mardi 12 janvier 2010

Les faubouriens : quelques opinions contemporaines...

Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Vol. 26, Paris, Belin-Mandar, 1836 :

"FAUBOURIEN. Ce mot, qui jusqu'à présent n'a pu obtenir droit de bourgeoisie dans aucun dictionnaire, est reçu dans la conversation familière, et s'applique à une classe qui, en dépit de la civilisation, a conservé une physionomie tout-à fait distincte. C'est dans les grandes villes surtout que le faubourien a occupé l'attention du moraliste. Plongé tout entier dans les sensations du moment, nulle pensée d'avenir n'est jamais entrée dans son esprit ; devoirs, affections de famille, tout ce qui lie et attache les autres hommes lui est indifférent ; il n'existe que pour s'amuser. Sait-il une profession, il ne l'exerce que par intervalles et en consacre tout le lucre au plaisir. Le faubourien ne manque jamais la première représentation d'un mélodrame : c'est pour lui que le crime s'y montre à profusion et que le remords arrive à la dernière scène : pour être heureux, il faut qu'il puisse tour à tour frémir d'indignation et pleurer de pitié. Il aime et admire la vertu sur la scène comme dans le monde, pourvu qu'elle ne le dérange pas de ses habitudes ; au reste, il donne, prête, emprunte, ne redemande pas et ne rend rien. Livré à tous les genres d'excès, il ne s'inquiète pas plus de sa santé que des maladies qui tôt ou tard doivent l'atteindre; il va droit à l'hospice, comme à un lieu de retraite qui a été fait tout exprès pour lui. — Les grandes, les véritables époques de gloire, de triomphes et de délices, pour le faubourien, sont les troubles et les émeutes : il n'y a sans doute aucun intérêt, puisque leur dénouement ne tournera jamais à son profit ; n'importe ! il est toujours le premier en ligne, tirant son coup de fusil et présentant sa poitrine au feu. Sous cet aspect, il est devenu depuis 1830 un personnage politique, et on a vu de petits faubouriens, à peine agés de 13 ans, démonter des cavaliers. [...] Saint-Prosper."



Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte: argots parisiens comparés, Paris, E. Dentu, 1867 :

"Faubourien, s. m. Homme mal élevé, grossier, — dans l'argot des bourgeois, qui voudraient bien être un peu plus respectés du peuple qu'ils ne le sont."



Victor Hugo, Les Misérables, Lausanne, Larpin, 1863 :

"Le Parisien est au Français ce que l'Athénien est au Grec ; personne ne dort mieux que lui, personne n'est plus franchement frivole et paresseux que lui, personne mieux que lui n'a l'air d'oublier ; qu'on ne s'y fie pas pourtant ; il est propre à toute sorte de nonchalance, mais quand il y a de la gloire au bout, il est admirable à toute espèce de furie. Donnez-lui une pique, il fera le 10 août ; donnez-lui un fusil, vous aurez Austerlitz. Il est le point d'appui de Napoléon et la ressource de Danton. S'agit-il de la patrie ? il s'enrôle; s'agit-il de la liberté ? il dépave. Gare ! ses cheveux pleins de colère sont épiques ; sa blouse se drape en chlamyde. Prenez garde. De la première rue Grénetat venue, il fera des fourches caudines. Si l'heure sonne, ce faubourien va grandir, ce petit homme va se lever, et il regardera d'une façon terrible, et son souffle deviendra tempête, et il sortira de cette pauvre poitrine grêle assez de vent pour déranger les plis des Alpes. C'est grâce au faubourien de Paris, que la révolution, mêlée aux armées, conquiert l'Europe. Il chante, c'est sa joie. Proportionnez sa chanson à sa nature, et vous verrez ! Tant qu'il n'a pour refrain que la Carmagnole, il ne renverse que Louis XVI ; faites-lui chanter la Marseillaise, il délivrera le monde."


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