Aux soldats cantonnés en Italie.
Mon activité est sans bornes, et je suis sur le point de remplir mon but. Mon but est d'affranchir mon pays, de le rendre indépendant, libre et heureux. Ce n'est pas par la force que nous avons été vaincus; la force de tout l'univers n'aurait pas suffi à vaincre la Hongrie : la trahison seule l'a fait.
Je jure que la force ne nous vaincra pas et que la trahison ne nous livrera plus. Notre guerre, c'est la guerre de la liberté du monde, et nous ne sommes plus seuls. Non seulement toute la population de notre pays sera avec nous, non seulement ceux qui autrefois nous étaient opposés, combattront avec nous l'ennemi commun, mais tous les peuples de l'Europe se lèveront et s'uniront pour faire flotter la bannière de la liberté. Par la force des peuples du monde, la puissance chancelante des tyrans sera détruite, et cette guerre sera la dernière.
Dans cette guerre, aucune nation ne fraternise plus sincèrement avec les Hongrois que l'Italie. Nos intérêts sont les mêmes, notre ennemi est le même, l'objet du combat est le même. La Hongrie est l'aile droite et l'Italie l'aile gauche de l'armée que je conduis; la victoire leur sera commune.
Aussi, au nom de ma nation, j'ai fait alliance avec la nation italienne. Au jour où nous levons l'étendard de la liberté du monde, que le soldat italien en Hongrie s'unisse à la nation hongroise insurgée, et que le soldat hongrois en Italie s'unisse à la nation italienne insurgée. Que tous, quelque part où le cri d'alarme viendra frapper leurs oreilles, que tous combattent contre l'ennemi commun. Celui qui ne le fera pas sera regardé pour ce qu'il est, pour le valet du bourreau de notre pays, et il ne reverra jamais le sol natal ; il sera exilé pour toujours comme un traître, comme un homme qui a vendu le sang de ses parents et de son pays à l'ennemi.
Le jour de l'insurrection est venu ; car s’ils n'étaient pas prêts, si notre nation ne savait pas profiter de l'occasion, notre cher pays serait perdu pour toujours, et notre drapeau national serait couvert d'ignominie.
Je sais que tous les Hongrois sont prêts pour la guerre de la liberté. Le sang versé par les martyrs, les souffrances du pays ont changé en héros jusqu'aux enfants.
Aucune nation n'a jamais récompensé ses braves fils aussi magnifiquement que la nation hongroise récompensera les siens. Après la victoire, le domaine public sera partagé à l'armée et aux familles des victimes; mais le lâche et le traître seront punis de mort.
Soldats ! je vous fais donc savoir, au nom de la nation, que celui, quel qu'il soit, qui vous apportera cet ordre de moi vous est expressément envoyé pour me faire connaître quels sont les amis de la liberté cantonnés en Italie, et pour vous dire en mon nom comment il faut que vous vous organisiez.
Recevez ces instructions que la nation vous adresse par ma bouche, et soyez-y fidèles ; qu'il en soit de même dans chaque district de notre pays et d'ailleurs.
Mes braves! les honveds et les hussards ont couvert de gloire le nom de notre pays; le monde a les yeux sur le drapeau de la Hongrie comme sur la bannière de la liberté ! Nous conserverons cette gloire et nous répondrons à cette attente.
C'est surtout sur vous que se portent les yeux du monde, parce que votre nombre est grand. Vous avez les armes à la main, un sang généreux coule dans vos veines, l'amour du pays et l'ardeur de la vengeance contre ses bourreaux respirent dans vos cœurs. Votre tâche est glorieuse et facile, car vous êtes au milieu d'une nation qui fournira, elle aussi, ses millions de combattants contre l'Autriche.
De Rome jusqu'à l'île des Siciliens, de la Save aux contrées qui s'étendent au delà du Rhin, tous les peuples sont unanimes pour se lever au bruit éclatant de vos millions d'armes. Que Dieu soit notre juge ! Mort aux tyrans ! Vive la liberté des peuples ! Vive notre pays!
Mes braves ! à ce cri votre voix sera comme la trompette de Josué, elle fera tomber le Jéricho des tyrans.
Tels sont les ordres que je donne au nom de la nation. Que tous obéissent ! Je serai bientôt parmi vous. Au revoir! Que Dieu soit avec vous !
L. KOSSUTH. Londres, février 1853. »