vendredi 11 février 2011

"La révolution a [...] bouleversé les choses... mais les hommes sont restés intacts" (L. Marcillac, 1824)

Le corps expéditionnaire français en Espagne en 1823.
Aquarelle originale signée P. O. (1824). Coll. Brown Univ.

« Les résultats de la guerre d’Espagne ont dépassé toute espérance par la promptitude qu’on a mise à les obtenir. […] Les armées françaises ont justifié la confiance qu’on avait de leur courage, de leur bonne discipline, comme de leur fidélité. L’écrivain est fier d’avoir à tracer de beaux tableaux et de pouvoir prouver le ridicule des patriotes espagnols qui menaçaient l’armée française des Fourches Caudines.

Dès le principe de l’insurrection de l’île de Léon, j’avais cherché, par des observations insérées particulièrement dans La Quotidienne, à prouver la nécessité d’éteindre ce foyer d’insurrection militaire, si dangereux par l’exemple, qui s’était allumé en Espagne. Il a fallu trois années d’expérience pour prouver à l’Europe que la base des trônes de la partie civilisée du globe se trouvait, pour le moment, en Espagne. […] Le système changea en 1822, avec le ministère ; et la raison frappant enfin de conviction des ministres royalistes, il fut décidé qu’on délivrerait un monarque dont les conjurés s’efforçaient d’avilir la dignité et le caractère sacré. La solidarité des sceptres fut établie en principe. La guerre d’Espagne fut considérée comme une mesure euro-péenne, nécessaire pour sauver la société du bouleversement des principes sur lesquels reposent la tranquillité des peuples et la stabilité des gouvernements légitimes. Il fut regardé comme de première nécessité d’arrêter les progrès de cette ambition de trône, qui était devenue l’esprit et l’ambition du siècle, dès qu’un soldat heureux arriva à l’empire par la gloire de ses soldats. Depuis cette époque, toute la législation des peuples et les droits des souverains dérivèrent d’un mouvement militaire ; et enfin en Espagne, quelques bataillons insurgés à l’extrémité de la péninsule suffisent pour changer les lois de la monarchie de Charles-Quint, et dicter à l’héritier de Philippe V, le souverain des Espagnes et de Indes, le code par lequel il devait régner sur les descendants du Cid et des femmes de Sagonte.

La France, à peine sortie du chaos des révolutions, eut l’honorable mission de consolider les principes monarchiques, et fut chargé des destins de l’Europe. Elle a présenté à l’univers étonné un état de finances que trente années de dilapidation et de concussion n’ont pu déranger ; et elle a confié le rétablissement de la morale des Etats à l’armée qui, quelques années auparavant, avait combattu pour celui qui, ne connaissant que l’obéissance passive, qualité première du soldat, démoralisait les peuples en les forçant à reconnaître pour souverains des hommes que la légitimité repoussait.

Honneur à vous, Roi sage, dont la perspicacité a pénétré le cœur des Français ! Vous y avez lu le mot fidélité, et vous avez confié à la gloire de Marengo, d’Austerlitz, réunie à celle de Condé et de la Vendée, non seulement la couronne de Saint-Louis, mais celle de tous les souverains de l’univers. Votre confiance n’a pas été trompée ; tous les Français ont répondu à l’appel de votre cœur et de l’honneur : l’accolade fraternelle s’est donnée sur le champ de bataille, et a eu pour témoin et pour garantie de sa sincérité, le drapeau sans tache. […]

Un corps expéditionnaire a marché directement sur Cadix, pendant que d’autres corps couvraient les flancs de l’opération principale, et délivraient les provinces latérales à celles que le prince [le Duc d’Angoulême] traversait. Le succès a couronné cette entreprise audacieuse, calculée sur le courage des troupes du roi, et le dévouement du peuple espagnol pour leur souverain. Honneur au prince, dont les plans sont en harmonie avec le caractère des Français, qui ne voit jamais que la victoire ! Traverser l’Espagne pour aller attaque, par assaut, le Trocadéro, malgré l’avis de tout un conseil de guerre, est une conception digne d’un descendant du vainqueur à Arques. […]

…l’Espagne était divisée par deux opinions, l’une royaliste avec le gouvernement absolu, l’autre constitutionnelle. La première opinion était celle de tous les habitants de la campagne et du clergé ; la seconde était bornée au littoral de la Méditerranée, particulièrement à Barcelone, ville à fabriques, et dans laquelle les gens vivant du produit de leur travail, subordonné à l’étendue du commerce, sont en nombre suffisant pour en imposer à la partie qui vit de ses revenus territoriaux. Peu de villes intérieures partageaient l’exaspération révolutionnaire. […] Remarquons que, partout où la morale religieuse avait de l’influence, les peuples étaient dévoués à la légitimité absolue : où la cupidité régnait, le vice anarchique avait de l’empire. En comparant les deux masses, on verra que la plus considérable était pour la monarchie sans altération, et l’on se convaincra que le sol espagnol n’est favorable ni aux complaisances ni aux concessions. La révolution y a, comme partout ailleurs, bouleversé les choses ; mais les hommes y sont restés intacts, et les principes immuables. […] » 

Louis Marcillac, Histoire de la guerre d'Espagne en 1823 :
 campagne de Catalogne, Paris, A Le Clère, 1824.

2 commentaires:

  1. Interresssante cette affaire d'Espagne!Et cela ne fesait que commencer!
    Rien de réglé par l'intervention de 1823, il faudra attendre .......1975 pour que la stabilité de l'Espagne revienne ?

    cordialement
    paco

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