« Républicains de la veille, républicains du lendemain et du surlendemain, s’il en existe, rassurez-vous tous ; le prince Louis-Napoléon ne doit vous donner aucun ombrage.
Républicains de toutes les couleurs, de toutes les nuances depuis le bleu douteux jusqu’au rouge foncé ; soyez sans aucune crainte, le neveu du grand Napoléon ne veut point jeter le bâton impérial dans les roues de votre char démocratique !
Lisez plutôt les quelques lignes que nous avons placées ici en vedette, pour qu’elles soient plus visibles. Oui, ces lignes, relisez-les :
"jamais je n’ai cru, jamais je ne croirai que la France soit l’apanage d’un seul homme, ou d’une seule famille ; jamais je n’ai invoqué d’autres droits que ceux de citoyen français. Signé : Napoléon-Louis."
Voilà qui est clair, je pense, d’une clarté à interdire toute équivoque : douter maintenant du prince Louis, ce serait lui faire injure, ce serait douter de sa bonne foi.
La parole peut avoir été donnée aux diplomates pour déguiser leur pensée ; c’était l’opinion de Talleyrand : le prince Louis ne fut jamais diplomate, peut-être même ne le fut-il pas assez.
Le prince Louis, en apprenant l’heureux résultat de sa candidature à Paris, s’est empressé de s’y rendre pour témoigner sa reconnaissance à ses commettants ; en arrivant, sa première parole a été, dit-on, celle-ci :
"Rien n’est changé en France ; il n’y a qu’un républicain de plus."
Voilà, certes, une profession de foi des plus saisissantes. Ceci posé, une question fort naturelle vient ici se présenter. Cette question, la voici :
Quel doit être l’avenir du prince Louis-Napoléon au milieu de la République française ?
A cette question, nous n’avons autre chose à répondre, sinon qu’il est des secrets que Dieu seul connaît. Mais avant de nous occuper de l’avenir du filleul de Napoléon-le-grand, disons deux mots de son passé.
Napoléon-Louis Bonaparte naquit à Paris, le 20 avril 1808, de Louis-Napoléon Bonaparte, roi de Hollande, et d’Hortense-Eugénie de Beauharnais, fille de l’impératrice Joséphine.
Il eut pour parrain et marraine l’empereur et l’impératrice. C’est son oncle, le cardinal Fesch, qui le baptisa.
A l’âge de sept ans il dut, pour la première fois, quitter la terre de France ; sa famille entière était proscrite.
C’est au château d’Arenberg, dans le canton de Thurgovie, que le jeune exilé commença son éducation militaire. En 1830, Napoléon-Louis espéra, mais en vain, pouvoir rentrer en France ; la politique ombrageuse de Louis-Philippe le força à retourner dans son exil.
Tout le monde connaît l’affaire malheureuse de Strasbourg, tentée le 30 octobre 1836. Napoléon-Louis, fait prisonnier, fut transporté à New York.
De 1836 à 1839, il perdit sa mère bien-aimée, son oncle le cardinal Fesch et sa tante, Mme Murat. A quoi bon parler ici de son expédition de Boulogne ? Ce souvenir est trop récent pour qu’il soit nécessaire de la rajeunir.
Napoléon-Louis, fait prisonnier une seconde fois, fut transféré au château de Ham. L’illustre accusé avait choisi pour ses defenseurs Mes Berryer et Marie.
Malgré leur éloquent plaidoyer, il fut condamné et enfermé à Ham. Après une longue captivité, il recouvra sa liberté, en prenant les habits d’un ouvrier qui travaillait aux murailles du fort.
Le 24 février, Napoléon-Louis venait offrir ses services à la naissante République, qui le supplia de bien vouloir s’éloigner provisoirement. Aujourd’hui enfin ce provisoire cesse, et le prisonnier de Ham rentre triomphalement dans Paris, protégé par son titre de représentant du peuple. »
L’Aigle républicaine, journal hebdomadaire, n° 1, s. d. [juin 1848]
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