. C'est l'histoire du chien gras qui porte au cou les traces de son collier ; le loup préfère rester maigre et libre. Le peuple est comme le loup, il veut rester libre. On a fait grand bruit du communisme ; il est moins étendu qu'on ne l'a dit : il n'y a de communistes, et encore en petit nombre, que dans les grandes villes et à Paris. Aux journées de février, ils n'avaient qu'une barricade sur huit mille. La province ne les connaît pas et n'en veut pas ; en supposant qu'ils tentassent un mouvement, pense-t-on qu'elles resteraient tranquilles, toutes ces villes où les petits bourgeois, les maîtres-ouvriers, presque tous les artisans, sont propriétaires d'un pré, d'une vigne ou d'un coin de terre ? Moins on possède, plus on tient à sa propriété. "J'ai remarqué, disait Pascal, que, quelque pauvre que l'on soit, on laissait toujours un héritage." Et chacun veut laisser un héritage. La propriété est le droit naturel. Je comprendrais que l'on eût des craintes en Angleterre, où vingt-cinq mille privilégiés possèdent le sol ; mais en France, où nous avons six millions de propriétaires, ce sont six millions de soldats contre les communistes. Avec une telle armée passionnée de son intérêt, je n'ai point peur des communistes. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le renouvellement de la Terreur n'est pas davantage à craindre : il faudrait que ce fût le pouvoir ou le peuple qui la fît, et le pouvoir, par ses actes, prouve qu'il ne le veut pas ; le peuple, par ses idées, ne le peut pas. Le gouvernement a tout d'abord proclamé ses nobles intentions en abolissant la peine de mort pour crimes politiques, et cette décision, l'Assemblée nationale non-seulement la confirmera, mais la complétera ; elle abolira la peine de mort dans tous les cas, nous l'espérons, nous le croyons. Quant au peuple, le peuple de 1848 n'est pas celui de 93. Si nous voulons égaler notre première révolution, comprenons-la ! Le peuple n'a aucune des conditions de la Révolution : ni l'abaissement inouï, ni l'inégalité en tout établie, ni des misères invengées, ni une lutte indispensable contre une caste maîtresse absolue, ni des fureurs amassées pendant des siècles. D'autres idées, d'autres besoins le poussent, et ce sont des idées nouvelles. Les opinions vieillies ont du penchant à assurer leur domination par le sang ; les jeunes idées sont généreuses, confiantes, libérales ; elles ne veulent pas la violence ; nées au matin, elles ont l'avenir; elles se présentent le front serein, l'œil bleu, l'air souriant ; elles semblent dire : Venez à moi ; elles appellent l'amour, et on vient à elles.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous ne demandons pas la guerre : nous savons ce qu'elle entraîne de misères, même heureuse; nous n'attaquerons pas l'Europe. "Hier nous disions à l'Europe, s'est écrié avec éloquence un des membres du gouvernement, Marrast, laissez-nous en paix, et nous serons sages ! Aujourd'hui nous dirons : nous resterons en paix si vous êtes sages !" La guerre pourtant est inévitable peut-être ; peut-être pour les deux nationalités de Pologne et d'Italie, descendrons-nous de l'autre côté des Alpes et du Rhin. Mais sans parler ici, <span style="font-size: x-small;">NOUS</span> le dirons plus loin, du rôle magnifique et de la mission divine que la France aura alors u remplir vis-à-vis des autres nations, en ce qui nous regarde, loin que la guerre doive nous faire peur, elle nous sera utile, elle nous sauvera peut-être! Nous avons besoin de mouvement; à l'activité humaine il faut des efforts proportionnés à son énergie : ou des luttes contre la nature, comme la jeune Amérique empiétant sans cesse sur ses forêts immenses et domptant les géants, fils de la terre, ou des combats de l'homme contre l'homme. Nous ne sommes pas un peuple à tomber dans l'apathie, nous sommes un peuple ardent ; si nous restions chez nous, dans le lièvre qui nous agite, inoccupés, peut-être descendrions-nous dans la rue et ferions-nous des guerres civiles. Pas de guerre, si nous ne sommes pas attaqués ; mais qu'elle vienne, chacun trouvera la place à son impatience et à sa flamme ; le gouvernement sera facile : nous aurons la gloire avec la liberté !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais si cette gloire nous valait un despote militaire ! Non ! nous ne sommes pas en Prusse, pour croire qu'un homme en uniforme est autre qu'un homme en habit de bourgeois ; nous avons eu un despote militaire, c'est assez : le prestige est tombé ; il serait singulier, quand on ne croit plus à la couronne, qu'on crût à l'épée. Aujourd'hui un général n'est rien s'il n'est que général. Ceux-là seuls qui aient eu une valeur réelle, Foy, Lamarque, etc., n'avaient de militaire que le nom ; le laurier de leur gloire, ils l'avaient fait refleurir à la chaude atmosphère des assemblées publiques ; ils n'étaient grands que parce qu'ils étaient de grands citoyens !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Enfin, quelques-uns voudraient nous présenter le peuple armé comme un épouvantail ; ces hommes en blouse qui portent un fusil, cette foule qui possède un sabre ou une baïonnette enlevé dans la bataille, ces canons de l'Hôtel-de-Ville gardés par des enfants effrayent des esprits timides. Leur épouvante vient de leur ignorance ; ils ne connaissent pas le peuple, ils ne l'ont vu sans doute ni dans les barricades, ni le lendemain de la victoire. Aux barricades le peuple était impatient d'ardeur, prêt à braver mille morts, et, en même temps, généreux, confiant; il appelait des conseils, il choisissait pour chef tout homme qui semblait combiner et penser. Il ne s'abusait pas ; il avait la candeur, cette vertu de l'enfance. Toutes les forces bouillonnaient en son âme, et il ne savait comment les employer ; il se sentait le bras, il demandait la tête.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Après le combat, quand le sang fumait encore et que la rumeur de sa colère grondait dans l'air, le voilà tout à coup changé ; il est maître, il est fort : il veut l'ordre ; aussitôt lui-même il fait sa police ; il arrête le pillage, il saisit les voleurs et en fait justice ; il n'est plus armé comme peuple, il l'est comme gardien de la propriété nationale et de la paix.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un crucifix est enlevé des Tuileries, et ces hommes, ivres de la bataille, découvrent leur front et font au Maître de tous un cortège imposant et recueilli ; ils sentaient sans doute que ce n'étaient pas eux qui avaient vaincu, que rien n'avait été fait d'après un plan et par une volonté humaine. Cette révolution si soudaine, si imprévue, presque impossible, elle avait été menée comme les bouleversements de la terre. Un craquement s'était fait entendre : les uns avaient été jetés à droite, les autres à gauche, les rois poussés à un lointain rivage, le peuple apporté comme un flot jusqu'au pied du trône. C'était un déluge ; où se trouvaient les terres s'étendait l'Océan, et la grande main de Dieu planait sur le monde.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est qu'il faut le dire, nous parlerons plus loin des défauts du peuple, ici il ne s'agit que de ses vertus; de toutes les parties de la nation française, le peuple est celle où le sentiment religieux est le plus vivant. Les hautes classes étaient religieuses par politique ou par souvenir, un petit nombre par une grande science. Le pouvoir et ceux qui dirigeaient l'opinion, orateurs, publicistes, professeurs, défendaient la religion dans leurs discours, parce qu'ils savaient par principe qu'elle était nécessaire. Ils entrevoyaient ce qui devait résulter de la liberté sans contrepoids, et ils mettaient en avant la religion pour que les esprits fussent frappés du prestige d'un pouvoir qui est au-dessus de l'homme ; mais ce n'était qu'une affectation. On parlait plus du Christianisme au Parlement et dans les feuilles publiques qu'au temps de Louis XIV, parce que, sous Louis XIV, les gouvernants pratiquaient le culte, et que les nôtres le dédaignaient. Quant à la classe moyenne, n'ayant pas l'instruction des hautes classes, les idées d'irréligion du XVIIIe siècle étaient passées chez elle à l'état de préjugé ; elle n'avait senti le besoin de s'élever vers Dieu ni par la gratitude, ni par la souffrance ; elle se réglait d'après une morale facile, qui n'était ni la vie, ni la vertu, et, assise dans une confiance ignorante, se fortifiant dans son isolement et son égoïsme, elle se riait de la loi de charité et de fraternité humaine, sans prévoir que cette loi est la seule force qui empêche la société de s'écrouler et de se disperser en mille débris.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais le peuple est religieux par instinct, parce qu'il souffre, parce qu'il attend, parce qu'il espère ; il invoque Dieu, il parle à Dieu, il croit en Dieu, comme il aspire l'air, comme il se réchauffe au soleil. Le sentiment de la religion tient au sentiment de la dignité humaine; un esclave peut être superstitieux, un peuple libre seul est religieux. Aussi, dès qu'il a été appelé à agir, le peuple s'est montré ce qu'il était naturellement, pénétré de l'instinct de l'ordre et de la majesté des assemblées. Lorsqu'on a convoqué ses délégués pour traiter de ses intérêts les plus pressants, on a vu ces ouvriers, rudes manieurs du bois et du fer, venir s'asseoir avec calme sur les fauteuils occupés hier par les chefs de l'aristocratie de la France, et, modérés dans une puissance survenue sans préparation, présenter fermement leurs prétentions, écouter en silence les réponses et les difficultés, discuter sans emportement, proposer et arrêter des mesures de conciliation, des arrangements de moyen terme dont on eût pu croire que le peuple était incapable d'apprécier la délicate prévoyance. Presque au même moment les littérateurs et les artistes se réunissaient pour de médiocres questions de présidence et de comité, et l'assemblée des ouvriers l'emportait sur ces hérauts de l'intelligence, en réserve, en convenance, en sagesse et en dignité. On a fait appel à l'honneur du peuple, et l'on a eu raison. Toutes les fois que l'on aura confiance en lui, il sera capable de tout.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les craintes immédiates sont donc fausses ; il peut y avoir quelque doute sur celles qu'inspirent les événements qui vont se succéder.