« LA GUERRE ! Toutes les nations qui composent le monde ont eu des guerres à soutenir ; mais elles étaient justes ou injustes. Une guerre juste, quoiqu'il soit horrible de verser le sang humain, de détruire par le glaive l'homme, cette œuvre de Dieu, il faut la faire sans hésiter.
Une guerre injuste, ou autrement une guerre de fantaisie, de tyran, d'oppresseur, est un opprobre dont se couvre celui qui la prend sous sa responsabilité. Honte éternelle à cet être-là ; le monde l'abhorre ; les courtisans et les intéressés seuls, au risque de partager sa honte, font cause commune avec lui. La postérité, il est vrai, dans son inexorable justice, dans son inflexible jugement, les flétrit pour l'éternité. Mais rien n'effraye un tyran, il se joue de tout ; l'humanité n'est qu'un vain mot pour lui ; quand il a dit JE VEUX, Dieu a parlé par sa bouche. Le comble de l'immoralité est là, ou il ne se trouve nulle part. Voilà, nous le croyons, l'idée qu'un peuple civilisé doit avoir de la guerre injuste. Aussi ne doit-on jamais la faire à aucune nation par esprit de conquête ou par pur caprice.
Mais il est une guerre juste et que toute nation qui comprend l'humanité doit entreprendre avec un acharnement terrible : c'est celle qui a pour but d'anéantir un barbare et sanguinaire oppresseur qui ne se contenta pas de l'esclavage de ceux qu'il appelle les siens, mais qui veut encore imposer son joug de fer aux autres. Cette idée-là, elle révolte l'homme qui sent sa dignité, l'homme qui ne veut plus de la vie devenue une honte. En effet, esclavage ou lâcheté est tout un pour l'homme à qui Dieu a révélé sa nature perfectible. Le cri Aux armes ! est alors le seul qu'il doit proférer ; l'amour de la justice est pour lui une soif morale non moins utile à sa vie, à son âme, que les aliments le sont à son corps. Mais l'homme ne peut vouloir le bien que pour lui seul ; le frère qui lui crie : on veut m'assassiner, viens à mon secours ou je vais succomber, ne doit pas être odieusement abandonné par lui, ou il a le droit de le maudire.
Si nous avions le temps ici de feuilleter les annales du monde, nous n'aurions que l'embarras du choix dans les citations que nous aurions à faire. Mais nous nous bornerons à rappeler 1792, époque qui tient du prodige, époque où la France, ayant jeté loin d'elle toute la vieille friperie des anciens temps, avait juré de se transformer en une nation nouvelle ou de disparaître du monde. Mais le faisceau de lumières était seulement en France ; les ténèbres enve- loppaient les autres nations. Elles ont voulu nous vaincre ; et si, comme nous l'avons déjà dit, elles nous ont envoyé la guerre, nous leur avons envoyé la liberté. Nous ne citons que cette époque-là, parce qu'elle est la plus extraordinaire, la plus saillante dans l'histoire des peuples. Elle renferme une idée vers laquelle il faut, avec le temps, que tout converge, LE PROGRÈS.
Mais, nous dira-t-on, nous avons été vaincus ; nous le savons, et nos ennemis se sont souvent parés d'un laurier trouvé parmi nos morts. Ils ont détruit des hommes, mais cette idée de l'affranchissement humain, l'ont-ils détruite ? Non, elle est restée debout ; elle défie les oppresseurs, et c'est avec elle, c'est à son cri que les opprimés, la rage au coeur, se lèveront pour exterminer la tyrannie.
Ce cas-là, c'est celui où s'est placé un jeune souverain, l'empereur d'Autriche ; imbu de vieilles et ridicules idées, il veut porter l'asservissement dans le Piémont, il veut subjuguer une partie de l'Italie, il veut faire rétrograder la raison. Alors, regardant sa nation comme un composé de satellites forcés, il faut qu'à son geste ils aillent se faire tuer au nom de la déraison, de l'esclavage ! Et ce souverain est dans cet âge où il est si beau d'être grand et généreux, de suivre la progression des idées, d'élargir la voie par où le bien devrait toujours passer sans rien ravager. Mais le sort en est jeté, l'empereur d'Autriche veut ensanglanter le sol de l'Italie. Son crime sera puni : la France a volé au secours de ses frères opprimés et la lutte est dans toute son effervescence.
Malheur à toi, jeune souverain. Oh ! si tu le voulais, il serait encore temps. Lis donc l'histoire de Néron, aujourd'hui l'opprobre du genre humain; tu y verras que, jeune encore, on lui apporta une condamnation à mort à signer et qu'il répondit : — Ah ! je voudrais ne pas savoir écrire ! Eh bien, toi, tu es jeune et tu agis comme Néron quand il ne l'était plus. Réfléchis donc et, te voilant le visage, tu demanderas pardon à l'humanité.
Pourquoi l'Angleterre, la Prusse, la Russie n'ont-elles pas fait cause commune avec la France ? c'était pourtant le cas de donner un grand spectacle au monde et une grande et terrible leçon au jeune empereur autrichien ! L'Angleterre, la Prusse, la Russie ne l'ont pas voulu ; peut-être en auront-elles du repentir. Attendons.
Le châtiment de l'empereur autrichien a commencé ; quelle doit être sa fin ? Quelque terrible qu'elle soit, elle sera méritée. Plus qu'un mot. Gloire, honneur à notre intrépide armée : chaque pas qu'elle fait en Italie est un pas qu'elle fait faire à l'humanité.
D'Albanès Havard. »
Le Panthéon des ouvriers. Journal des travailleurs, 1ère année, n° 30, samedi 4 juin 1859.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire