jeudi 25 mars 2010

Architecture hospitalière et confort des malades (1842)

Le nouvel Hôtel-Dieu de Lyon construit de 1741 à 1764 d'après les plans de l'architecte Jacques-Germain Soufflot (1713-1780).


« La grandeur de nos salles offre plusieurs inconvénients. Il est très difficile d'y entretenir la température au degré nécessaire; l'extrême élévation des planchers, qui est de 6 ou 8 mètres tandis qu'elle n'en devrait pas dépasser 3 ou 4, laisse plus d'espace qu'il n'en faut pour les vapeurs corrompues qui s'exhalent, et empêche d'entourer les malades de la chaleur dont ils ont besoin. Dans une ville aussi généralement froide et humide que la nôtre, cet état de choses est d'une gravité manifeste. C'est par des bâtiments d'une étendue calculée d'après les circonstances extérieures, ainsi que par des salles et des fenêtres d'une dimension également proportionnée, que l'architecte chargé de la construction d'un hôpital doit s'appliquer à remédier aux fâcheuses conséquences d'un climat trop chaud ou trop froid, trop sec ou trop humide. Mais, en dressant les plans de l'Hôtel-Dieu de Lyon, Soufflot a tenu peu de compte de ce principe. Craignant sans doute que l'air fût vicié par les nombreux malades que cet hôpital devait recevoir, et prenant sans doute aussi pour modèle les hôpitaux d'Italie où les vastes salles ont une influence beaucoup moins funeste qu'en France, Soufflot a donné aux siennes une étendue qui ne permettra peut-être jamais d'y entretenir une température convenable.[…]

La température de ces salles n'est ni égale ni entretenue à une élévation convenable, c'est-à-dire de 10 à 15 degrés au dessus de zéro. Généralement elles ne sont point assez chauffées; et en toutes saisons, la chaleur est souvent trop faible dans les unes et trop forte dans les autres. C'est ainsi qu'en été, par exemple, il n'est pas rare de remarquer une différence de 5 à 6 degrés entre la chaleur des grandes salles et celle des petites.
Le chauffage a lieu pour chaque salle, au moyen d'un grand fourneau allumé toute l'année, et destiné aux besoins journaliers, mais qui répand néanmoins assez de chaleur. On y ajoute pour l'hiver un ou deux poêles de fonte, très grossiers. Ces moyens sont évidemment insuffisants. Aussi les grandes salles sont-elles presque toujours froides, et avant l'établissement des cloisons qui séparent le dôme des quatre rangs, le mercure y descendait-il fréquemment au-dessous de zéro.

Voici un relevé thermométrique qui fera connaître plus exactement la température des différentes salles de l'Hôtel-Dieu, pendant l'hiver.

Le 8 janvier 1842, à sept heures du matin, un thermomètre selon Réaumur, placé dans une cour et exposé au nord, marquait 5 degrés et 1/2 au-dessous de zéro.

Le même jour et à la même heure, la température régnante dans les salles principales a été observée ainsi qu'il suit, savoir :

1ère femmes fiévreuses 6 ¾ °
2e femmes fiévreuses 4°
3e femmes fiévreuses 3°
4e femmes fiévreuses 3 ½ °
Salle Montazet 7 ½ °
Infirmerie des sœurs 6°
Salle d’Orléans 4°
Salle St-Louis 6 ½ °
Salle St.-Paul 7°
Salle St.-Charles 6°
Femmes en couche 5°
Salle des opérés (hommes) 6 ½ °
Salle St.-Jean 7°
Salle Ste.-Anne 6 ¼ °
Salle St.-Roch 5 ¾ °
Clinique (femmes) 6 ½ °
Salle St.-Maurice 5°
Salle Ste.-Marie 1°

Il est à remarquer que, dans les plus grandes de ces salles, le thermomètre ne donne pas le chiffre de la température qui règne sur tous les points de leur étendue, cette température variant d'une manière sensible selon le plus ou le moins d'éloignement du foyer. Il y a plus, les poêles ne chauffent pas durant la nuit ; et dans les salles de Cévreux, on venait seulement de les allumer au moment où furent faites les observations ci-dessus ; de sorte que l'heure de sept du matin, qui est généralement la plus froide de la journée, est aussi celle où ces salles sont le moins bien chauffées. »


Jacques Pierre Point, Histoire topographique et médicale du Grand Hôtel-Dieu de Lyon, Paris, J.-B. Baillière, 1842.

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