« Quinze jours environ avant Noël, Pelzmichel ou le Knecht Rupert vient rendre sa visite annuelle aux enfants. Car ce personnage célèbre représente le grand saint Nicolas… […]
Pelzmichel a toujours un costume extraordinaire qui produit une impression profonde sur l'esprit des enfants. Sa main droite est armée d'un fouet ; derrière son dos pend un énorme sac dont on ne voit jamais le fond ; une chaîne de fer qui lui sert de ceinture retombe jusque sur ses talons et fait un bruit mystérieux quand il marche. Souvent il a un nombre considérable de petites cloches suspendues autour de lui. On l'appelle le Knecht Rupert, parce qu'on le regarde comme le serviteur du Christ-Kindchen (Enfant-Christ), qui l'envoie annoncer son arrivée pour la veille de Noël. Ce rôle important est en général confié à un vieux domestique. Les enfants âgés de huit à neuf ans sont mis dans le secret, mais ils le gardent avec la plus scrupuleuse fidélité. Leurs petits frères et leurs petites sœurs ne se doutent même pas de la supercherie. Ils croient en Pelzmichel comme ils croient en Dieu. Dès le mois de novembre, leurs parents leur répètent que Noël approche et que Pelzmichel va bientôt venir. "Si vous avez été sages, leur disent-ils, il vous récompensera ; s'il n'est pas satisfait de votre conduite, il vous châtiera; car il sait et il voit tout ce que vous faites."
Enfin, l'avant-veille de la Saint-Nicolas, le soir, lorsque toute la famille est rassemblée, le père ou la mère annonce d'une voix solennelle que Pelzmichel arrivera le lendemain à six heures précises.
Enfin, l'avant-veille de la Saint-Nicolas, le soir, lorsque toute la famille est rassemblée, le père ou la mère annonce d'une voix solennelle que Pelzmichel arrivera le lendemain à six heures précises.
Avec quelle crainte respectueuse, avec quelle impatiente curiosité, les enfants attendent cette heure à la fois si désirée et redoutée ! Pâles, immobiles, muets, ils suivent des yeux l'aiguille qui s'avance lentement vers le chiffre fatal, ils prêtent l'oreille au moindre bruit ; plus l'instant approche, plus ils sont émus... car ils savent que Pelzmichel est exact. Tout à coup, au moment même où six heures sonnent, on frappe à la porte de la rue... un même cri s'échappe de toutes les bouches : c'est Pelzmichel ! puis le silence redevient aussi profond qu'il l'était auparavant. L'attention redouble, car la porte de la rue s'est ouverte, et on entend- déjà dans l'escalier un bruit extraordinaire, un pas lourd qui retentit sur les marches, des clochettes qui sonnent, des chaînes qui s'entrechoquent, des voix qui se répondent... Enfin la porte du salon s'ouvre à son tour, et apparaît sur le seuil Pelzmichel en personne suivi de tous les domestiques de la maison ; aucun des assistants n'ose ni parler ni bouger. Pelzmichel s'avance gravement jusqu'au milieu du salon, et prenant la parole, il annonce à son jeune auditoire qu'il est envoyé par le Christ-Kindchen pour récompenser les bons et punir les méchants. Puis il fait subir un interrogatoire à tous les enfants, qui l'écoutent tremblants d'espérance et de crainte. Commençant par le plus âgé et finissant par le plus jeune, il leur demande s'ils ont bien employé leur temps pendant l'année; souvent il les prie de lui montrer leurs cahiers d'études ; il manifeste hautement son opinion sur leurs progrès, il leur prouve par son langage qu'il est instruit de toutes leurs actions, bonnes ou mauvaises. Son interrogatoire achevé, ses arrêts prononcés, il distribue des récompenses à tous ceux qui les ont méritées. Presque toujours, le plus jeune des assistants lui récite, comme une prière, un petit couplet que sa nourrice lui a appris :
Christ-Enfant. Viens ;
Fais-moi bon :
Afin que j'aille vers toi dans le ciel.
Pelzmichel parle avec sévérité et en agi tant à leurs yeux le fouet qu'il tient à la main, aux enfants qui ont été paresseux, entêtés, désobéissants, gourmands, menteurs, etc. Rarement il châtie lui-même les coupables, mais il remet son fouet au chef de la famille, il lui recommande de s'en servir lorsqu'il le jugera nécessaire, sinon, dit-il d'une voix menaçante, "je viendrai moi-même en faire usage." "D'ailleurs, ajoute-t-il, la veille de Noël, vous recevrez la visite du Christ-Kindchen, et ce jour-là, il se chargera de vous récompenser ou de vous punir; si vous clés sage, vous trouverez beaucoup de belles choses sur l'arbre de Noël ; sinon, vous serez garrottés de chaînes pesantes, entraînés au fond des bois dans des montagnes solitaires, enfermés dans une grotte sombre et humide, avec des serpents, des hiboux, des crapauds et des salamandres." Cette dernière harangue terminée, Pelzmichel ouvre son grand sac pendu derrière son dos et en tire des noisettes, des pommes et des gâteaux, qu'il distribue à tous les enfants sans exception, puis il en jette une énorme poignée sur le plancher. Pendant que les enfants se précipitent à terre pour les ramasser, il disparaît.
La visite de Pelzmichel produit toujours un merveilleux effet. Les parents répètent souvent à leurs enfants les éloges et les reproches qu'il a adressés à chacun d'eux en particulier ; ils leur rappellent que Pelzmichel connaît toutes leurs actions et devine toutes leurs pensées ; ils les engagent à se corriger de leurs défauts s'ils désirent obtenir quelques récompenses du Christ-Kindchen, Pendant quinze jours tous les enfants de la confédération germanique sont métamorphosés en de véritables petits saints. »
A. J. , « Un hiver en Allemagne », Revue britannique : Choix d'articles traduits des meilleurs écrits périodiques de la Grande-Bretagne, vol. 1, Bruxelles, Méline, 1843 (traduit de William Howitts, Rural & domestic life of Germany, Londres, 1842).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire