« Le principe sur le quel repose la société d’aujourd’hui, c’est celui de l’isolement, de l’antagonisme, c’est la concurrence. […] La concurrence, c’est – je le dis tout d’abord – c’est l’enfantement perpétuel et progressif de la misère. Et en effet, au lieu d’associer les forces de manières à leur faire produire leur résultat le plus utile, la concurrence les met perpétuellement en état de lutte ; elle les annihile réciproquement, elle les détruit les uns par les autres. […] La concurrence est une cause d’appauvrissement général, parce qu’elle livre la société au gouvernement grossier du hasard. Est-il, sous ce régime, un seul producteur, un seul travailleur, qui ne dépende pas d’un atelier lointain qui se ferme, d’une faillite qui éclate, d’une machine tout à coup découverte et mise au service exclusif d’un rival ? Est-il un seul producteur, un seul travailleur, à qui sa bonne conduite, sa prévoyance, sa sagesse, soient de sûres garanties contre l’effet d’une crise industrielle ? […]
Un trait essentiel manquerait à ce triste tableau, si j’oubliais d’ajouter qu’en créant la misère, la concurrence crée l’immoralité. Car qui oserait le nier ? C’est la misère qui fait les voleurs ; c’est la misère qui, en greffant le désespoir et la haine sur l’ignorance, fait la plupart des assassins ; c’est la misère qui fait descendre tant de jeunes filles à vendre hideusement le doux nom d’amour. […] Voilà donc la société introduisant au milieu d’elle, par le seul vice de sa constitution, la haine, la violence, l’envie ; la voilà se plaçant elle-même dans cette alternative ou d’être opprimée par le haut, ou d’être incessamment troublée par les attaques d’en bas. Que le système d’où naît une situation aussi désastreuse se défende ! Nous l’accusons hautement d’immoralité (Bravo !).
Un trait essentiel manquerait à ce triste tableau, si j’oubliais d’ajouter qu’en créant la misère, la concurrence crée l’immoralité. Car qui oserait le nier ? C’est la misère qui fait les voleurs ; c’est la misère qui, en greffant le désespoir et la haine sur l’ignorance, fait la plupart des assassins ; c’est la misère qui fait descendre tant de jeunes filles à vendre hideusement le doux nom d’amour. […] Voilà donc la société introduisant au milieu d’elle, par le seul vice de sa constitution, la haine, la violence, l’envie ; la voilà se plaçant elle-même dans cette alternative ou d’être opprimée par le haut, ou d’être incessamment troublée par les attaques d’en bas. Que le système d’où naît une situation aussi désastreuse se défende ! Nous l’accusons hautement d’immoralité (Bravo !).
Mais quoi ! On nous avertit que si nous touchons à la concurrence, nous portons la main sur la liberté. Une pareille objection est-elle sérieuse ? Ah ! J’avoue qu’un tel reproche me remplit d’étonnement. Car si nous ne voulons pas de la concurrence, c’est précisément parce que nous sommes les adorateurs de la liberté. Oui, la liberté, mais la liberté pour tous, tel est le but à atteindre, tel est le but vers lequel il faut marcher (Bruyante approbation). […]
Que la liberté existe aujourd’hui, et dans toute sa plénitude, pour quiconque possède des capitaux, du crédit, de l’instruction, c’est-à-dire les divers moyens de développer sa nature, je suis certainement loin de le nier. Mais la liberté existe-t-il pour ceux à qui manquent tous les moyens de développement, tous les instruments de travail ? Quel est le résultat de la concurrence ? N’est-ce pas mettre les premiers aux prises avec les seconds, c’est-à-dire les hommes armés de pied en cap, avec des hommes désarmés ? La concurrence est un combat, qu’on ne l’oublie pas. Or, quand ce combat s’engage entre le riche et le pauvre, entre le fort et le faible, entre l’homme habile et l’ignorant, on ne craint pas de s’écrier : place à la liberté ! Mais cette liberté-là, c’est celle de l’état sauvage. Quoi ! le droit du plus fort, c’est ce qu’on ne rougit point d’appeler la liberté ! Eh bien, je l’appelle, moi, l’esclavage. Et j’affirme que ceux d’entre nous qui, par suite d’une mauvaise organisation sociale, sont soumis à la tyrannie de la faim, à la tyrannie du froid, à la tyrannie invisible et muette des choses, sont plus réellement esclaves que nos frères des colonies […] (c’est vrai ! c’est vrai ! Applaudissements).
Disons-le bien haut : la liberté consiste, non pas seulement dans le DROIT, mais dans le POUVOIR donné à chacun de développer ses facultés. D’où il suit que la société doit à chacun de ses membres, et l’instruction, sans laquelle l’esprit humain ne peut se développer, et les instruments de travail, sans lesquels l’activité humaine est d’avance étouffée ou tyranniquement rançonnée.
Il faut donc, pour que la liberté de tous soit établie, assurée, que l’Etat intervienne. Or, quel moyen doit-il employer pour établir, pour assurer la liberté ? L’association. A tous, par l’éducation commune, les moyens de développement intellectuel ; à tous, par la réunion fraternelle des forces et des ressources, les instruments de travail ! Voilà ce que produit l’association, et voilà ce qui constitue bien véritablement la liberté (Bravo !).
Du reste, qu’on ne s’y trompe pas, ce grand principe de l’association, nous ne l’invoquons pas seulement comme moyen d’arriver à l’abolition du prolétariat, mais comme moyen d’accroître indéfiniment la fortune publique, c’est-à-dire que nous l’invoquons pour les riches, pour les pauvres, pour tous le monde. […] Avec l’association universelle, avec la solidarité de tous les intérêts noués puissamment, plus d’efforts annulés, plus de temps perdu, plus de capitaux égarés, plus d’établissements se dévorant les uns les autres ou mourant du contre-coup de quelques faillites lointaines et imprévue, […] plus de travailleurs enfin cherchant au milieu d’un désordre immense l’emploi qui les cherche eux-mêmes sans les trouver. »
Discours de Louis Blanc (1811-1882) sur la concurrence, prononcé devant l’assemblée générale des délégués des travailleurs le 3 avril 1848 (extraits).
Il faut donc, pour que la liberté de tous soit établie, assurée, que l’Etat intervienne. Or, quel moyen doit-il employer pour établir, pour assurer la liberté ? L’association. A tous, par l’éducation commune, les moyens de développement intellectuel ; à tous, par la réunion fraternelle des forces et des ressources, les instruments de travail ! Voilà ce que produit l’association, et voilà ce qui constitue bien véritablement la liberté (Bravo !).
Du reste, qu’on ne s’y trompe pas, ce grand principe de l’association, nous ne l’invoquons pas seulement comme moyen d’arriver à l’abolition du prolétariat, mais comme moyen d’accroître indéfiniment la fortune publique, c’est-à-dire que nous l’invoquons pour les riches, pour les pauvres, pour tous le monde. […] Avec l’association universelle, avec la solidarité de tous les intérêts noués puissamment, plus d’efforts annulés, plus de temps perdu, plus de capitaux égarés, plus d’établissements se dévorant les uns les autres ou mourant du contre-coup de quelques faillites lointaines et imprévue, […] plus de travailleurs enfin cherchant au milieu d’un désordre immense l’emploi qui les cherche eux-mêmes sans les trouver. »
Discours de Louis Blanc (1811-1882) sur la concurrence, prononcé devant l’assemblée générale des délégués des travailleurs le 3 avril 1848 (extraits).
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