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On pourrait redouter que le gouvernement, ne persistant pas dans la voie prudente qu'il a tenue, ne fût poussé à des mesures violentes ; puis que, l'Assemblée nationale ne soit influencée par des passions excessives de timidité, de peur, d'emportement ou d'intérêt.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Jusqu'ici le gouvernement a été soutenu par l'opinion ; on a foi surtout dans quelques hommes d'un éminent talent et d'un beau caractère ; les mesures que le gouvernement a prises ont été marquées d'une fermeté modérée et contenue. Il n'a pas détruit ; il n'a repoussé des fonctions publiques qu'un petit nombre d'hommes. Il a ménagé habilement, sans jactance ni faiblesse, les partis et les classes ; un seul décret, l'abolition des titres de noblesse a excité des réclamations : cet acte est peu important d'ailleurs, et le patriotisme éclairé du gouvernement, son dévouement infatigable à la chose publique, son langage calme et élevé tout ensemble, cette modération qui est venue à des hommes impétueux dès qu'ils ont eu appris les difficultés du pouvoir, sont des marques assez rassurantes de la bonne foi de ses intentions et de la persistance de ses efforts ; le présent fait compter sur l'avenir. <span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">»</span></div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Eugène Loudun (pseudonyme d'<strong>Eugène Balleyguier</strong>, 1818-1898<strong>)</strong>, </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">« Du présent et de l’avenir de la révolution ». <em>Le Correspondant</em>, t. XXI, 10 mars 1848. </span></div><div style="text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: center;"><span style="color: #b45f06; font-family: Arial, Helvetica, sans-serif;">La suite de l'article d'Eugène Loudun est à retrouver en cliquant sur le lien suivant : </span><br />
<a href="http://aimable-faubourien.blogspot.com/2011/01/on-murit-vite-par-les-revolutions-e.html">http://aimable-faubourien.blogspot.com/2011/01/on-murit-vite-par-les-revolutions-e.html</a><br />
</div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-85439303710345201082011-01-19T20:09:00.001+01:002011-01-19T20:13:10.432+01:00"Un bataillon qui aplanit un escarpement est plus utile à son pays que celui qui défait un corps ennemi" (J.-B. Say, 1829)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://2.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTc0NBgnHnI/AAAAAAAAArg/wilgA2bgRuk/s1600/Ah+quel+plaisir+d%2527%25C3%25AAtre+soldat.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" n4="true" src="http://2.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTc0NBgnHnI/AAAAAAAAArg/wilgA2bgRuk/s320/Ah+quel+plaisir+d%2527%25C3%25AAtre+soldat.JPG" width="209" /></a></div><div style="text-align: left;"><br />
</div><div style="text-align: left;"><span style="font-size: x-small;"><em>"Ah ! quel plaisir d'être soldat !",</em> lithographie de Philippon, éditée chez Aubert, 2e moitié des années 1820. Coll. Brown Univ.</span> </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« Les grandes armées permanentes qu'entretiennent les puissances de l'Europe […] pèsent d'un poids énorme sur des populations industrieuses qui travaillent avec une infatigable activité pour les entretenir.</div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les diplomates ont coutume de regarder une acquisition de territoire comme une indemnité des maux et des dépenses de la guerre. Mais quand des succès militaires ont entraîné la réunion d'une province, je dirai même d'un état, au territoire de la France, je demande quel avantage il en est résulté pour le département de l'Aveyron, de la Dordogne, et de cinquante autres ? Je demande quel dédommagement ils ont recueilli des conscrits qu'on leur a enlevés, des millions qu'ils paient aux créanciers du gouvernement ? Ils ont eu un plus grand débouché de leurs produits, dit-on; mais il n'y a aucun des produits de ces départements qui convienne à la province conquise, à la Belgique, par exemple ; une distance trop grande les en sépare, ou bien la difficulté des communications leur oppose des obstacles plus insurmontables que la barrière des douanes. Comment exporteraient-ils leurs produits dans la Belgique ? Ils ne peuvent seulement pas les expédier pour le département voisin. Renversez les barrières qui séparent des concitoyens parlant le même langage et soumis aux mêmes lois. Ils en recueilleront un avantage immense ; et pour l'obtenir, il n'y aura point eu de sang répandu.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On a prétendu que des armées permanentes étaient un utile réceptacle des mauvais sujets d'une nation. Messieurs, il vaut mieux avoir un régime qui permette aux hommes de vivre de leur travail, qu'un régime qui leur en ravisse le prix; il vaut mieux rendre les mauvais sujets rares, que de préparer des armées et des bagnes pour les recevoir.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il est affligeant de le dire, mais la vie des camps n'est pas propre à donner aux hommes les qualités qui en font des citoyens utiles. Elle habitue a l'oisiveté et à la servilité. Pour être un bon soldat, il faut savoir perdre son temps et ne jamais résister à un ordre, fût-il cruel et injuste. A la guerre l'obéissance passive est d'absolue nécessité ; car il faut là, que les mouvements de cent mille hommes concourent à un but unique : la victoire. Dans l'état social le but est multiple : c'est le plus grand bien du plus grand nombre, et il ne s'acquiert que par le développement des pensées et des efforts individuels. Dans la vie civile on ne doit l'obéissance qu'à un ordre légal, et si la loi est mauvaise, il faut savoir la critiquer. Ce n'est pas tout : le soldat est porté à confondre la force avec le bon droit, et le sabre avec la raison ; ce qui est une dégradation de la plus noble partie de l'espèce humaine. Il convient en conséquence à la société que les formes nécessaires au régime militaire, soient étendues au moins grand nombre d'hommes qu'il est possible, et restreintes aux seuls moments où elles sont indispensables. De puissants intérêts, je le sais, s'opposent au système défensif ; mais pour lui donner la préférence, j'en connais un plus puissant encore : celui des peuples.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Si les armées permanentes sont accompagnées d'inconvénients majeurs et de dangers ; si d'ailleurs elles sont inefficaces pour assurer aux nations la sécurité dont elles ont besoin contre les attaques extérieures, les nations pourront-elles obtenir cet avantage par leurs milices; c'est-à-dire par le moyen de leurs propres citoyens réunis accidentellement pour défendre leur indépendance, et organisés de manière à reprendre, aussitôt que le danger est passé, la vie sédentaire et le cours ordinaire de leurs occupations ? Cette question a souvent occupé les publicistes, et même beaucoup de militaires distingués habitués à joindre la théorie à la pratique de leur art. S'il est possible à un grand état de se défendre des attaques extérieures par le moyen de ses milices, il est vivement sollicité par ses intérêts pécuniaires et politiques de préférer ce moyen. Economiquement, il est désavantageux de faire d'énormes dépenses permanentes dans le seul but de pourvoir à des nécessités éventuelles. Politiquement, il est imprudent de mettre de grandes forces en des mains qui peuvent en abuser.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les milices ne sont sujettes à aucun de ces deux inconvénients. On ne saurait en abuser ; et leur emploi ne jette pas l'état dans de grands frais, lorsque l'état peut se passer de leur secours. Il s'agit seulement de savoir si elles peuvent répondre au but qu'on s'en propose. […] Je vous prie, messieurs, de ne pas confondre le système d'armer toute une nation dans ses milices, avec le projet extravagant de rendre toute une nation militaire; c'est-à-dire d'en former des corps mobiles et aguerris prêts à soutenir des intrigues diplomatiques, et l'ambition d'un despote. Cette folie n'a jamais pu entrer que dans des têtes absolument étrangères à l'économie sociale. Un agriculteur, un manufacturier, un négociant, un artisan, un ouvrier, un médecin, et toutes les autres professions utiles, travaillent à procurer à la société ce qui la nourrit et la conserve : un soldat détruit ce que les autres produisent. Changer les classes productives en classes destructives, ou seulement donner plus d'importance aux dernières, et vouloir que tout homme soit soldat avant tout, c'est considérer l'accessoire comme le principal ; c'est accorder la préséance à la disette qui fait mourir, sur l'abondance qui fait vivre. Une nation de soldats ne peut subsister que de brigandages ; ne produisant pas et ne pouvant faire autrement que de consommer, elle doit nécessairement piller ceux qui produisent; et après avoir pillé tout ce qui se trouve à sa portée, amis et ennemis, régulièrement ou tumultueusement, elle doit se dévorer elle-même. L'histoire nous en fournit des preuves sans nombre. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On a proposé de charger les soldats, quand la paix les réduit à l'oisiveté, d'exécuter certains travaux d'utilité publique. Ils paraissent propres surtout à ouvrir des grandes routes et à creuser des canaux. Un bataillon qui aplanit un escarpement, est plus utile à son pays que celui qui défait un corps ennemi dans une guerre étrangère. Dans la belle saison, un régiment viendrait camper auprès de la portion de route ou de canal qu'il aurait entreprise ; la haute paie qu'on lui donnerait, coûterait moins que le salaire qu'on aurait à payer à des ouvriers ordinaires ; on éviterait le désœuvrement des garnisons. La portion de la route ou du canal que l'on devrait à un régiment, porterait son nom. Un monument simple consacrerait ce service, et relaterait en outre les actions mémorables où ce même régiment se serait distingué. Un ami du bien public voulut, en 1802, obtenir de Bonaparte cette mesure d'utilité publique ; mais ce chef militaire ne l'entendait pas ainsi. Sa volonté était de réserver ses troupes pour dompter les nations, et non pour les servir ; il répondit qu'un pareil ouvrage ne convenait pas à des militaires français. Il supposait le préjugé pour le faire naître. Un prince citoyen n'aurait pas eu besoin du préjugé, et il aurait travaillé à le détruire, s'il eut existé. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Jean-Baptiste Say </strong>(1767-1832), <em>Cours complet d’économie politique pratique</em>,</span><br />
