« Après vingt-cinq ans de troubles et de malheurs inouïs, la France respire enfin sous un gouvernement libéral et paternel ; les sources de la prospérité nationales sont ouvertes ; tous les citoyens, heureux et paisibles sous la protection des lois, peuvent se livrer sans crainte à des travaux utiles ; l’agriculture fleurit dans nos campagnes, l’abondance et la sécurité règnent dans nos villes, les espérances les mieux fondées embellissent l’avenir ; les liens d’amitié et de famille ne sont plus affaiblis par les défiances, les soupçons, les terreurs ; enfin, tout annonce aux Français le terme des calamités inséparables des grandes révolutions. Quel mauvais génie vient aujourd’hui troubler tant de félicités ! Quel peut être l’espoir de cet étranger banni, coupable de tous les maux qui nous ont accablés depuis quinze ans ; coupable surtout d’avoir attenté à la liberté publique, et courbé la France sous le sceptre de fer du plus odieux despotisme ?
Tant que, séparé du reste de l’Europe, et confiné dans une île de la Méditerranée, il ne présentait aux Français qui avaient eu le malheur de vivre sous ses lois que le spectacle de l’ambition déchue et de la folie impuissante, un sentiment de respect pour soi-même et de pitié peut-être trop généreuse pouvait étouffer le reproche et retenir le cri d’indignation ; comme il y avait peu de courage, il y avait peu de mérite à l’attaquer ; mais aujourd’hui qu’il ose pénétrer à main armée sur notre territoire, aujourd’hui qu’infidèle à ses promesses, aux traités les plus solennels, il nous apparaît comme le spectre sanglant de la tyrannie, chaque Français se doit à lui-même, et doit à sa patrie de manifester ses vrais sentiments, et de se rallier autour du trône constitutionnel, seule garantie du repos et du bonheur de la France.
Quelle est donc la classe d’hommes qui pourrait désirer le retour de Buonaparte ? Sont-ce les pères de famille dont il décimait les enfants ; les citoyens industrieux dont il arrêtait les travaux ; les habitants des campagnes soumis à des impôts arbitraires, et les braves défenseurs de la patrie dont il usurpait la gloire, et qu’il exposait sans remords à la rigueur dévorante des hivers plus terribles que le fer de l’ennemi ?
On lit, dit-on, sur ses drapeaux, cette inconcevable devise : la liberté, la gloire et la paix. La liberté ! Il en fut l’assassin ; la victoire ! ses fautes et la fureur de son ambition ont amené l’étranger dans la capitale même de la France ; la paix ! Il n’a vécu que pour la guerre et par la guerre. Combien de fois n’a-t-il pas repoussé la paix qui est l’objet de tous nos vœux ! et par quelle dérision amère nous parle-t-il de paix au moment même où il nous menace de toutes les horreurs de la guerre civile !
Et si nous détournons les yeux de cet insensé pour les fixer sur le gouvernement légitime que le Ciel nous a donné dans sa miséricorde, quels puissants motifs n’y trouverons-nous pas de le défendre contre toutes les attaques ! Un roi éprouvé par le malheur est remonté au trône de ses pères, et la clémence et la paix se sont assises à ses côtés. Une charte protectrice de toutes nos libertés est le premier bienfait de son retour. Ses paroles consolantes ont réconcilié tous les Français avec eux-mêmes ; et si quelques voix imprudentes se sont élevées contre sa volonté sacrée, elles se sont perdues dans le concert unanime de bénédictions qui ont proclamé l’oubli du passé, le sécurité du présent et le bonheur de l’avenir.
Que l’Europe soit attentive à ce qui se passe aujourd’hui en France. Ce sera une grande leçon pour les peuples et pour les rois. A peine la nouvelle du débarquement de Buonaparte est-elle connue, que Louis le Désiré s’empresser de convoquer les fidèles représentants du peuple. C’est la nation qu’il appelle au secours de la monarchie contre le despotisme. Il sait que la nation et le roi n’ont point d’intérêt séparé, que leur destinée est commune, et que, réunis, ils peuvent braver, non seulement les tentatives d’un aventurier, mais les efforts combinés de tous leurs ennemis extérieurs.
Jusqu’au moment où Buonaparte a été déchu, et même peut-être jusqu’à celui où il a renoncé pleinement et librement à l’autorité dont il avait fait un si terrible usage, on a pu sans honte obéir au chef de l’Etat ; mais il a brisé lui-même tous les liens qui existaient entre lui et les Français ; il a délié l’armée du serment de fidélité qui l’attachait à ses drapeaux. Nos braves militaires ont prêté un nouveau serment. Ils ont attachés par des nœuds indissolubles à la patrie et au roi. Ces guerriers, pleins de courage et de loyauté, dont les mémorables exploits ont forcé l’Europe à l’admiration, ne comptent dans leur rang, ni lâches, ni traîtres. Ces représentants de l’honneur national forment autour du trône un rempart inexpugnable contre lequel viendront se briser tous les efforts de la malveillance et de la trahison. »
Antoine Jay, Journal de Paris, 10 mars 1815.
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Antoine Jay (1770-1854). Initialement partisan de l'Empire, il se rallie à la Monarchie en 1814, rejoint le camp napoléonien pendant les Cent-Jours, puis se rallie à nouveau à la Monarchie après le désastre de Waterloo (juin 1815).
« … L’empereur a brisé le joug de plomb qui chaque jour s’appesantissait davantage sur nous ; et maintenant nous trouvons cela tout simple et tout naturel. La même chose arriva à Christophe Colomb lorsqu’il eût découvert le Nouveau Monde.
Mais qu’on pense à ce qu’il a fallu de force d’âme et de décision pour sortir d’une île de la Méditerranée, se jeter avec douze cents hommes à l’une des extrémités de la France, et arriver à Paris avec la rapidité de l’éclair. L’histoire plus équitable dira qu’il n’y avait que lui qui, sans guerre civile, pût concevoir et achever cette grande entreprise. Il est encore le seul homme qui puisse fonder la liberté publique en France…
La constitution est maintenant dans toutes les têtes, parce qu’elle se réduit à un petit nombre d’idées raisonnables. La sûreté des personnes et des propriétés, l’égalité des droits, la liberté de penser et d’écrire, la représentation nationale assurée, l’inviolabilité du chef de l’Etat, la responsabilité des ministres, voilà à peu près tout ce que nous désirons. La dynastie de l’homme à qui nous serons redevables de ces avantages sera éternelle.
Alors ce serait bien en vain que les puissances étrangères voudraient nous faire la guerre. Elle n’aurait aucun but. Nous sommes tranquilles chez nous ; et le peuple français a un sentiment trop profond de sa force et de sa dignité pour souffrir l’intervention de l’étranger dans ses affaires intérieures. Aucun prétexte ne pourrait la justifier. La nation et le gouvernement veulent la paix ; mais ils veulent surtout la liberté. »
Antoine Jay (1770-1854), Journal de Paris, 7 avril 1815.
"Il n'y a que les imb........qui ne changent jamais d'avis"!
RépondreSupprimerMais là il est trés fort quand même !
meilleurs voeux
paco