mercredi 22 septembre 2010

"Les femmes... quoique traitées avec égard... sont considérées comme une propriété" (N. Perrin, 1842)

"Femmes de Kaboul" par James Rattray (vers 1840).


« Les Afghans achètent leurs femmes. Cette habitude est reconnue par la loi musulmane et commune dans la plus grande partie de l'Asie ; le prix varie chez les Afghans suivant la fortune du mari. Le résultat de cette coutume est que les femmes, quoique traitées avec égard en général, sont, en quelque sorte, considérées comme une propriété. Un mari demande le divorce sans être obligé d'alléguer des motifs ; mais la femne ne peut quitter son mari. [...]

L'âge ordinaire pour le mariage, dans l'Afghanistan, est de vingt ans pour les hommes, et quinze ou seize pour la femme. Les hommes à qui leur état de fortune ne permet pas d'acheter une femme restent quelquefois jusqu'à quarante ans dans le célibat ; et on voit des femmes ne se marier qu'à vingt-cinq ans. Par contre, les riches contractent quelquefois des unions avant l'âge de puberté. Les citadins se marient aussi très-jeunes, et les Afghans orientaux unissent des jeunes gens de quinze ans à des filles de douze, et même plus tôt quand leur état de fortune le permet. Chez les Afghans occidentaux, le jeune homme ne se marie guère avant l'époque de son entier développement, et seulement quand la barbe orne son menton. [...]

La condition des femmes varie avec leur rang ; celles des classes supérieures de la société vivent dans une retraite complète, mais elles jouissent de tous les agréments, de tous les raffinements du luxe que leur position de fortune permet. Celles de la classe pauvre s'occupent des détails du ménage et vont chercher de l'eau. Dans les tribus les moins avancées en civilisation, elles secondent leurs époux dans les travaux du dehors. La loi musulmane permet au mari de châtier sa femme, mais l'emploi des moyens de rigueur serait pour un Afghan peu honorable.

Les dames de la classe élevée savent lire pour la plupart et, à quelques-unes, la littérature n'est pas étrangère. D'un autre côté, il est peu décent pour une femme de prendre la plume parce que son talent peut lui offrir des moyens de correspondre avec un amant. Il n'est pas rare de rencontrer parmi elles des caractères supérieurs et il s'en trouve qui dirigent totalement leurs époux.

Les femmes des villes sortent enveloppées dans de grandes couvertures blanches qui descendent jusqu'aux pieds et cachent complétement leur figure ; mais elles font en sorte de se laisser voir à travers les mailles d'un réseau pratiqué dans le capuchon blanc qui couvre leur tête. Ce vêtement est adopté par les femmes de condition lorsqu'elles sortent, et comme elles montent alors à cheval, elles chaussent une paire de larges bottes de coton blanc qui dissimulent les formes de la jambe. Elles voyagent aussi dans des kedjaouas ou paniers placés de chaque côté d'un chameau et qui sont assez commodes pour leur permettre de se tenir dans la position horizontale ; mais alors on jette sur elles une grande couverture et la chaleur risque de les asphyxier.

"Femme de Kandahar", par James Rattray (v. 1840)

Telle est la condition des femmes dans les villes ; celles de la campagne sortent sans voile, et la seule réserve à laquelle elles soient soumises dans leur camp ou village est celle qui est imposée par l'opinion générale, qui leur refuse la faculté de se trouver avec des personnes de l'autre sexe. Aperçoiventelles un homme qu'elles ne connaissent point particulièrement, elles se couvrent immédiatement la figure; elles n'entrent jamais dans le saion de leur maison s'il s'y trouve un étranger ; mais elles mettent de côté ces précautions avec les Arméniens, les Persans ou les Hindous, qu'elles comptent pour rien. En l'absence de leur mari, elles reçoivent les hôtes avec tous les égards requis de l'hospitalité.

Toute personne qui connaît la nation afghane fait l'éloge de la chasteté des femmes de la campagne, et surtout de celles des pasteurs. La prostitution ne se rencontre que dans les villes, et encore y est-elle rare, surtout dans l'ouest. La fréquentation des filles publiques compromet; mais leur habitude de la société, la politesse de leurs manières, les artifices auxquels elles ont recours pour fasciner les regards, ont un tel charme, que la faculté dont on jouit, d'avoir le nombre de femmes et de concubines qu'on désire, n'est pas toujours suffisante pour détourner les hommes opulents de leur société.

Les Afghans sont peut-être le seul peuple de l'Orient chez lequel j'ai reconnu le sentiment de l'amour tel que le comprennent les Européens. »

Narcisse Perrin, L'Afghanistan, ou description géographique du pays théâtre de la guerre, Paris, Arthus-Bertrand libraire, 1842.  

2 commentaires:

  1. Ah comme ces gens là savent vivreque venons nous leur apporté nous barbares modernes? .... plus sèrieusement tes illustrations sont magnifique cela donne envie de trouver le livre dont elles sont issues!!

    cordialement
    paco

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  2. Les images proviennent du site de la British Library (www.bl.uk). Pour les consulter et en visualiser d'autres, il suffit de rentrer le nom de James Rattray dans le moteur de recherche interne. Quant à l'ouvrage dont elles sont issues, sont titre complet est : "The costumes of the various tribes, portraits of ladies of rank, celebrated princes and chiefs, views of the principal fortresses and cities, and interior of the cities and temples of Afghanistaun: From original drawings" (publié en 1848).

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