<span style="font-size: x-small;"> t. V, Paris, Chez Rapilly, 1829. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-73875171774566819902011-01-19T18:11:00.000+01:002011-01-19T18:11:45.247+01:00"Les élèves de l'École des Beaux-Arts ne voulaient point de Viollet-le-Duc" (Maxime Du Camp, 1882)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTcZxGPJSLI/AAAAAAAAArc/R4IfxCRKfSs/s1600/Viollet+le+Duc+par+Nadar+Strasbourg+%253B+mus%25C3%25A9e+d%2527art+moderne+et+contemporain.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" n4="true" src="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTcZxGPJSLI/AAAAAAAAArc/R4IfxCRKfSs/s320/Viollet+le+Duc+par+Nadar+Strasbourg+%253B+mus%25C3%25A9e+d%2527art+moderne+et+contemporain.jpg" width="248" /></a></div><div style="text-align: left;"><br />
</div><div style="text-align: left;"><span style="font-size: x-small;">Eugène <strong>Viollet le Duc</strong> (1814-1879), éphémère professeur d'esthétique et d'architecture à l'Ecole nationale de Beaux-Arts. Photographie de Nadar. Strasbourg, musée d'art moderne et contemporain.</span></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">« La journée du 29 janvier 1864 est restée légendaire dans les annales de l'École des Beaux-Arts ; selon le langage de l'endroit, ce fut un <em>"chahut babylonien".</em> Le comte de Nieuwerkerke, en qualité de surintendant des Beaux-Arts, était venu installer le nouveau professeur il était accompagné de Mérimée, qui jouait le personnage du <em>fidus Achates</em>, et de Théophile Gautier, chargé de rendre compte dans <em>Le Moniteur officiel</em> du succès de la première leçon. On redoutait des murmures, peut-être même quelque protestation mais on ne s'attendait pas au plus formidable des charivaris qui jamais eussent accueilli un maître de l'enseignement. A peine Viollet-le-Duc fût-il assis dans sa chaire et eut-il ouvert la bouche pour dire : <em>"Messieurs"</em> – ce fut le seul mot qu’il put prononcer – que le tumulte commença.</div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans la salle du grand amphithéâtre, décoré par Paul Delaroche, les élèves se pressaient en nombre anormal, les gradins, les couloirs et tous les abords étaient occupés ; nulle place libre les combattants avaient été fidèles au rendez-vous donné. L'exclamation fut énorme, composée de toutes sortes de vociférations chants de coq, barrissements d'éléphant, rugissements de lion, gloussements de poule, braiments d'âne, hennissements de cheval, miaulements de chat, rauquements de tigre, glapissements de renard, jappements de chien, tous ces cris se mêlèrent dans une tempête au milieu de laquelle se pressaient les injures. Nieuwerkerke était debout et gesticulait, Viollet-le-Duc tenait bon et continuait à vouloir parler peine inutile, on n'entendait qu'une immense clameur. Deux jours après, Mérimée racontait la scène en ma présence chez la comtesse de Nadaillac et disait : <em>"Les poumons de cette jeunesse sont d'une vigueur remarquable je ne me suis jamais tant amusé."</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Viollet-le-Duc, lui, ne s'amusait pas, Nieuwerkerke non plus ; les hurlements ne suffisaient pas à ces gamins affolés par leur propre bruit on lança contre le professeur la provision de projectiles que l'on avait eu soin d'apporter des pommes, des œufs, des boulettes de papier mâché et jusqu'à des gros sous. Au bout d'une demi-heure, Nieuwerkerke se retira, suivi de Viollet-le-Duc et de son escorte d'amis. Tout le monde battit des mains la victoire était complète et les rapins triomphaient derrière le groupe qui entourait Nieuwerkerke, ils sortirent en rang, quatre par quatre, silencieux cette fois, comme s'ils eussent fait cortège à un haut personnage, et traversèrent ainsi les cours de l'École des Beaux-Arts. Au moment où Nieuwerkerke allait franchir la grille, il se retourna, et toute la bande, éclatant de rire, lui fit un salut dérisoire. La sottise dont son âme était pleine ne put se contenir ; il leva un doigt menaçant vers ces jeunes gens dont le nombre même assurait l'impunité et leur cria : <em>"Je vous retrouverai, vous autres." </em>A l'instant la manifestation changea d'objet ; elle abandonna Viollet-le-Duc, qui, disait-on, avait <em>"son paquet"</em> ; elle ne s'adressa plus qu'à Nieuwerkerke et devint, par allusion, personnelle au-delà de l'insulte.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nieuverkerke n'essaya pas de faire tête, mais il ne se déroba point. Toujours accompagné de Viollet-le-Duc, de Mérimée, de Théophile Gautier, de quelques fonctionnaires de l’Ecole, il rentra à son logement du Louvre à pied, par la rue des Beaux-Arts, le quai Malaquais, la place de l'Institut et le pont des Arts. A dix pas derrière lui, marchaient les élèves, auxquels se joignaient les curieux. On eût dit que l'on s'était distribué les rôles et que l'on en avait faît une répétition préalable, tant l'esprit rapide et moqueur du Français – du Parisien avait rapidement improvisé<em> "une scie"</em> qui était la plus sanglante des ironies. Un groupe chantait le premier vers de l'air fameux de <em>Guillaume Tell</em> :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Ô Ciel ! tu sais si Mathilde m'est chère!</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un second groupe répondait immédiatement par une parodie injurieuse : </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>A sa Mathilde, ô ciel qu'il coûte cher !</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">puis la chanson était interrompue, et, après un instant de silence, tous en chœur criaient : <em>"Ohé Castor !"</em> et l'on reprenait la romance de Rossini. Nieuwerkerke se pencha vers Théophile Gautier, qui me l'a raconté, et lui dit : <em>"Ohé ! Castor ! Qu'est-ce que cela veut dire ?"</em> Gautier, qui n'était point en reste de malice, qui avait eu bien des charges d'atelier sur la conscience et qui excellait à comprendre à demi mot, baissa le nez et répondit : <em>"Je ne sais pas."</em> C'était en effet difficile à expliquer, si difficile que j'y renonce ici, en faisant appel à la sagacité des lecteurs. Tout ce que je puis leur dire, c'est que Nieuwerkerke avait récemment fait bâtir une maison vers le parc Monceau et qu'ils trouveront dans les traités d'histoire naturelle la façon dont le castor bat la terre molle dont sa hutte est construite.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La manifestation, toujours chantant et toujours criant, entra au Louvre, derrière Nieuwerkerke, dans la cour des Musées. La police avertie était accourue on se gourma, les élèves décampèrent, saluant une dernière fois le surintendant du nom de Castor et, comme il est de bon exemple que force reste à la loi, on arrêta Théophile Gautier, qui fut conduit au poste, où il commençait à mûrir un projet d'évasion, lorsqu'il fut délivré par Viollet-le-Duc, Mérimée et Nieuwerkerke lui-même. On dit au brigadier des sergents de ville : <em>"Pourquoi avez-vous arrêté monsieur ?"</em> Le brigadier répondit : <em>"A la longueur de ses cheveux, je l'ai pris pour un insurgé."</em> Bien souvent, depuis, Gautier a raconté, de la façon la plus plaisante du monde, ce qu’il appelait son "temps de captivité" ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Lorsque le rapport de cette échauffourée fut fait à l'Empereur, il se mit à rire, leva les épaules et ne dit mot. La princesse Mathilde fut outrée et parla <em>"de ce peuple qui avait traîné sa réputation dans la boue."</em> Elle reçut fort mal Eugène Giraud un de ses familiers plein d'esprit, qui la voulait calmer et lui dit : <em>"Émilien n'y perdra rien."</em> En effet, Émilien, c'est-à-dire le comte de Nieuwerkerke, fut nommé sénateur peu de temps après, et la princesse dit sérieusement : <em>"on lui devait bien cette compensation."</em> […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cette manifestation, qui s'adressait à un surintendant des Beaux-Arts, grand officier de la Légion d'honneur, amant avoué, sinon déclaré d'une princesse du sang, personnage de quelque importance, quoique secondaire, est la première qui se produisit dans la rue. Il fallait sévir, ce qui eût été excessif, ou en comprendre la signification. En somme, les élèves de l'École des Beaux-Arts ne voulaient point de Viollet-le-Duc ils le renvoyaient à son gothique aux fêtes de Compiègne, aux restaurations des édifices diocésains, et ils demandaient un autre professeur ; ils l'eurent. Par arrêté du 26 octobre 1864, Taine prit possession de la chaire d'esthétique ; l'ovation qu'on lui fit prouva que l'opposition n'avait rien de systématique et qu'elle ne s'était adressée qu'à une individualité dont les titres étaient trop discutables. Je ne suis pas certain que Viollet-le-Duc n'ait gardé rancune de sa mésaventure à l'Empire. Peu d'hommes ont été plus comblés que lui par Napoléon III et par l'Impératrice après les heures néfastes, il fit plus que de l'oublier il se souvint sans doute que Nestor Roqueplan a dit : <em>"L'ingratitude est l'indépendance du coeur."</em> Il fut indépendant jusqu'à l'héroïsme. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Maxime Du Camp, <em>Souvenirs d’un demi-siècle</em>, t. 1, </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Paris, Hachette, 1949 (ouvrage rédigé en 1882).</span></div><div style="text-align: right;"><br />
</div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-3882759574671021962011-01-14T12:15:00.000+01:002011-01-14T12:15:18.397+01:00"Le quartier latin ! M. Duruy a-t-il donc oublié ce qu'il est ?" (F. Dupanloup, 1867)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTAuf3QIP3I/AAAAAAAAArY/LxO-9P3saa8/s1600/Victorduruy.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" n4="true" src="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTAuf3QIP3I/AAAAAAAAArY/LxO-9P3saa8/s320/Victorduruy.jpg" width="215" /></a></div><br />
<br />
<span style="font-size: x-small;">Victor Duruy (1811-1894), ministre de l'Instruction publique de 1863 à 1869. Portrait en héliogravure tiré de V. Duruy, <em>Notes et souvenris</em>, t. 2, Paris, 2e éd., 1902. </span><br />
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<br />
« Monseigneur,<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">Dans la lutte engagée entre M. Duruy et nous, un grand nombre de nos vénérés Collègues alarmés comme je l'ai été moi-même, se sont hâtés d'élever la voix. Vous n'avez pas manqué, Monseigneur, de donner à la grande cause que nous défendons le puissant appui de votre parole, comme toujours si élevée et si ferme. L'Église et toutes les familles chrétiennes vous en seront reconnaissantes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Vous le dites avec raison, Monseigneur, l'entreprise de M. Duruy est "sans précédents dans l'histoire des sociétés, depuis que, devenues chrétiennes, elles ont environné la femme de respect et d'égards." Comme vous le dites encore, "c'est un fait inouï" qu'un ministre puisse ainsi changer, seul et à son gré, et radicalement, les conditions de l'enseignement des jeunes filles en France, le transporter des mains des femmes aux mains des hommes, destiner aux jeunes filles, de sa pleine autorité, sur tout le territoire français, les 3.000 professeurs que la loi donne aux jeunes gens ; qu'il ose de pareilles tentatives, sans consulter personne, ni le Conseil d'État, ni le Corps législatif, ni le Sénat, ni même le Conseil supérieur de l'instruction publique, sans se préoccuper en rien des embarras qu'il crée, et créera de plus en plus au gouvernement ; et se lance enfin de la sorte, sans frein ni guides, à travers les questions les plus délicates et les intérêts les plus sacrés. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quoi ! des cours réguliers, quotidiens, de jeunes filles, six jours de la semaine, deux fois par jour, dans le quartier latin, à la Sorbonne, c'est-à-dire au lieu où se tiennent tous les professorats littéraires et scientifiques, où se font tous les cours des jeunes gens, tous les examens des bacheliers, etc., etc. !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le quartier latin ! M. Duruy a-t-il donc oublié ce qu'il est ? Pour moi, malgré l'entrée par la rue Gerson, je ne suis guère rassuré sur ce quartier-là, et je n'ai pu qu'être fort attentif aux paroles d'un des plus honorables fonctionnaires de noire ville qui s'écriait, à propos de tout cela : "le quartier latin, il est donc bien changé depuis notre temps ! Appeler là les jeunes filles, mais cela n'a pas le sens commun !"</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">J'ai moi-même été professeur à la Sorbonne, et je n'en ai jamais traversé les cours et les abords, sans les voir, comme ils le sont encore aujourd'hui, remplis d'étudiants qui vont et viennent, qui attendent l'ouverture des amphithéâtres, ou, après les leçons des professeurs, se forment en groupes pour discuter. Ce sera donc au milieu et sous les regards de tous ces jeunes étudiants, dispersés dans les cours ou aux abords de la Sorbonne, que devront sans cesse passer les jeunes filles, pour se rendre aux leçons qu'institue M. Duruy !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, dit-on, ces jeunes filles, elles ne seront pas seules, elles viendront chacune, à défaut de sa mère, avec une gouvernante. Mais quel âge aura cette gouvernante ? M. Duruy ne le fixe pas plus que l'âge des professeurs. Et celles qui n'ont pas de gouvernantes, et dont les mères sont trop occupées, c'est-à-dire le plus grand nombre, elles viendront là, avec une bonne, plus ou moins jeune : et au lieu d'un péril, en voilà deux. Ce n'est pas tout : elles peuvent venir seules, car on n'exige pas qu'elles soient accompagnées. Mais alors quelles garanties aura-t-on sur celles qui viendront ainsi, et, s'il faut tout dire, sur ce qu'elles pourront venir chercher là?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Non, tout cela est absolument impossible. Il y a ici une absence, ou du moins un oubli passager du sens moral, qui ne se conçoit pas. M. Duruy lui-même serait effrayé, si je lui répétais le mot qu'un homme d'État éminent me disait, il y a peu de jours, sur le péril de ces étudiants et de ces étudiantes ainsi obligés sans cesse à se rencontrer. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce sont là les premiers pas dans une voie qui mènera loin, si le bon sens public ne fait résistance. Bien aveugle qui ne le voit point ! Et ceux d'ailleurs qui n'ont pas ici leurs raisons pour mettre des gants et des masques, ont dit nettement les choses, et déchiré tous les voiles.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le jour même où ma lettre sur M. Duruy et l'éducation des filles était imprimée, et avant qu'elle eût paru, <em>Le Siècle </em>voyait dans cette circulaire de M. Duruy le moyen d'arracher les femmes "au joug de superstitions ridicules, et de préparer des générations nouvelles." (16 novembre.)</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quand la lettre eut paru, <em>Le Siècle</em> écrivit : "je demande, dit M. Dupanloup, qu'on ne forme pas pour l'avenir des femmes<em> libres-penseuses</em> ! Nous le croyons sans peine. Avec des femmes libres-penseuses, plus de superstitions, plus de confréries de la Vierge dirigées par des prêtres, plus de denier de saint Pierre, plus d'influences cléricales, plus de riches offrandes !" Puis <em>Le Siècle</em> ajoutait : "que (M. Duruy) crée le plus tôt possible une école normale supérieure de <em>professeuses</em> ! Pour vaincre l'ennemi qui fait obstacle à tout progrès, il n'y a qu'un moyen, un seul : instruire les femmes pour qu'elles instruisent les jeunes filles, et former des libres-penseuses." (<em>Le Siècle</em>, 20 novembre.)</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Selon <em>L'Opinion nationale</em>, et c'est pour cela qu'elle applaudit à M. Duruy, le but de la circulaire, c'est d'arracher l'éducation des filles à la religion, au catholicisme, à l'Église. C'est ce que <em>L'Opinion </em>appelle organiser "l'enseignement laïque des femmes". "C'est là, dit-elle, une question vitale pour le pays. En effet, le Clergé tient tout en France par les femmes, et il tient les femmes par l'éducation. La plupart des filles sont élevées chez les religieuses. Par là, les prêtres sont les maîtres chez nous, dans nos maisons. Si bas ou si haut que vous portiez les regards, ils ont dans chaque intérieur un œil sans cesse ouvert et une influence toujours active." […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Selon <em>Le Temps</em>, la portée de la circulaire, "c'est d'enlever définitivement la direction des esprits à l'Église, c'est de consommer la sécularisation des intelligences. […]" (<em>Le Temps</em>, 21 novembre.) <em>Le Temps</em> dit encore : "il s'agit de savoir si le prêtre, qui tient encore la femme, recouvrera par son moyen l'empire sur la société, eu si la société achèvera de s'affranchir du prêtre, en lui enlevant la femme, pour la faire participer à la culture cl à la vie générales. Au fond, et en définitive, c'est le sort de la France qui est en question." (<em>Le Temps</em>, 21 novembre.) […] Enfin, un professeur de l'Université, qui intervient dans la question, choisit le Siècle pour écrire ce que voici : "nous voulons pour nos filles un enseignement secondaire qui soit plus en harmonie avec l'enseignement que reçoivent nos garçons.... qu'elles puissent lire dans le même livre que nous et y puiser les mêmes pensées" : c'est-à-dire, comme dit <em>Le Siècle</em>, devenir de <em>libres-penseuses</em>. Puis il continue en ces termes : "vous dont la vie tout entière se passe à étouffer tous les sentiments que la nature a mis dans l'homme, vous voulez la domination sur la femme pour dominer l'homme à son tour, vous voulez la retenir sous votre joug et la maintenir sous votre autorité afin de commander par elle dans la famille." (<em>Le Siècle</em>, 21 novembre). […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Comme honnête homme, je vous demande : quelle France voulez-vous nous faire ? Et que lui restera-t-il de pudeur et d'honneur ? Et jusqu'où voulez-vous aller enfin, puisque vous trouvez "bien modeste encore l'effort que fait en ce moment M. Duruy pour tirer les femmes de l'ignorance, où le clergé se plaît à les voir c et à les maintenir." (<em>Opinion nationale</em>, 23 novembre.) […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Tout cela est profondément triste, Monseigneur, mais à un point de vue, tout cela est heureux, et, dans la tristesse de mon âme, je bénis Dieu. Car le péril qui s'est tout à coup révélé ne date pas d'hier ; mais nous ne le voyions pas assez. Depuis quelques années l'Église est tellement menacée au dehors, et les passions impies et démagogiques, dans toute l'Europe, attaquent tellement tout ordre religieux, moral, et social, que nous n'avons pu toujours suivre d'assez près la marche et les progrès de l'impiété parmi nous. Sur cette grave question de l'enseignement public, il y a trop longtemps que les hommes religieux se sont laissés distraire. Nous sommes ainsi faits en France. La mode a chez nous une puissance étonnante. Ces questions ont été longtemps à l'ordre du jour : que de discours, de livres, de commissions, de pétitions, de projets sur l'enseignement pendant vingt ans ! Puis on passe à autre chose, et on n'y pense plus. Pendant ce temps, M. Duruy, et ses alliés, les livres et les circulaires font leur œuvre. Eh bien, si cette dernière circulaire nous réveille, je le dis, elle est heureuse.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour moi, il y a longtemps déjà que les actes et les livres de M. Duruy en particulier m'occupent, et que j'ai examiné et fait examiner, avec le dernier soin, non-seulement ses écrits, mais une quantité d'ouvrages historiques publiés en collaboration avec lui, sous sa direction personnelle (*), et répandus avec profusion dans nos lycées et dans nos écoles ; et j'en ai été effrayé.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quand je pense que le Ministre de l'instruction publique d'une nation comme la France, dans une introduction solennelle à notre histoire, marchant sur les traces de ceux qui font de l'homme un orang-outang perfectionné, ose donner pour ancêtre à l'homme le singe, et pour point de départ à l'humanité l'état sauvage ; quand j'entends <em>Le Moniteur universel</em>, le journal officiel de l'Empire, nommer, lui aussi, et avec agrément, le singe un ancien congénère de l'homme, son aïeul peut-être (2 mai 1864) ; et ailleurs donner à la France des leçons de haute morale comme celle-ci : "l'homme n'est pas une intelligence servie par des organes, comme on l'a dit en style prétentieux, mais un organisme qui s'est élevé par degrés jusqu'aux plus fiers sommets de la pensée." Et un peu plus bas : "la véritable histoire du genre humain qu'il faut distinguer des légendes, atteste que le ventre fut le précurseur du cerveau. Nos premiers pères, ces anthropophages vénérés, avaient la tête bien petite, leurs crânes fossiles en font foi. La digestion a précédé la pensée, et de longtemps ; il y a des centaines de siècles entre ces deux ordres de phénomènes." (4 août 1867).