mardi 2 février 2010

La pénibilité du métier de cheminot au XIXe siècle (1859)

"Opinion des chevaux : supprimez les relais, nous n'avons plus de mal".





Dessin de Bertall, Cahier des charges des chemins de fer. Pamphlet illustré, Paris, chez Hetzel, 1847.


« Le service du mécanicien est rude et pénible, on le voit prendre sa machine, lorsqu'on vient de l'allumer et ne la quitter que lorsqu'elle rentre au dépôt, et durant tout ce temps il ne doit pas la perdre de vue un seul instant, ayant l'œil constamment ouvert à tout ce qui se passe sur la route, et l'oreille toujours tendue vers le signal éventuel de la trompe du cantonnier.

Le chauffeur est l'aide absolument nécessaire du mécanicien, il doit être jeune, robuste, alerte; ses fonctions ne consistent pas seulement à alimenter le foyer du combustible et à mettre de l'huile sur diverses pièces de la machine, mais encore à serrer le frein placé sur le tender, lorsqu'il faut arrêter le convoi.

Les mécaniciens, comme les chauffeurs, ont un service extrêmement pénible. Sur plusieurs lignes, on les fait travailler de douze à seize heures par jour, faisant en une journée 450 à 400 kilomètres ; soit en une, soit en plusieurs fois. Ils n'ont généralement en France que deux jours complets de repos par mois, et encore faut-il qu'il n'y ait pas de malades ou de service extraordinaire, et pour ce dur labeur, les mécaniciens reçoivent de 250 à 150 fr. par mois, et les chauffeurs de 120 à 100 fr. par mois, non compris quelques primes qui reposent sur les économies qu'ils peuvent faire sur le combustible, sur la graisse, sur l'huile. Exposés qu'ils sont à toutes les intempéries de l'air, ils doivent être vêtus de manière à pouvoir affronter le froid et la pluie. […]

Généralement, les chemins de fer exercent une heureuse influence sur la santé des mécaniciens et des chauffeurs, et plus d'un d'entre eux, d'une apparence grêle et d'une constitution délicate, a trouvé sur sa machine ou sur son tender, des forces physiques qu'il ne connaissait pas. Bien des agents extérieurs s'exercent néanmoins contre eux : ce sont, d'un côté, les exhalaisons des combustibles, les effets de la vitesse, la trépidation des machines, l'action de la fumée et des flammèches, la poussière des tubes et de la voie; de l'autre, l'exposition constante au soleil, au froid, au vent, à lu pluie, à la neige, aux brouillards. […]

Quoique en général les chemins de fer exercent une heureuse influence sur la santé du mécanicien et du chauffeur ; il est toutefois évident que leur exposition constante à toutes les intempéries de l'air les prédispose à toutes ces maladies, qui ont souvent pour cause le froid et l'humidité. De là, des rhumatismes, des névralgies et principalement des névralgies faciales et sciatiques, des bronchites, des pneumonies, des pleurésies, des diarrhées, etc. Mais il est une affection très commune chez les mécaniciens et les chauffeurs, due à la station debout trop prolongée et à la trépidation continuelle et presque inévitable des locomotives. Cette affection, sur laquelle M. le docteur Duchesne [cf. note] a, le premier, éveillé l'attention médicale, il l'appelle maladie des mécaniciens, et pour en donner les symptômes, nous ne pouvons mieux faire que de citer les propres expressions de l'auteur : « Ce sont, dit-il, des douleurs sourdes, continues, persistantes, accompagnées d'un sentiment de faiblesse et d'engourdissement ; elles rendent la marche et la station debout très pénibles, se font sentir dans la continuité des os et dans les articulations fémoro tibiales et libio-tarsiennes, à droite et à gauche indistinctement. Elles dépendent probablement d'une affection de la moelle épinière... »

Rapport par le docteur Lecadre pour : la Société havraise d’études diverses. Recueil des publications, Vol. 85, n° 3, 1859.

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note : rapport sur l'ouvrage du Docteur Edouard Adolphe Duchesne, Des chemins de fer et de leur influence sur la santé des mécaniciens et des chauffeurs, Paris, 1857.‎

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