mardi 30 mars 2010

"Qui a du fer a du pain" (L.-A. Blanqui, 1851)


« AVIS AU PEUPLE,

Quel écueil menace la révolution de demain ? L’écueil où s’est brisée celle d’hier, la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns.

Ledru-Rollin, Louis Blanc, Crémieux, Marie, Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont (de l’Eure), Flocon, Albert, Arago, Marrast !

Liste funèbre ! Noms sinistres écrits en caractères sanglants sur tous les pavés de l’Europe démocratique.

C’est le gouvernement provisoire qui a tué la révolution ! C’est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous les désastres, le sang de tant de milliers de victimes.

La réaction n’a fait que son métier en égorgeant la démocratie. Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui ont livré leur peuple à la réaction.

Misérable gouvernement ! Malgré les cris, les prières, il lance l’impôt des 45 centimes qui soulève les campagnes déserteurs

Il maintient les états-majors royalistes, la magistrature royaliste, les lois royalistes. Trahison !

Il court sus aux ouvriers de Paris le 16 avril, il emprisonne ceux de Limoges; il mitraille ceux de Rouen le 27 ; il déchaîne tous leurs bourreaux, il berne et traque tous les sincères républicains. Trahison ! Trahison !

A lui, à lui seul le fardeau terrible de toutes les calamités qui ont presque anéanti la révolution !

Oh ! Ce sont là de grands coupables, et entre tous les plus coupables ceux en qui le peuple, trompé par des phrases de tribun, voyait son épée et son bouclier; ceux qu’il proclamait avec enthousiasme arbitres de son avenir.

Malheur à nous, si, au jour du prochain triomphe populaire, l’indulgence oublieuse des masses laissait retomber au pouvoir un de ces hommes qui ont forfait à leur mandat ! Une seconde fois, c’en serait fait de la révolution !

Que les travailleurs aient sans cesse devant les yeux cette liste de noms maudits, et si un seul, oui, un seul, apparaissait jamais dans un gouvernement sorti de l’insurrection, qu’ils crient tout d’une voix : trahison !

Discours, sermons, programmes, ne seraient encore que piperie et mensonges; les mêmes jongleurs ne reviendraient que pour exécuter le même tous avec la même gibecière; ils formeraient le premier anneau d’une chaîne nouvelle de réactions plus furieuses. Sur eux, anathème et vengeance, s’ils osaient reparaître ! Honte et pitié sur la foule imbécile qui retomberait dans leurs filets.

Ce n’est pas assez que les escamoteurs de février soient à jamais repoussés de l’hôtel de ville, il faut se prémunir contre de nouveaux traîtres.

Traîtres seraient les gouvernants qui, élevés sur le pavois prolétaire, ne feraient pas opérer à l’instant même : 1° le désarmement général des gardes bourgeoises ; 2° l’armement et l’organisation en milice nationale de tous les ouvriers.

Sans doute il est bien d’autres mesures indispensables; mais elles sortiront naturellement de ce premier acte, qui est la garantie préalable, l’unique gage de sécurité pour le peuple.

Il ne doit pas rester un seul fusil aux mains de la bourgeoisie. Hors de là, point de salut.

Les doctrines diverses qui se disputent aujourd’hui les sympathies des masses, pourront un jour réaliser les promesses d’amélioration et de bien-être, mais à la condition de ne pas abandonner la proie pour l’ombre.

Elles n’aboutiraient qu’à un lamentable avortement si le peuple, dans un engouement exclusif pour les théories, négligeait le seul élément pratique assuré, la force !

Les armes et l’organisation, voilà l’élément décisif du progrès, le moyen sérieux d’en finir avec la misère ! Qui a du fer a du pain. On se prosterne devant les baïonnettes, on balaie les cohues désarmées. La France hérissées de travailleurs en armes, c’est l’avènement du socialisme.

En présence de prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra.

Mais pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de liberté, par des phrases sonores d’avocats, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin la mitraille, de la misère toujours.

QUE LE PEUPLE CHOISISSE ! »


TOAST ENVOYE PAR LE CITOYEN L.-A. BLANQUI A LA COMMISSION PRES LES REFUGIES DE LONDRES, POUR LE BANQUET ANNIVERSAIRE DU 24 FEVRIER (1851)

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