</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quand je vois ces doctrines abjectes, honorées d'un tel patronage, élevées dans les plus hautes chaires de l’enseignement, décorées par la fortune, mais en vérité je me le demande : où en sommes-nous donc, et où allons-nous ? Est-ce avec de telles bassesses qu'on préparera nos jeunes et vaillantes générations aux luttes de l'avenir, et les jeunes Françaises aux vertus sans lesquelles la famille et la société s'écrouleront dans des abîmes de honte et de douleur ! La vérité est que le mal social fait au dehors depuis dix années n'a d'égal que le mal fait au dedans par la presse impie, à laquelle en ce moment un ministre aveugle, c'est le moins que je puisse dire, bon gré, mal gré, donne la main. Et tout cela systématiquement, froidement, implacablement. […] </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Encore quelques années de ce régime et de la résignation plus ou moins expresse, plus ou moins silencieuse des honnêtes gens, et l'on recueillera la moisson de tout ce qui a été semé. Et déjà l'on commence. Les plus funestes doctrines faisant explosion, les grandes écoles de radicale impiété, l'athéisme, le matérialisme, et les théories les plus subversives de toute morale, s'étalant avec audace, se propageant avec une ardeur redoublée par l'espérance d'un prochain triomphe, voilà ce que nous voyons.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour moi, ma conviction profonde est que nous ne pouvons pas fermer les yeux plus longtemps. Et quand je vois ces graves questions de l'enseignement, qui portent en elles la vie ou la mort des sociétés, traitées comme elles le sont par M. le Ministre de l'instruction publique, je ne puis pas ne pas être ému, et ne pas le dire. Non, c'en est trop, et il faut qu'on sache enfin si les grands pouvoirs publics n'ont rien à voir sur de pareilles entreprises. […]</div><br />
<div style="text-align: right;">Veuillez agréer, Monseigneur, l'hommage de tous mes bien dévoués respects.</div><div style="text-align: right;"><br />
</div><div style="text-align: right;">† FÉLIX, Evêque d'Orléans. »</div>_________________<br />
<span style="font-size: x-small;">[note du texte] "50 volumes, format in-12, publiés par une société de professeurs et de savants, sous la direction de M. V. Duruy, 1852".</span><br />
<br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Félix Dupanloup, <em>Seconde lettre de Mgr l'évêque d'Orléans </em></span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>sur M. Duruy et l'éducation des filles</em>, Paris, Charles Douniol, 1867. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-54447289416286139932011-01-14T09:21:00.000+01:002011-01-14T09:21:12.730+01:00"Vivre en travaillant ou mourir en combattant. Cette formule restera dans l’histoire" (anonyme, 1835)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTAEhnwRmWI/AAAAAAAAArU/yr71hS8ZBGA/s1600/r%25C3%25A9volte+des+canuts+1834.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="283" n4="true" src="http://1.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TTAEhnwRmWI/AAAAAAAAArU/yr71hS8ZBGA/s400/r%25C3%25A9volte+des+canuts+1834.jpg" width="400" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Estampe anonyme (1<span style="font-size: xx-small;">ère</span> moitié du XIX<span style="font-size: xx-small;">e</span> siècle). Musée de l'Histoire de Lyon, Lyon.</span></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">« La révolte de Lyon n’est qu’un symptôme partiel d’une crise générale : le prolétariat est la question sociale du siècle. Depuis 1830, elle est née à la discussion publique. […] l’idée a tout d’un coup fait irruption dans l’ordre politique, et passé dans les faits.</span></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;"></span>Le prolétaire est intervenu sur la place publique à l’ère de Juillet, aux tentatives des 5 et 6 juin, mais surtout aux deux insurrections lyonnaises. Il a hautement protesté de son droit au bien-être ; et, après ses avertissements, il est rentré dans le travail, indiquant par là dans quelles conditions il plaçait la société de l’avenir. Il veut l’émancipation ; mais il veut l’ordre, symbolisés tous les deux par le travail dans le progrès. Là est en effet pour lui le plus sûr moyen de l’affranchissement, quoique plus lent ; c’est par ce procédé qu’il aspire à se racheter et s’élever : car le travail est sa vie, et ce n’est que par force qu’il s’arrache à cette condition de son existence. Mais, d’un autre côté, il a conscience de son droit ; il réclame hautement l’instruction et la moralité ; et, en fait, il a joint à la justice de sa cause le préjugé magnifique de sa modération. Satisfait d’avoir témoigné de sa force et réveillé l’attention des gouvernants sur des nécessités qu’il a mis à l’ordre du jour, il a fait voir ainsi son instinct de conservation en même temps que sa puissance de destruction. Ces nécessités ont consenti à redevenir pacifique ; mais elles ont montré qu’elles seraient de nouveau armées, dès qu’on les réduirait à agir pour elles-mêmes, si on refoulait encore le prolétaire dans un désespoir sans adoucissement comme sans terme. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Car <em>il veut vivre en travaillant ou mourir en combattant</em>. Cette formule restera dans l’histoire : elle est écrite avec le sang des Lyonnais sur le drapeau du prolétaire ; malheureusement elle est destinée à reparaître à chacune des crises futures de notre société industrielle. C’est l’ultimatum de cette puissance qui s’est posée en face, et avec laquelle il n’y a eu jusqu’ici qu’un armistice : car on pense bien que, pour les ouvriers, la dernière victoire du pouvoir ne fait que balancer sa précédente défaite. Et même, dans cette équation de forces, l’avantage moral est pour le prolétaire, qui n’a marqué son triomphe d’aucun fait de férocité. […] le prolétariat forme le fond de la société. Il est partout ; il cohabite avec nous ; il ne nous quitte pas : c’est notre ombre. Et nous sommes condamnés à trouver la solution de ce grand problème contemporain dans un sens favorable aux masses, ou, si nous leur fermons toute issu, à nous voir ensevelir avec elles sous les ruines de l’édifice social. […] la marche de cette révolution des masses ne s’arrêtera point. Le prolétaire ne fait que subir sa loi intime et naturelle de développement, commune à tout être organisé qui tend à son perfectionnement indéfini. Le phénomène nous suivra donc jusqu’à ce que, nous ayant insensiblement enveloppés, la question, grosse d’une révolution, éclate avec la souveraine puissance d’un fait universel. Ce sera l’organisation du prolétariat s’asseyant sur lui-même. A la fois gouvernant et gouverné, il ne scindera plus en deux nations isolées un tout homogène, identifié désormais dans une même vie. Et alors, l’unité étant établie, la liberté ne sera plus que le mouvement régulier de la vire propre du peuple. […]</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Aujourd’hui, l’erreur volontaire de notre aristocratie bourgeoise, au lieu d’adopter le progrès pour loi sociale du présent et de l’avenir écrite dans son passé, est de vouloir qu’après l’expulsion des vieilles castes, le monde s’inféode à ses nouveaux suzerains, et soit frappé pour eux d’immobilité. Cependant, aux trois jours, derrière le triomphe de la bourgeoisie, nous avons vu une seconde question surgir du gouffre un moment ouvert, aussitôt refermé : dans l’éruption de Juillet, pendant qu’une élévation moyenne tentait de se reformer avec les fragments de l’ancienne société, le prolétariat s’est dressé en dominant tout. Mais l’idée est si démesurément radicale qu’elle a effrayé la société européenne tout entière, en mettant à nu le fondement même sur lequel elle repose. Et l’instinct de conservation ne se méprend pas. Aussi la coalition des rois s’est-elle résumée depuis en une sorte d’assurance mutuelle contre l’incendie de la révolution démocratique. En Europe, il n’y a plus que le gouvernement de la peur ; et il n’y en aura pas d’autres jusqu’à ce que l’instinct moral ait transformé cette hostilité rétrograde en un immense mouvement de sympathie marchant à la tête des sociétés avec toutes leurs forces vives, ou jusqu’à la grande révolte finale du prolétariat, forcé d’intervenir pour son compte, après avoir subi pour dernière oppression (et ce sera la plus dure) celle des riches. Or nous marchons à grands pas au second de ces deux dénouements, et nous nous éloignons de plus en plus du premier, qui pouvait être pacifique. »</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">L. S., « Aperçu sur la question du prolétariat », <em>in</em> : <em>La révolte de Lyon en 1834, </em></span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;"><em>ou la fille du Prolétaire</em>, Paris, Moutardier, 1835. </span></div><br />
<div style="text-align: right;"></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-85709947934021755492011-01-14T08:50:00.000+01:002011-01-14T08:50:29.070+01:00"Le voyage de l'Empereur... montre bien l'union intime de la nation et du souverain" (Ch. Robin, 1856)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TS_7DUkcb2I/AAAAAAAAArQ/uhYiTnf8roQ/s1600/Tarascon+1856.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="260" n4="true" src="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TS_7DUkcb2I/AAAAAAAAArQ/uhYiTnf8roQ/s400/Tarascon+1856.jpg" width="400" /></a></div><div style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">William Bouguereau, <em>L'Empereur visitant les inondés de Tarascon</em>, </span></div><div style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">huile sur toile (1856), Hôtel-de-Ville de Tarascon.</span></div><br />
<div style="text-align: justify;">« Le voyage de l'Empereur a une haute signification et une grande portée. Il montre bien l'union intime de la nation et du souverain qu'elle s'est librement choisi ; il assure à Napoléon III le dévouement de tous, et détruit dès aujourd'hui jusqu'à la dernière trace des partis désorganisés.</div><div style="text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous ne pouvons mieux faire, pour donner à tous une idée de la façon dont l'Empereur a été accueilli par les populations du Midi, que de reproduire la lettre suivante, écrite de Tarascon, le 4 juin, par M. Adolphe Dumas, sous la pression des événements.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>"Les journaux de Paris dans trois jours, et l'histoire de France dans des siècles, raconteront le voyage que l'Empereur vient d'accomplir au milieu des désastres de la Provence, et l'admiration étonnée des Provençaux pour un aussi grand caractère et un aussi grand cœur.</em></div><em><div style="text-align: justify;"><br />
</div></em><div style="text-align: justify;"><em>Je suis témoin oculaire de tout cet enthousiasme, qui veille sur les portes des maisons une partie de la nuit pour s'entretenir de cette apparition, comme d'une légende. En attendant un récit plus long, permettez-moi d'attester ce qu'on dit, ce que j'entends et ce que je vois.</em></div><div style="text-align: justify;"><em><br />
</em></div><div style="text-align: justify;"><em>Je le dois à mes chers et malheureux compatriotes d'Avignon, de Tarascon et d'Arles, qui ont besoin d'une voix pour dire à l'Empereur leur reconnaissance, qui va jusqu'à l’exaltation la plus extraordinaire.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Vous savez nos malheurs, si vous n'en savez pas encore le nombre. L'Empereur a quitté les Tuileries, à ce qu'il paraît, dimanche matin, avec un frac militaire, un sabre au ceinturon, un képi d'officier, et sa suite, composée de six personnes. Voilà le grand monarque qui vient défaire la guerre d'Orient et la paix religieuse et politique du monde.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>L'Empereur est, à Paris, Napoléon III, la tête des conseils de l'Europe, tout le monde l'a vu à l'œuvre. Mais nous ne l'avons pas vu, comme à Lyon, à cheval et dans l'eau jusqu'à la ceinture, donnant la main pleine d'affection et pleine d'or à des femmes et à des enfants bloqués dans leurs maisons, et qui lui tendent la main des fenêtres.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Nous ne l'avons pas vu, comme à Avignon, dans une barque, avec Monseigneur, le maire et un rameur, pour ne pas trop charger l'embarcation, parcourant les rues les plus petites, les plus populeuses et les plus pauvres, et dirigeant lui-même les distributions et le sauvetage.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Nous ne l'avons pas vu, comme à Tarascon, et dans la, campagne submergée, au milieu d'un bivouac de paysans réfugiés avec leurs familles au pied des Alpilles, vidant ses poches et ses mains, à côté de la marmite de ces braves cultivateurs, hier riches fermiers, et ce matin à l'état de bohémiens.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Quand il est arrivé là, devant cette nappe d'eau qui s'étend jusqu'à Arles, et devant cette belle vallée de Tarascon dont il ne voyait plus que la cime des arbres, il n'a pas dit un seul mot, tant il était consterné.</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Il a joint les deux mains, me dit une bonne femme, et il a fait :</em> Ô mon Dieu ! </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em>Il était encore séparé de Tarascon par une lieue d'eau, de mûriers à fleur d'eau, de granges ruinées, et qui apparaissaient à la surface comme autant d'écueils ; il a sauté (c'est le mot) dans un batelet comme un soldat, de marine, et ne voulait que le batelier. Six hommes des cent-gardes étaient à terre et voulaient le suivre; l'Empereur a levé la main et montré trois doigts ouverts ; ce qui voulait dire qu'il n'y avait de place que pour trois. C'est ainsi qu'est parti l'Empereur au secours de Tarascon et d'Arles, à travers les courants d'eau et une forêt d'arbres."</em> […]</div><br />
<div style="text-align: justify;">L'Empereur avait, par sa fermeté, sa politique vigoureuse, forcé l'Europe à reconnaître l'influence française ; il avait porté notre puissance au degré élevé où l'avait placée son oncle. Comme lui il avait su en quelques jours effacer un triste passé et dix-huit années de faiblesse, et les déchirements intérieurs, les troubles civils s'étaient évanouis devant les actes admirables de son administration. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En conquérant pour le pays la place légitime qui lui était due dans le conseil des nations, il n'avait pas négligé le but plus pratique et si important des relations commerciales. Nos échanges s'étaient accrus, notre commerce relevé, et le chiffre des transactions, comme leur importance, avait pris des proportions considérables. L'industrie, vigoureusement appuyée, prenait une large part dans cette amélioration générale des grands intérêts du pays. Jamais à aucune époque elle n'avait été plus prospère, et son action vivifiante s'était étendue sur toutes les branches de la production.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'Empereur, en sachant se concilier les sympathies de l'Europe, préparait au pays une ère nouvelle de grandeur et de puissance. Les Etats nos alliés avaient enfin reconnu et la supériorité de ses conseils et la sagesse de sa politique. La marche vigoureuse imprimée aux opérations stratégiques ; l'impulsion puissante qu'il avait su donner aux chefs de l'armée; sa rare intelligence des choses de la guerre ; son coup d'oeil sûr ; la promptitude de ses décisions, tout cela avait créé naturellement à notre profit une incontestable supériorité, dont l'Europe acceptait enfin l'ascendant.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le peuple qui nous avait été le plus opposé était lié avec nous par une de ces unions puissantes qu'une même gloire avait cimentée, que l'accord des deux souverains rendait si éclatante. Et l'Angleterre, dans ce moment même, tait bien voir, à l'occasion des inondations funestes qui sont venues dévaster nos provinces, combien elle a de sympathies pour la France.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La souscription ouverte à Londres pour venir au secours des inondés prend les proportions d'une manifestation nationale ; et le généreux concours que nous prêtent nos voisins d'outre-Manche, depuis la reine et les hautes sommités de l'aristocratie, de la finance et du commerce, jusqu'à l'artisan le plus humble, viennent apposer au traité moral et politique conclu entre les deux nations un sceau indélébile, et montrer à quel haut degré de sympathie et d'estime mutuelles sont parvenus les deux peuples.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Seuls, les vieux partis tentaient encore de vains efforts pour rassembler leurs tronçons épars. Efforts inutiles comme la suite l'a prouvé; toutefois ces incitations sourdes, ces ténébreuses menées, jetaient dans la foule un malaise qui n'allait point jusqu'au doute, mais qui pouvait empêcher les affections nouvelles, les dévouements d'hier, d'être mieux affermis dans leur foi.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Eh bien, cette pierre d'achoppement, cet atome ténu qui pouvait peut-être servir d'appui aux mauvaises passions, est dès à présent anéanti !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'Empereur, et il semble que la Providence ait dirigé ses pas, a été au-devant de ceux-là mêmes qui avaient le plus ouvertement méconnu son autorité, le principe d'ordre qu'il représente, en même temps que la volonté si hautement manifestée par l'immense majorité de la nation ; il s'est présenté dans ce grand appareil si rarement revêtu par le souverain ; il est venu non point comme le chef d'un grand État, mais comme le père de la nation. Il avait effacé de son coeur le souvenir des offenses, et il n'y avait sur ses lèvres que des paroles de commisération, d'encouragement, dans ses mains que des bienfaits, dans son âme que pitié et qu'amour.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Aussi, on peut le dire, l'Empereur a fait à nos yeux une conquête mille fois plus précieuse que celles qui résultent du choc des armées. Il a conquis des coeurs que de perfides conseils, que des convictions fâcheuses tenaient éloignés de lui. Dans le grand désastre que vient d'éprouver si cruellement la France, il existe comme une marque tracée par la volonté divine, comme un jalon placé par la Providence, qui semble convier tous les enfants du sol à une communion générale et sincère. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les débris des anciens partis que la vérité éclatante n'avait pu vaincre, que la logique puissante des faits accomplis n'avait pu convertir sont aujourd'hui réunis à la fortune, de celui qu’ils considéraient comme l'ennemi de la chose publique. Ce que l'intérêt bien entendu du pays exigeait d’eux, ce que les voix éloquentes de la raison, de la justice, du progrès constant et réel, n'avaient pu faire, un homme l'a accompli.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Au lieu de s'adresser à l'action décisive, mais lente, de la raison, au lieu d'appeler à son aide les résultats, éclatants déjà, de son oeuvre nouvelle, au lieu de faire plaider pour lui les fruits déjà mûris de ses grands labeurs, Napoléon III a mieux fait : il s'est adressé aux sentiments généreux de la nation ; il a fait vibrer les cordes du dévouement et du courage ; il a compris qu'aux cœurs simples il fallait de grands actes ; qu'aux natures vives les grands mouvements étaient sympathiques ; qu'aux âmes ardentes il fallait montrer de bouillantes ardeurs.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il a fait cela ; et désormais le peuple est pour lui. Et désormais ce ne seront plus seulement les majorités qui l'acclameront. Mais de toutes les poitrines, de toutes les bouches, sortira ce cri, brûlant d'enthousiasme et d'affection, qui vient de retentir avec tant d'unité sur les bords de la Loire et du Rhône, comme le 14 juin, des Tuileries à Notre-Dame : <em>Vive l’Empereur !</em> »</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Charles Robin, <em>Inondations de 1856. Voyage de l’Empereur</em>, </span></div><div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Paris, Garnier Frères, 1856. </span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-42020013682210402402011-01-08T17:24:00.003+01:002011-01-08T17:30:02.414+01:00"Malheur à qui s'obstinerait... à marcher dans les voies ténébreuses des temps d'ignorance et de barbarie !" (Abbé Châtel, 1848)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TSiMZQNMDbI/AAAAAAAAArM/FKGyWZcq3fM/s1600/Abb%25C3%25A9+Ch%25C3%25A2tel.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" n4="true" src="http://3.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TSiMZQNMDbI/AAAAAAAAArM/FKGyWZcq3fM/s320/Abb%25C3%25A9+Ch%25C3%25A2tel.JPG" width="251" /></a></div><div align="left" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: left;"><span style="font-size: x-small;">Ferdinand-François Châtel (1795-1857), évêque-primat de l'Eglise-Française, fondée au début des années 1830 et dissoute au début des années 1840 par la Monarchie de Juillet, sous la pression du Vatican. Illustration tirée de G. Sarrut, Saint-Edme, <em>Biographie de M. l'abbé Châtel</em>, Paris, 1836.</span></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><strong>« LIBERT<span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">É</span>. EGALIT<span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">É</span>. FRATERNIT<span style="font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-fareast-language: FR;">É</span> !</strong></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><strong> Manifeste de l'Eglise-Française.</strong></div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;">Aux Citoyens et Ministres de tous les cultes.</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: center;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">Citoyens, Ministres et Fidèles des vieilles religions, tout est fini avec les doctrines mystiques, incomprises du passé. Dieu vient d'illuminer les Nations d'une lumière soudaine, éclatante. Malheur à qui s'obstinerait à ne pas voir cette lumière divine, et à marcher dans les voies ténébreuses des temps d'ignorance et de barbarie ! Le vieil homme doit être dépouillé ; tout doit être renouvelé. <em>Recedant velera ; nova fiant omnia</em>. (Nous citons du latin, pour que nos frères soient à même de vérifier le texte de l'hymne de l'Église romaine où se trouvent ces paroles.)</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;"></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; text-align: justify;">C'est au nom de cet Etre suprême qui est votre maître comme le nôtre, mais que, malheureusement, nous sommes loin d'adorer et d'admettre de la même manière, que, Fidèles, Pontifes et Ministres de l'Eglise-Française, nous venons tous vous offrir l'accolade fraternelle, et vous proposer pour la millième fois, depuis dix-huit années, des Conférences publiques dans lesquelles seront discutés, devant Dieu et le Peuple, les principes de l'Église-Française et les vôtres. Le public entendra et jugera ; car, Messieurs et chers Confrères, ce n'est ni à vous, ni aux sectateurs de vos Églises, ni à l'Église-Française, ni à moi, de prétendre que nous avons seuls raison et que Dieu nous a faits seuls infaillibles.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'infaillibilité appartient à Dieu seul. Elle est incommunicable à l'être humain, attendu qu'elle suppose des attributs infinis que l'homme ne saurait posséder.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Vous le savez bien, Messieurs et chers Confrères ; pourquoi ne pas l'avouer, le temps des réticences est passé. Les Peuples, aujourd'hui, peuvent supporter sans en être éblouis et terrassés, comme Moïse au Sinaï, les divins rayons de l'éternelle lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous sommes Frères en Dieu et en Christ. Nous l'avons dit bien des fois à MM. les abbés de Ravignan et Milleriot que, dans sa sollicitude épiscopale, le Pontife de l'Eglise romaine de Paris avait commis pour nous ramener dans ce que les catholiques-latins appellent les voies au salut. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, vous le savez, cette mission est restée sans succès, nonobstant le talent et le zèle bien connu de ces deux ecclésiastiques, dont je me plais à proclamer ici le mérite et les vertus sacerdotales. Comment s'est-il donc fait que nous n'ayons pu nous entendre complètement ? En voici les motifs en deux mots :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Votre Eglise romaine, comme les royautés qui tombent chaque jour, se croit immuable; elle prétend seule avoir le monopole de la parole sainte et de la vérité. Ses dogmes sont pour elle une arche sainte à laquelle nul autre que ses ministres n'a le droit de toucher. Croire sans voir et sans comprendre, c'est là, selon vous, une condition sine qua non de salut éternel.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'Eglise-Française, au contraire, conformément aux paroles de l'éternelle vérité, qui a livré le monde aux explorations incessantes de l'humanité, veut voir et comprendre avant d'admettre et de croire. Pour elle, le témoignage des hommes n'est point un moyen infaillible de juger, l'homme marchant sans cesse à la découverte de vérités inconnues. Dans le grand tout, Dieu seul et la loi sont immuables, parce que seuls ils sont infaillibles.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ni votre Eglise, ni la nôtre ne devant avoir la prétention impie d'être infaillibles, nous devons donc. Ministres et Fidèles de l'Eglise-Romaine et de l'Eglise-Française, ou de toute autre Eglise, si nous voulons vraiment ne plus former qu'une âme et qu'un corps, chercher à nous unir en esprit et en vérité, c'est-à-dire par la croyance au même Dieu, aux mêmes lois et par la pratique des mêmes vertus sociale.</div><div style="text-align: justify;">Pour atteindre ce but qui doit réaliser le règne de Dieu sur la terre, en faisant de l'humanité une seule et même famille, voici ce que propose l'Eglise-Française dont je ne suis ici que le simple délégué :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">1° Abolition et confiscation, au profit de la raison, des mystères et des doctrines incomprises du passé.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">2° Dieu, ses attributs, sa loi ; l'Homme, ses attributs et sa loi ; l'univers enfin et la loi naturelle, scrutés, examinés et connus par les seules lumières venant de l'Être suprême, c'est-à-dire par la raison et la science.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">3° Plus de révélation de privilèges faite à quelques hommes, mais la grande révélation universelle se faisant éternellement à tous les êtres de la création, selon ces paroles divines :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><em><span style="font-size: x-small;"> Les Cieux instruisent la terre </span></em></div><div style="text-align: justify;"><em><span style="font-size: x-small;"> A révérer leur auteur; </span></em></div><div style="text-align: justify;"><em><span style="font-size: x-small;"> Tout ce que leur globe enserre </span></em></div><div style="text-align: justify;"><em><span style="font-size: x-small;"> Célèbre un Dieu créateur. </span></em></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">4° Plus de Paradis, plus d'Enfer ou de Purgatoire qu'on ne puisse obtenir ou éviter qu'au moyen de prières, de jeûnes, de privations matérielles, intellectuelles ou morales ; mais bien DEUX MILIEUX après cette vie, l’un de gloire et de bonheur, ou le CIEL pour les justes ; l'autre, d'expiation ou de réparation momentanée et en rapport avec le délit, ou la GEHENNE pour les pécheurs.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">5° Les cérémonies d'Eglise, considérées uniquement comme des symboles de ce qu'il faut croire et pratiquer pour obtenir la vie éternelle, et non comme des moyens desquels puisse venir directement la grâce de Dieu, le salut consistant exclusivement et toujours dans les bonnes œuvres, indépendamment de toute forme religieuse. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">6° Suppression, par conséquence, des indulgences, les prières, du jeûne, de l'abstinence, des invocations au Ciel pour en obtenir un changement d'atmosphère, ou tout autre miracle qui serait une dérogation à la loi immuable de Dieu.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">7° Adorations, glorifications, actions de grâces, remerciements, commémorations, souvenirs substitués, soit pour Dieu, soit pour l'homme, aux demandes et aux prières des vieux cultes.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">8° Abolition de la confession auriculaire, comme injurieuse à Dieu et à l’humanité, en ce qu'elle donnerait au Prêtre le pouvoir exorbitant de remettre ou de retenir les péchés, dont la rémission consiste uniquement dans la réparation du mal et dans la pratique des vertus sociales</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">9° Plus de culte à la Vierge, comme mère de Dieu, qui ne peut avoir de mère ; mais culte de souvenir, d'admiration à Marie, parce qu'elle fut la mère de l’un des plus grands enfants des hommes, et parce qu'en toute occasion, elle se montra digne de ce grand, législateur des Chrétiens.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">10° Christ, honoré comme un sublime législateur, et non adoré comme un Dieu, conformément à ces paroles évangéliques : <em>C’est ici la vie éternelle, qu'ils te connaissent, toi, qui es le SEUL VRAI DIEU, et Jésus-Christ que tu as envoyé…</em> II n'y a qu'un seul Dieu et il n’y en a aucun autre. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">11° L'Eucharistie admise, non comme la présente réelle du corps, du sang, et de l'âme d'un Dieu dans le pain et le vin, mais comme l'expression symbolique des trois termes de la vie humaine : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">12° La célébration du culte en langue vulgaire, en conformité avec la raison, le sens commun et avec l’enseignement de saint Paul : <em>"J'aimerais mieux ne dire que cinq paroles dans l'Église de Dieu, dont j'aurais l'intelligence, afin d'en instruire aussi les autres, que d'en dire dix mille dans un langage inconnu. Si je vous parle un langage que vous ne comprenez pas, comment pourrez-vous répondre AMEN à la fin de mes oraisons ? vous ne savez pas ce que je dis."</em></div><div style="text-align: justify;"><br />
13° Le mariage, ou l'union de l'homme et de la femme, étant de droit naturel et divin, plus de CÉLIBAT DES PRÊTRES, selon ces paroles de saint Paul lui-même : <em>"il faut que l’évêque soit mari d’une seule femme.... qu’il gouverne bien sa propre famille, tenant ses enfants dans la soumission."</em> (Timothée III, 2, 4,12.)</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">14° Conformément aux enseignements de la raison : <em>on n'honore que ce qui est honorable, et on sait qu'il n'y a d’honorable que ce qui est utile </em>(<em>Code de l'Humanité</em>, chap. 6, v. 188.). En conséquence, le culte aux madones et aux saints prétendus, qui ne sont connus que par leur ascétisme, leurs mortifications insensées et leur inutilité pour la chose publique, est remplacé par le culte des grands hommes. On lit sur les portiques du Temple : <span style="font-size: x-small;">AUX GRANDS HOMMES ET AUX FEMMES ILLUSTRES, L'HUMANITÉ ET LA PATRIE RECONNAISSANTES. </span></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">15° <em>Constitution et hiérarchie ecclésiastiques.</em> Les bases de la constitution ecclésiastique étant la Liberté, l’Egalité et la Fraternité, et la qualification de <em>Monseigneur</em> supposant nécessairement des esclaves, cette qualification est abolie. Ceux que le peuple souverain a choisi pour diriger les églises sont appelés <em>Citoyens pontifes</em> ; les pasteurs des églises particulières, <em>Directeurs</em> ; les vicaires, <em>Vice-Directeurs</em>, et les autres membres du clergé, <em>Lévites</em>. Tous les membres de la hiérarchie sacerdotale sont élus par le peuple, et consacrés par lui et les membres du clergé dans le Temple de Dieu. Cette élection et cette consécration se font à l’Eglise par l’imposition des mains du peuple et des membres du clergé. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">16° Il y a dans toutes les églises des Comités composés en majorité de membres-laïcs et en minorité membres du clergé. Tous membres de ces Comités élus par le Peuple Souverain. Deux des principales fonctions des Comités de veiller tous les membres du clergé ce que la foi ne soit point faussée, et à ce que la vie matérielle, intellectuelle et morale soit intégralement garantie à tous les Frères. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Telles sont, chers confrères et chers Frères, les conditions auxquelles une fusion peut avoir entre lieu entre toutes nos Eglises dissidentes. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quoi qu’il arrive, toutefois, nous n’en serons pas moins Frères en Dieu et en l’humanité. Citoyens et Frères de l’Eglise-Française, nous nous réunirons partout et où nous pourrons, en attendant que la Nation et le Gouvernement nous donnent des Temples. </div><br />
Les membres et ministres du Comité de l’Eglise-Française :<br />
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<div style="text-align: center;">[suivent 20 signatures]</div><br />
<div style="text-align: center;">VIVE LA REPUBLIQUE !</div><br />
<div style="text-align: right;">Par délégation de nos frères et de nos confrères de Paris,</div><div style="text-align: right;"><br />
</div><div style="text-align: right;">Le fondateur de l’Eglise-Française</div><div style="text-align: right;">CHÂTEL. </div><div style="text-align: right;"><br />
</div><div style="text-align: right;">Au siège provisoire de l’Eglise-Française, 5, rue de Fleurus, </div><div style="text-align: right;"><br />
</div><div style="text-align: right;">Paris, le 1er mars 1848. » </div><br />
<div align="left"></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5600768018387690813.post-53594346163997186722011-01-08T10:50:00.001+01:002011-01-08T11:02:40.021+01:00"Nous sommes las de voir Paris disposer à lui tout seul du sort de tout le pays" (anonyme, 1871)<div class="separator" style="border-bottom: medium none; border-left: medium none; border-right: medium none; border-top: medium none; clear: both; text-align: center;"><a href="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TSgxOjTJNDI/AAAAAAAAArE/QojddzSFSeA/s1600/citoyens+de+Fouilly-les-Oies+%25281871%2529.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; cssfloat: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" n4="true" src="http://4.bp.blogspot.com/_kNtxoS2tVQ4/TSgxOjTJNDI/AAAAAAAAArE/QojddzSFSeA/s320/citoyens+de+Fouilly-les-Oies+%25281871%2529.JPG" width="252" /></a></div><div style="text-align: left;"><span style="font-size: x-small;"><em>"En avant citoliens</em> [sic] <em>de Fouilly-les-Oies ! Allons corriger Paris !..."</em> Dessin signé : <em>"Brutal, 2 avril 1871",</em> Imp. Talons, Paris, 1871. </span></div><div style="text-align: justify;"><br />
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</div><div style="text-align: justify;">« Parisiens,</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il paraît qu'en ce moment, vous êtes terriblement en colère contre nous autres pauvres provinciaux : si j'en juge par ce que j'entends dire de divers côtés, quolibets, caricatures, sarcasmes, épithètes mal sonnantes pleuvent dru comme grêle sur nous et sur les représentants que nous avons choisis. J'ai lu moi-même sur certain journal des expressions qu'il me coûterait de reproduire. Parbleu !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Messieurs, ah ! pardon : <em>citoyens</em>, devrais-je dire, à <em>Fouilly-les-Oies</em>, on se respecte davantage. Vous vous attribuez modestement la réputation du peuple le plus spirituel de la terre ; à coup sûr, ce n'est pas ainsi que vous parviendrez à la justifier. Et quelle est la cause de tout ce vacarme, de ce débordement de bile ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Vous nous reprochez, si je ne me trompe, de n'être pas de fervents républicains ; vous nous reprochez de jalouser Paris ; il en est même qui vont jusqu'à nous reprocher d'avoir contribué aux mal heurs du pays par notre vote sur le plébiscite ; mais cette dernière imputation se glisse sournoisement dans les conversations et n'a pas encore osé, que je sache, s'étaler dans les colonnes de vos grands journaux. Si jamais elle l'osait, nous y répondrions, soyez-en sûrs, et vertement. Quant aux deux premières que nous voyons partout reproduites à satiété, trouvez bon que nous ne les laissions pas sans réplique.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ah ! vous nous reprochez de ne pas être de fervents républicains ! Eh bien! nous vous reprochons, nous, habitants de <em>Fouilly-les-Oies</em>, de crier République sans savoir définir ce que ce mot signifie, et surtout sans vouloir pratiquer les obligations que cette forme de gouvernement impose.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">De plus, nous vous déclarons très-nettement que nous sommes las de voir Paris disposer à lui tout seul du sort de tout le pays, changer à lui tout seul, par le droit de l'émeute, la forme du gouvernement, empêcher ainsi la sincère application des principes et fausser les institutions. Si c'est là ce que vous appelez jalouser Paris, vous n'avez pas tort.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous accusons les républicains de profession d'avoir été, depuis 92, les principaux auteurs de toutes les agitations ; et nous accusons Paris de leur avoir donné, par la dictature politique qu'il exerce, le moyen de bouleverser le pays, de tout changer à plusieurs reprises, quoiqu'ils n'aient été jusqu'à ce jour, et qu'ils ne soient encore aujourd'hui qu'une minorité.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Enfin, nous osons affirmer que, malgré vos bruyantes professions de républicanisme, s'il y a quelque chose de difficile à trouver parmi vous, c'est un véritable républicain. On y voit, il est vrai, des hommes, en certain nombre, qui se donnent mutuellement, et avec une affectation marquée, le titre de citoyens ; qui mettent au bas de leurs lettres : <em>salut et fraternité</em> ; qui datent leurs journaux de <em>Frimaire</em> ou de <em>Vendémiaire </em>; mais cela ne suffit pas, à nos yeux, pour prouver des convictions sincères, et surtout des convictions raisonnées. Dans cet emploi de certaines formules, dans cette résurrection du calendrier républicain (calendrier qui avait du bon, politique à part), nous ne trouvons autre chose qu'une réminiscence maladroite d'une époque étrange, complexe, où les faits héroïques se sont alliés à une monstrueuse aberration morale. Ah ! les réminiscences de l'histoire ! que de maux elles nous ont causés ! C'est à elles que nous devons tant de <em>Césars</em> ; c'est à elles que nous devons tant de tribuns à l'enthousiasme factice ; c'est à elles que nous avons dû les <em>Gracchus</em> en bonnet phrygien et les <em>Brutus</em> en carmagnole. Allons ! allons ! assez de parodies !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Voilà qui est un peu raide, comme vous dites à Paris ; mais, à <em>Fouilly-les-Oies</em>, on ne va pas par quatre chemins : ce que l'on pense des gens, on le leur dit en face, et ce que l'on dit, on le prouve.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Avec cette adorable suffisance qui vous caractérise, vous affirmez que nous sommes tous gens dépourvus de lumières et de jugement. Sans doute, il est parmi nous plus d'un type de cette espèce ; mais n'en est-il aucun parmi vous ? La seule différence entre vos ignorants et les nôtres, c'est que les uns sont présomptueux et tranchants, les autres très timides.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Vous prétendez que, préoccupés uniquement de nos champs et de nos bestiaux, nous faisons bon marché des nobles aspirations à l'indépendance et à la liberté : la vérité est que nous nous en soucions tout autant que vous. Seulement, jusqu'à ce jour, une certaine apathie et le sentiment exagéré de notre insuffisance nous ont portés à résumer toutes nos aspirations dans un enthousiasme commode pour quelque individualité, à laisser faire, à recevoir, les yeux fermés, tout ce qui nous venait de la Capitale. Nous commençons à nous apercevoir que nous avons eu tort. Croyez-moi, Messieurs les Parisiens, il en est plus d'un parmi nous qui sont instruits et capables de penser : ils comprennent enfin que des institutions libres imposent à tous ceux qui sont dignes et capables d'exercer autour d'eux quelque influence le devoir d'y travailler énergiquement, en un mot, que noblesse oblige : ils y sont bien résolus. »</div><br />
<div style="text-align: right;"><span style="font-size: x-small;">Anonyme, <em>Lettres aux Parisiens. Par un habitant de Fouilly-les-Oies</em>, Meaux, Impr. de Cochet, 1871.</span></div>l'aimable faubourienhttp://www.blogger.com/profile/04425356976112958780noreply@blogger.com0